Développer l’expérience collaborateur

A l’image des travaux sur les « parcours clients » qui visent à améliorer la satisfaction des clients, des travaux sur les « parcours collaborateurs » pourraient bel et bien améliorer l’engagement, la motivation et la performance des salariés.

Pour agir sur ces notions, il ne faudrait plus se limiter à traiter – uniquement – les facteurs organisationnels de l’entreprise, mais il faudrait désormais agir sur la réalité de ce que vivent les salariés à un niveau individuel.

L’engagement, la motivation et la performance pourraient être améliorés par une démarche d’expérience collaborateur ; une démarche qui permet d’agir sur les irritants du quotidien et d’améliorer le vécu professionnel des salariés.

  • A l’instar de l’expérience client, il s’agit de se placer au niveau des collaborateurs, de prendre en compte leur vision, de recueillir leurs points de satisfaction, d’identifier leurs irritants pour ensuite générer collectivement des idées d’amélioration et les supprimer.
  • En agissant positivement sur l’expérience des collaborateurs, qui représente l’ensemble des interactions que peut avoir un salarié avec son organisation tout au long de son parcours professionnel, pouvons-nous améliorer l’expérience des clients finaux ?

Le comportement d’achat des clients est de fait impacté par l’attitude des collaborateurs

Afin d’étayer et d’illustrer nos propos, prenons l’exemple des vendeurs en magasin du secteur du retail – secteur extrêmement concurrentiel où le taux de turnover est un des plus importants.

Nous l’avons tous vécu :

  • rentrer dans un magasin et observer des étales en désordre, chercher seul(e) sa taille de vêtement pendant que les vendeurs « bavassent »,
  • faire l’objet d’un départ précipité de ces mêmes vendeurs en raison de la fermeture imminente du magasin ;
  • étre victime de comportements dysfonctionnels de la part de vendeurs,

Des comportements susceptibles d’impacter notre expérience client et qui témoignent d’une qualité de vie au travail pour le moins dégradée.

En effet, les conditions de travail difficiles, les perspectives d’évolution limitées et le système de rémunération inadapté sont autant de facteurs organisationnels qui expliquent qu’en 2017, 85% des équipes travaillant en boutique ne recommandaient par leur entreprise pour sa capacité à générer de l’engagement et du bien-être (3ème édition du Baromètre Social Relation RMS, 2018).

Alors que ce sont ces équipes en boutique qui portent la relation client, les entreprises du retail semblent davantage préoccupées par l’amélioration de la satisfaction de leurs clients que par la satisfaction de leurs salariés.

Or, si les entreprises développaient conjointement expérience client et expérience collaborateur, elles généreraient alors une « expérience de vente » efficace chez les salariés et une « expérience d’achat » magnifiée chez les clients. Ce « win-win » s’explique par la symétrie des attentions :

le bien-être au travail impacte directement la performance des salariés et varie en fonction de six facteurs « clients »[1]

  • l’expression de la satisfaction du client (23%),
  • la reconnaissance de l’expertise du personnel (23%),
  • le tissage d’un lien personnalisé entre le client et le vendeur (17%),
  • la réalisation de belles ventes (12%),
  • l’offre d’un service de qualité (11%) et
  • la fidélité des clients (10%).

Decathlon et Sézane font partie de ces quelques entreprises qui ont mis en place des actions favorisant la symétrie des attentions.

Decathlon recrute en grande partie ses collaborateurs sur leurs pratiques sportives. Selon l’entreprise, ces collaborateurs conseilleraient plus efficacement leurs clients. En manageant leurs collaborateurs et leurs clients selon des principes symétriques, Decathlon aurait vu juste : l’entreprise française est depuis plusieurs années première au rang national des enseignes sportives, seconde au rang mondial, et depuis janvier 2018 l’enseigne préférée des Français.

Sézane, marque de prêt-à-porter féminin à la croissance exponentielle, elle révolutionne depuis 5 ans l’expérience clients. Totalement digitalisée, la marque parisienne a placé dès ses débuts le service client au cœur de sa stratégie. Elle cherche en effet à améliorer en continu son offre de services en cultivant, d’une part, le dialogue avec ses clients et, d’autre part, en favorisant la prise d’initiative de ses collaborateurs.
Sézane, comme Decathlon, aurait trouvé la formule gagnante : donner la priorité aux clients tout en investissant sur l’expérience de ses collaborateurs. En effet, « l’augmentation de la satisfaction des clients comme celle des collaborateurs s’accompagne d’une hausse de la productivité de l’entreprise, instaurant ainsi un cercle vertueux profitable à tous. [2]»

Serge Assayag, associé chez onepoint x weave, assure que la Direction des Ressources Humaines des entreprises a un rôle stratégique à jouer dans l’expérience collaborateur [3] : il ne suffit plus d’optimiser l’environnement de travail des salariés, il faut désormais leur assurer une expérience unique au quotidien.

Certaines DRH se sont d’ores et déjà armées de nouvelles solutions digitales pour accompagner leurs collaborateurs à agir sur leur quotidien : Moodwork (2017) propose par exemple aux collaborateurs de faire des bilans mensuels de leur état de bien-être, puis de suivre un programme personnalisé en ligne adapté à leurs besoins.

Ces modules, créés et testés par des chercheurs (Stanford, INSEAD, ESCP…), traitent différentes thématiques : l’hyper-investissement, la gestion du stress, l’assertivité, permettant d’éveiller les collaborateurs en les aidant à devenir acteurs de leur propre expérience.

D’autres solutions digitales existent, destinées aux Directions des Ressources Humaines : Bloomin (2016) mesure l’expérience collaborateur et identifie des axes d’amélioration, Kpam RH (2004) modélise des parcours collaborateurs et Blexoo (2017) identifie des leviers à implémenter dans les entreprises pour favoriser l’engagement des salariés. Enfin, les Directions des Ressources Humaines peuvent également faire appel à un accompagnement externe.

Le cabinet onepoint x weave a notamment accompagné Engie sur les sujets de l’expérience collaborateur, en utilisant les techniques de l’expérience client – le Design Thinking – comme levier d’amélioration.

En somme, si les entreprises souhaitent obtenir un développement aussi « compétitif » que celui de Decathlon ou de Sézane, elles doivent, d’une part, développer une démarche expérience collaborateurs en échos à leur démarche expérience clients et, d’autre part :

Faire de la Direction des Ressources Humaines une réelle Direction de l’Expérience Collaborateur.

[1] 3ème édition du Baromètre Social Relation RMS (2018)

[2] Gaunand, A. (2017). Le leadership agile : 7 leviers pour aider vos équipes à innover. Paris : Eyrolles.

[3] Assayag, S. (2018). La direction de l’expérience collaborateur est née. Levallois-Perret : Focus RH.