Design

Longtemps, les concepteurs se sont vus cantonnés en fin de chaîne. Assimilés à de simples créatifs qui soignent uniquement la forme, leur intervention visait à rendre les produits et services plus attrayants pour l’utilisateur final et mieux dessinés.

Entre conception et pragmatisme, la conception est plus que jamais au cœur des entreprises

Aujourd’hui, avec la montée en maturité des entreprises, les concepteurs se retrouvent à tous les niveaux des organisations, y compris dans les comités exécutifs qui accueillent désormais des chefs de la conception. La conception a acquis une toute nouvelle place dans la stratégie d’entreprise, autant en amont qu’en aval des projets. Il était temps! Car concevoir, c’est créer tout en pensant et en faisant. La forme suit la fonction, tandis que la pensée et l’action se fondent en un binôme gagnant. Cette méthode est indéniablement moderne.

La dimension stratégique de la conception accompagne le projet à chacune de ses étapes. Cette discipline concerne à la fois une stratégie, une image, une valeur, une expérience, une qualité et une façon de travailler. De nombreuses entreprises en démarrage à succès, comme Airbnb, Snapchat ou Pinterest, ont été fondées par des concepteurs. Difficile d’ailleurs, dans ces cas-là, d’affirmer où commence et où s’arrête la discipline. En quelques décennies, la manière dont on envisage la conception est passée d’une approche marketing (affective), qui consistait à faire aimer les produits par la clientèle, à une approche centrée sur l’utilisation (expérientielle). La demande adressée au concepteur est désormais de concevoir les produits dont les utilisateurs ont besoin. L’expérience utilisateur est devenue le nouveau cheval de bataille pour les entreprises qui ont l’intention de fidéliser autant leurs clients que leurs salariés.

La pensée orientée conception, ou conception créative, a été largement popularisée dans les entreprises depuis les années 1990. Elle s’apparente à une façon d’innover et de résoudre les problèmes autrement, en trouvant un juste équilibre entre pensée analytique et intuitive. Les méthodologies de co-conception permettent d’initier des gens aux profils variés à des méthodes utilisées par les concepteurs. Il s’agira de trouver des solutions originales à des problématiques du quotidien.

L’une des principales qualités du concepteur créatif est de faire preuve d’empathie avec l’utilisateur final du produit ou du service. C’est en partie dans cette expérience de l’autre qu’il puise sa créativité. Penser comme un concepteur, c’est aussi savoir trouver l’inspiration là où elle se loge et stimuler sa créativité pour trouver la juste solution.La conception créative regroupe, par conséquent, des centaines de méthodes facilitant l’empathie, l’idéation, l’itération, le prototypage et le test des idées imaginées. Cette méthode exige d’essayer le projet, de créer un prototype et de recommencer, au besoin, afin de cheminer vers un produit idéal.

La conception est désormais considérée selon une approche systémique destinée à véhiculer des visions transversales et cohérentes.Pour générer un maximum de retombées, la vision axée sur la conception se décline en divers volets : objet, lieu, interface, icône, logotype, contenu éditorial, toucher, son, processus, organisation, méthodes et information.

Créer un référentiel de conception (système de conception) à la fois global et omnicanal permet de faciliter la prise de décisions et fait gagner du temps à tous les niveaux de conception, en mettant à profit les éléments existants de l’écosystème. Bien entendu, ces systèmes de conception restent évolutifs et agiles dans leur mise en place.Après tout, c’est en intégrant la conception jusque dans les plus infimes détails que les grandes marques créent des expériences utilisateur globales, cohérentes et facilement reconnaissables. Comme le disait Ettore Sottsass, le célèbre architecte italien, « tout est design; c’est une fatalité ».

De la réflexion à l’exécution, la dimension opérationnelle de la conception

L’intelligence de la main est trop souvent négligée dans les grandes entreprises. C’est pourtant dans l’action que l’innovation trouve sa valeur. À quoi sert le meilleur concept du monde s’il ne dépasse pas le stade où il est décrit sur un bout de papier? La réalisation de maquettes, d’illustrations et de prototypes de toutes formes, très tôt dans les processus de création, permet de tester les idées, de procéder à une itération pour connaître leurs effets, et parfois de les invalider de manière efficace et constructive. Il arrive souvent que les meilleures idées surgissent de l’action. Par conséquent, il n’est pas avantageux de « bloquer » une idée autour d’une table de réunion.

La contrainte est source d’inspiration. Pour favoriser la créativité, il faut bien positionner le curseur entre liberté et contrainte. Trop de contraintes empêchent le concepteur de s’exprimer. Mais laisser carte blanche à un projet peut aussi s’avérer déroutant. Lorsqu’un concepteur part d’une thématique ou d’une instruction précise, il devra toujours naturellement remettre en question les croyances et postulats admis.admis. Il commencera par observer la réalité du terrain et analyser son contexte. Ainsi, il pourra s’assurer qu’il répond à la bonne question, après avoir intégré tous les facteurs contraignants qui stimuleront sa créativité.

La technologie amplifie les utilisations possibles, et non l’inverse.La technologie doit rester un moyen, pas une finalité. Après des décennies de progrès techniques, durant lesquelles les entreprises ont propulsé leur innovation en misant sur la technologie, la valeur d’une innovation s’est avérée ancrée dans la convergence entre sa faisabilité, sa désirabilité et sa viabilité. La valeur d’une innovation repose dans son adéquation avec le marché visé. Ainsi, c’est l’usage que l’on fait d’une technologie qui a de la valeur, et non la technologie elle-même si elle est mise de côté. C’est pourquoi l’intégration de la conception est essentielle, dès la genèse des projets de recherche appliquée.

La forme sublime le fond. Le beau, le bon et l’utile forment le trio gagnant des concepteurs. Bien que « la forme suive la fonction », comme le disait le grand architecte Louis Sullivan, c’est dans le soin qu’il accorde à la forme que le concepteur peut découvrir et employer les avancées technologiques. La conception puise ses origines dans les arts industriels. La présence de cette dimension artistique doit être assumée et encouragée dans chaque projet.

Les concepteurs sont dotés d’esprits complets, aussi bien créatifs que pragmatiques. La conception créative a permis de démocratiser ce type de profil. En effet, cette manière de penser est devenue accessible à tous les membres de l’entreprise, ce qui permet de familiariser un grand nombre de collaborateurs avec de nouvelles manières de travailler. Ces méthodes ont fait leurs preuves pour bénéficier à la transformation de la culture au sein d’une grande entreprise. L’aptitude d’un concepteur à pouvoir collaborer avec différents corps professionnels, à penser avec une vision du système et de l’usage, à se concentrer sur l’utilisateur et à participer autant à la conception qu’à la réalisation constitue des qualités qui accélèrent n’importe quel projet.

L’essence de la conception est plurielle. C’est une activité de création à la croisée de l’art, de la technique et de la société. De ce fait, elle enrichit tous les domaines dès lors que quelque chose prend forme. Les équipes de designers et d’autres concepteurs sont issues de différentes disciplines de conception. Il existe par exemple des concepteurs d’organisation, qui accompagnent la stratégie et la gestion au plus haut niveau des entreprises. D’autres projettent leur pratique de façon plus matérialisée, dans des projets de développement informatique ou industriel.

Il sera intéressant de suivre l’évolution de la conception comme axe de croissance des entreprises, autant dans leur transformation numérique que culturelle. L’Index de valeur de la conception (Design Value) est un bon outil pour y arriver. Si la tendance se maintient, rares seront les comités stratégiques d’entreprise sans concepteur à leur table.