Innovation

Un mouvement artistique peut-il encore être avant-gardiste dès lors qu’il est compris par son public ou qu’il est largement copié? Un « hipster » est-il encore un « hipster » alors que ses modes de consommation et ses codes vestimentaires sont partagés par une part croissante de la population? L’innovation est-elle encore innovante même si de plus en plus d’entreprises l’ont intégrée dans leurs réflexions stratégiques?

Les contours de l’innovation

Depuis peu, l’innovation s’est imposée comme un sujet majeur dans l’ordre du jour des organisations privées, comme publiques. Des réflexions, encore embryonnaires il y a quatre ou cinq ans, se sont structurées pour donner naissance à des équipes, à des événements, et même, à des « laboratoires » dédiés. En un mot, l’innovation a pris du galon. Les directeurs de ces nouvelles entités sont désormais intégrés aux comités exécutifs des entreprises.

Cette généralisation peut être vue d’un bon œil. Elle prouve la volonté des acteurs de se renouveler et d’aller de l’avant dans des contextes réglementaires, concurrentiels et sociétaux complexes et mouvants. Cependant, elle soulève une question majeure. L’innovation étant par essence différente, peut-elle réellement devenir une tendance dominante? À l’instar d’un mouvement artistique ou d’une contre-culture, l’innovation est imitée. Dès lors, elle doit se distinguer sans arrêt.

Cinq pistes de réflexion pour permettre à l’innovation de rester innovante

Cinq pistes de réflexion pour permettre à l’innovation de rester innovante

1. Renouveler et enrichir sa définition

L’innovation est traditionnellement définie comme une invention technique, voire technologique, ayant trouvé son marché. La notion d’usage s’est peu à peu imposée, et il est désormais communément reconnu qu’une innovation doit également répondre à un vrai besoin. Cette définition doit être encore plus ambitieuse aujourd’hui et intégrer la notion d’impact. Demain, pour être qualifié d’innovant, un projet devra ainsi avoir des conséquences positives sur les hommes, le territoire et la planète.

2. Attirer davantage de moyens

Si l’innovation est avant tout une façon de faire et ne demande pas a priori de ressources financières, en y consacrant davantage de moyens, on peut avoir des répercussions plus importantes. Dans le cadre d’une démarche d’innovation ouverte à l’interne, une boîte à idées physique, ou numérique, est un premier pas vers le déploiement de nouvelles idées. La création et la gestion d’un programme d’intrapreneuriat demandent d’autres investissements, mais cela peut permettre d’ouvrir la voie à de véritables projets. L’investissement dans une entreprise en démarrage à l’interne demande des efforts encore plus conséquents, mais cela permettra peut-être de créer un nouveau modèle d’affaires pour une entreprise.

3. Libérer, délivrer

Pour se renouveler, l’innovation doit aussi s’émanciper et ne pas être le fait de quelques élus. Pour permettre à chacun d’innover, une entreprise doit offrir un cadre managérial adéquat. Les collaborateurs doivent être écoutés, autonomes quant à leurs façons de faire, et encouragés à mener de nouveaux projets. En d’autres termes, il ne suffit pas à une organisation de créer une cellule d’innovation pour être innovante. Il faut que son collectif soit innovant et que ses modes de fonctionnement soient participatifs, agiles, et à même de favoriser la prise d’initiative.

4. Se matérialiser

Pour être davantage partagée et diffusée au sein d’une organisation, l’innovation doit être visible et compréhensible pour les collaborateurs. C’est ainsi qu’elle s’incarne souvent physiquement dans des lieux comme des « laboratoires », des salles de créativité, ou même des tiers-lieux censés provoquer des échanges avec des acteurs externes. Alors que les échanges sont de plus en plus numériques, ces espaces ont une importance toute particulière et doivent faire l’objet d’une vraie réflexion quant à leur usage, leur animation et même leur rentabilité.

5. Expérimenter de nouvelles méthodes

Enfin, l’innovation doit se renouveler d’un point de vue méthodologique. En se généralisant, la conception créative a ouvert la voie à des approches apparentées et prometteuses. Le design fiction et le design prospectif, en nous immergeant dans des situations de vie prenant place dans le futur, provoquent de vives émotions et facilitent des prises de position à long terme. La conception de système facilite, quant à elle, la compréhension de l’environnement global d’une entreprise et est particulièrement utile à une heure où les concurrents les plus directs d’une entreprise ne sont pas forcément dans son secteur. Le design circulaire, enfin, est particulièrement prometteur sur le plan de l’impact, puisqu’il nous invite à considérer chaque étape du cycle de vie d’un produit du point de vue des ressources qu’il requiert. Les acteurs de l’innovation doivent expérimenter ces nouvelles méthodes et ne pas se reposer sur leurs acquis. Ces cinq pistes de réflexion ne sont ni exhaustives ni figées, par définition. Elles invitent simplement chaque organisation à ne pas se considérer comme « innovante » par défaut, mais, au contraire, à tester sans arrêt de nouvelles choses et à mener ses propres expérimentations. Chaque démarche d’innovation est unique, en fonction de ses contraintes (p. ex., financières, culturelles ou opérationnelles), mais aussi de ses objectifs. En effet, l’innovation reste un moyen et non une fin. Elle ne doit donc pas être « intimidante » ou sacralisée. Elle est l’outil de tous, et doit permettre à chacun d’avancer et de préparer plus sereinement son avenir.