L’acculturation au digital par le jeu – Partie 1

Dans les missions de transformation digitale, l’un des premiers enjeux de onepoint est d’accompagner les clients dans la compréhension des enjeux de ce « nouveau monde numérique ». Comment assimiler ses opportunités, se les approprier dans un contexte où chaque entreprise est différente de par sa culture, son histoire et sa connaissance de ce nouveau monde.

De nombreuses méthodes et moyens existent et sont mis en place pour enclencher ces changements liés au digital croissant dans notre quotidien.

  • L’utilisation de supports, références et témoignages permettent d’appuyer et justifier les nouvelles pratiques et les bénéfices de ces transformations dans le quotidien des entreprises, des métiers et des marchés.
  • Une telle approche n’aura toutefois qu’un impact limité et sera globalement oublié par 70% des personnes sensibilisées.
  • Une méthode plus pertinente serait de démontrer concrètement l’apport du digital dans leurs propres contextes… mais comment ?

Le psychologue William Glasser a théorisé qu’un individu n’apprenait réellement que 10% de ce qu’il lit contre 80% de ce qu’il expérimente et 95% de ce qu’il explique aux autres.

La pyramide d’Edgar Dale résume synthétiquement et simplement nos capacités et freins à l’assimilation de connaissances.

Faire sortir les apprenants du simple rôle de spectateur de leurs apprentissages devient donc une nécessité.

Initier la bascule d’une posture passive vers une posture active par l’expérimentation permet d’engager plus spontanément, d’améliorer l’attention et le niveau de concentration pour, au final, ancrer durablement les acquis.

C’est ici que les bénéfices du jeu entrent dans la partie.

La « Gamification » ou ludification en français, est un terme qui désigne l’utilisation des leviers du jeu pour appréhender des sujets sérieux par une approche dite « d’expérimentation ludique ».

Au-delà de pousser seulement une approche par le « divertissement », les leviers du jeu stimulent notre prédisposition humaine à retenir l’information grâce à notre posture active.

  • Les champs d’émotions sollicités par une telle démarche, nous renvoient, à la fois à notre propre histoire et ses souvenir du jeu (enfance, petite enfance, instants mémorables familiaux et sociaux), mais également à l’ensemble des stimulis intrinsèquement associés au plaisir de jouer (la récompense, l’accomplissement, la compétition, la découverte…)

La méthode offre des avantages indéniables sur les différents objectifs et enjeux de transformations des entreprises :

  • Renforcer l’ancrage par l’apport du collectif,
  • Réguler et cadrer les interactions par le partage commun, unanime et transversal de règles sur un moment inscrit dans un espace et un temps,
  • Latéraliser les modes de pensée, changer les paradigmes ou la perspective d’une problématique.

Qu’il s’agisse d’aborder des sujets comme la Blockchain, l’expérience clients/utilisateurs, la cyber sécurité ou la Smart City, l’approche par le jeu facilite la compréhension, l’assimilation et la manipulation de sujets pouvant paraitre réservés aux experts, voir abstraits ou abscons.

En juillet 2019, la Digital Academy du groupe Thalès nous a approché pour les accompagner sur la création de deux outils d’acculturation destinés à un événement le « Thalès Digital Tour » pour l’Amérique du nord.

Les deux expériences acculturation à concevoir portaient sur des sujets stratégiques et complexes à destination d’une audience possédant des niveaux de connaissance très disparates des sujets a aborder : Les Plateformes Digitales et les Business models associés, et l’Internet des objets (IoT).

Toute la subtilité et la réussite de ce type d’approche réside à la fois, dans l’atteinte des objectifs pédagogiques sur les thèmes traités (acculturer et faire comprendre les potentiels technologiques, marchés, revenus…), mais également embarquer l’audience à se projeter au-delà. Idéalement les collaborateurs doivent se questionner sur les opportunités d’un engagement individuel ou collectif dans la stratégie du groupe sur ces secteurs d’activités.

L’attractivité de la promesse du divertissement ne doit pas supplanter les objectifs et enjeux stratégiques sous-jacents

Quels que soit les approches ou interactions envisagées dans le cadre de jeu, elles ne doivent jamais s’inscrire en faux, trahir les apprentissages ou les réalités des sujets et encore moins permettre de générer des antagonismes dangereux entre les participants ou les sujets abordés.

Une session de jeu où les participants sortent avec uniquement le sentiment de s’être « bien amusé » est un constat d’échec clair et sans équivoque. Ce constat ne décrédibilisera pas la méthode mais demandera de revoir tout ou partie de l’expérience afin d’en identifier les biais qui desservent la pédagogie.

Dans le cadre des demandes Thalès, les contraintes de format étaient fortes. Chaque session de chaque jeu ne devait pas dépasser 20 min, apprentissage inclus ; le nombre et la typologie des participants pouvaient varier d’une session à l’autre (de 3 à 6 joueurs, du néophyte à l’expert). Pour répondre à cette contrainte et de manière générales, ce type d’expérience ludique doit être ni trop complexes et en aucun cas infantiliser les participants. En résumé : « Simple mais pas simpliste ».

En général, l’une des premières étapes dans la conception d’un jeu sérieux (qu’il soit digital ou physique) est d’identifier des références très largement connues et partagées en matière de mécaniques et systèmes de jeu (jeux de cartes, jeux de société). Ces références doivent évidemment être compatibles avec les objectifs pédagogiques et stratégiques. L’utilisation de ce type de référentiel permets une assimilation plus rapide des règles (car déjà expérimentée dans un cadre personnel ou familial par exemple) et ainsi permettre de laisser s’exprimer plus rapidement et librement les tactiques et stratégies, créatrices de valeurs.

Les expériences Thalès reposent sur l’emprunt de mécaniques et de systèmes issus de 5 références iconiques :

Pour l’expérience : Plateformes digitales et Business models

  • Le « Mille Bornes » pour son système d’objectif par accumulation d’une ressource (les km) et sa mécanique de pénalités
  • Le « Monopoly » pour toutes les interactions transactionnelles entre les joueurs, et le système (la banque)
  • Le jeu de « 7 Familles » pour ses mécaniques de « complétion de collections » & de « logique combinatoire »

Pour l’expérience : IoT Challenges

  • Les « LEGO » pour tous ses bénéfices associés à la manipulation et l’expérimentation par l’assemblage et le désassemblage (Empirisme).
  • L’« Escape game » pour ses composants de jeu entièrement basés sur la déduction, la logique, la communication et les réflexions en groupe

Cependant, bien qu’empruntant et combinant des systèmes et mécaniques « grand publique », la démarche de conception est systématiquement du sur-mesure.

Ce n’est qu’en prenant en haute considération les différentes variables propres aux écosystèmes des entreprises (sa raison d’être, ses missions, ses valeurs, sa Marque, …) que l’approche par le jeu pourra servir précisément les besoins.

Le design itératif au cœur de la démarche créative. Quel que soit la nature ou la profondeur d’une expérience, les maitres d’œuvres doivent impérativement adhérer au « mantra » : Itérer Tester.

Durant la phase de conception pour Thalès, cette conviction forte a déclenché de nombreuses et régulières phases de tests mélangeant différentes typologies de joueurs (collaborateurs). Ces séances ont permis d’infirmer, confirmer et équilibrer l’ensemble des composants de jeu sur les axes : apports pédagogiques, rythme et sentiment de montée en puissance/progression et qualité du divertissement collaboratif.

En schématisant les efforts sur les différentes phases de conception, nous pouvons clairement identifier que les tests, suivis des équilibrages et remaniements nécessaires, ont occupés au moins 50% du temps. Bien que ce pourcentage puisse sembler énorme, voir disproportionné, il est le gage d’une qualité d’expérience affinée et calibrée pour répondre au plus près aux attentes de Thalès.

Les retours d’expérience

Suite au déroulement du « Digital Tour », les enquêtes de satisfaction des équipes de la Digital Academy Thalès ont montré des résultats probants et remarqués sur ces deux expériences.

  • Les centaines de collaborateurs Thalès invités aux sessions ont très majoritairement plébiscités ces 2 jeux parmi les 10 expériences présentes sur le Digital Tour 2019.
  • La fabrication de nouvelles boites des jeux à destination d’autres zones géographiques du groupe est actuellement en cours.

La gamification : un levier au changement sous exploité

Les possibilités permises par la gamification ou des approches par le jeu sont vastes et pertinents à plus d’un niveau ou sujet mais assez inexploré ou maladroitement exploité. Ces démarches sont souvent assimilées et réduites uniquement à un simple divertissement qui n’a pas lieu d’exister dans des univers aux enjeux financiers ou organisationnels forts et tendus.

Il reviendra à chacun d’en appréhender ses opportunités, d’en expérimenter ses bénéfices, d’en mesurer ses impacts, dans la mesure où, sans à priori, il se laisserait se prendre au jeu.