A quoi ressembleront les bureaux de l’après-crise ?

Il y aura un avant et un après COVID-19, nous obligeant à nous réinventer dans de nombreux domaines. Les modes de travail, et plus particulièrement l’aménagement de nos bureaux ne feront pas exception.

L’ESPACE DE TRAVAIL OPTIMAL

UNE ÉQUATION DÉJÀ DIFFICILE, QUI DEVRA INTÉGRER DEMAIN 2 NOUVELLES VARIABLES

Des bureaux partagés aux open-spaces, des bureaux « paysagers » au Flex Office…

Nombreuses sont les solutions possibles pour résoudre la difficile équation entre l’optimisation du coût financier du bureau et l’optimisation de son « efficacité » (qui consiste à offrir la meilleure réponse possible aux différents usages quotidiens de ses occupants).

Si la réponse de chaque entreprise est différente, nous observons que trois tendances de fond émergent : plus d’ouverture d’abord, pour plus de collaboration; plus de variété ensuite, pour répondre à plus de diversité dans les usages; plus de partage enfin, pour limiter le nombre de m² « sous-utilisés » dans la journée.

La pandémie mondiale que nous vivons ajoute deux nouvelles variables à l’équation: des risques sanitaires et humains majeurs (et malheureusement probablement durables) & l’intégration structurelle d’un télétravail généralisé dans nos modes de travail.

Comment concilier l’ouverture & le partage avec la sécurité sanitaire absolument nécessaire pour protéger chacun.e ? Quel impact le développement structurel du télétravail peut-il avoir sur nos bureaux ?

Au fond, à quoi ressemblera le bureau de l’après-COVID ?

Après plusieurs brainstormings (à distance bien sûr, merci Klaxoon!), voici les convictions des experts onepoint du sujet, qui s’articulent en fonction de la temporalité:

  1. à court terme, des ajustements rapides doivent être apportés pour sécuriser le bureau dans l’immédiat post-déconfinement
  2. et sur un horizon plus lointain (quelques mois voire années), deux scénarii possibles se dégagent pour le bureau de 2021.

A COURT TERME,

UNE SECURISATION NECESSAIRE DU BUREAU POUR L’IMMÉDIAT POST-DÉCONFINEMENT

Disons-le: pour tous ceux d’entre nous qui travaillent à domicile aujourd’hui, le 11 mai, jour du déconfinement annoncé en France, notre lieu de travail risque bien de nous être très familier… car il ressemblera sûrement toujours à notre salon, notre chambre ou notre salle à manger!

En effet, il est fort probable que les employeurs, si ce n’est le gouvernement, prolongent l’exigence de télétravail « obligatoire »… non seulement pour les personnes les plus à risque (identifiées ensuite de façon évolutive, par exemple à l’aide d’un service comme COPASS proposé par Coclico*), mais certainement aussi plus largement, en mettant en place des » roulements » entre équipes afin de limiter le nombre de personnes présentes dans les locaux en même temps.

DES APPRÉHENSIONS FORTES POUR CEUX QUI SE RENDRONT AU BUREAU

Si beaucoup d’entre nous ne se rendront pas sur leur lieu de travail habituel le 11 mai, certain.e.s le feront (au moins dans les jours suivants)… et pour beaucoup avec la boule au ventre: selon un sondage IFOP, nous sommes 62% à avoir peur de perdre la vie, notamment en retournant au travail **.

Il faut dire que les risques sont là: sanitaires, d’une part, avec le risque majeur & évident de contamination au COVID-19, mais aussi humains (individualisme & méfiance généralisée envers ses collègues, tensions éventuelles quant au respect des règles de distanciation spatiale, etc).

Les entreprises ne pourront pas faire l’impasse sur des ajustements, forcément rapides et « artisanaux » (vu les délais & la situation économique de beaucoup), pour garantir la santé & la sécurité de leurs collaborateurs.

UNE JOURNÉE-TYPE DANS LE BUREAU DE L’IMMÉDIAT APRÈS-CRISE

A l’entrée, si les portes ne sont pas automatiques, elles seront équipées de planches permettant de les ouvrir avec le pied. Le distributeur de gel hydroalcoolique trônera dans le hall (et nous suivra comme un fil rouge dans tous les espaces, tout au long de la journée), aux côtés d’une pile de masques jetables dont le bon effilement & une prise de température par l’hôte d’accueil conditionneront l’accès aux locaux.

Dans l’ascenseur, des affiches rappelleront les gestes barrière, à commencer par l’utilisation du coude pour appuyer sur le bouton de son étage.

Dans les espaces de travail, des sens de circulation seront matérialisés au sol, afin de limiter les croisements et donc les possibilités de contagion.

Les postes de travail, tous parfaitement nettoyés & désinfectés la veille (les prestations de ménage auront été modifiées en conséquence & chacun.e aura laissé son bureau « net » pour permettre un nettoyage parfait) seront espacés au maximum les uns des autres, avec des délimitations matérialisées au sol par du scotch.

Des cloisonnettes artisanales en carton installées sur les tables nous sépareront uns des autres. S’ils sont partagés, des housses et des « sets » de papier seront disponibles pour recouvrir tables et chaises. C’est parti pour la journée !

Lors de la pause-café, l’indispensable breuvage sera servi dans son mug personnel ou (odieux retour en arrière pour certains) dans des gobelets jetables : fini les mugs partagés, même si ça ne doit être que temporaire (quel est le coût environnemental de notre sécurité ? Nous y réfléchissons, cela fera l’objet d’un prochain article !).

Les bonbons, fruits, etc. en accès libre seront eux aussi bannis temporairement, sauf si disponibles dans des distributeurs.

Première réunion de la journée, à 6 dans une salle prévue pour 12 personnes : la moitié des chaises aura été retirée, pour respecter les distances entre nous & nous porterons notre masque en permanence. Le système de visioconférence tournera à plein régime pour permettre à nos collègues en télétravail de participer à nos échanges.

Même chose lors du déjeuner, où la capacité d’accueil aura été réduite de moitié par le retrait de la moitié des chaises et des plages-horaires de 30 min seront définies de 11h30 à 14h30 pour lisser l’affluence. Les prestataires de restauration redoubleront de précautions pour la préparation des plats… et communiqueront largement dessus pour rassurer leurs clients !

Dans tous les espaces, la qualité de la ventilation sera régulièrement contrôlée : le COVID-19 pouvant semble-t-il rester plusieurs heures en suspension dans l’atmosphère, les bureaux dont les systèmes CVC (Chauffage-Ventilation-Climatisation), trop vétustes, ne renouvellent pas suffisamment l’air seront fermés d’accès.

Des lavages de mains & des « demi-heures de fenêtres ouvertes » rythmeront la journée, avec des rappels automatiques par e-mail pour les stimuler. Le respect des distances physiques & le port du masque lors de toute interaction, bien que pénibles, deviendront rapidement des réflexes…

Et c’est à ce prix que les bureaux seront des endroits fréquentables dès le mois de mai.

À PLUS LONG TERME,

DEUX SCENARII SE DÉGAGENT POUR DESSINER LE BUREAU DE 2021 (ET D’APRÈS)

Quelques incontournables: d’abord, le bureau de 2021 devra être « protecteur » en vue d’éventuelles nouvelles pandémies, en rendant pérennes certains des ajustements de court terme évoqués plus haut.

Il se dessinera aussi « en creux » d’une autre évolution majeure dans nos modes de travail: le télétravail deviendra une évidence pour 10 millions de Français toutes les semaines (contre 5 millions de télétravailleurs très occasionnels – quelques jours par mois – avant la crise).

Le leapfrog, le saut de génération a eu lieu: les réticences culturelles ont volé en éclats et 62% des Français qui télé-travaillent aujourd’hui pendant la crise comptent bien prolonger cette pratique (dans un cadre normalisé) à son issue ***.

VERS L’ENTREPRISE SANS BUREAUX?

En français on dit « je vais au travail » : devoir se déplacer pour aller travailler était jusqu’à hier une évidence, consubstantielle à l’activité professionnelle… Le COVID nous l’a démontré : nul besoin de se déplacer collectivement pour bien travailler.

Certaines entreprises dont l’activité s’y prêtent pourraient pousser le concept au maximum en « inversant » le paradigme : le télétravail deviendrait la norme et les temps présentiels l’exception.

Ce modèle dit « distribué » préexistait à la crise actuelle, avec quelques exemples connus chez les éditeurs de logiciels ou dans les centres d’appel. Outre l’avantage évident pour l’entreprise de suppression des coûts immobiliers, ces pionniers parlaient aussi d’un management réellement orienté résultats, de gains de temps (car pas de transport), de modes de fonctionnement plus inclusifs pour les introvertis (car favorisant l’écrit) …

Nous faisons ici le pari que ce mode d’organisation, qui semblait « extrême » pour beaucoup il y a quelques mois, rejoindra à la fin de la crise les rangs des futurs « possibles » du travail tertiaire, certes sans devenir à court terme une norme de par les nombreux risques qui y restent associés.

LE BUREAU RÉSILIENT, INÉVITABLEMENT FLEXIBLE & SANITAIREMENT SÛR

Pour les entreprises qui préféreront conserver des locaux, une double évolution se dessine.

(1) Plus de télétravail, c’est forcément plus de flexibilité et de partage, pour 2 raisons:

  • La première tient strictement au contexte économique : la période difficile qui s’ouvre poussera naturellement les entreprises à réduire leurs coûts, notamment dans un objectif de sauvegarde de l’emploi. Or, moins de gens dans les bureaux tous les jours ouvre justement la possibilité de réduire le nombre de m² par personne, à condition de les partager (et au fur et à mesure que les baux expirent).
  • La deuxième raison tient, elle, à la possibilité nouvelle de “spécialisation des temps” entre bureau et télétravail : si nous sommes installés chez nous 1 à 2 jours par semaine, nous réserverons certainement le maximum d’activités individuelles « de fond » sur ces journées. Que ferons-nous alors au bureau ? Tout ce pour quoi le télétravail n’est pas très adapté (on s’en rend compte en ce moment) : ateliers d’idéation, actes managériaux, temps conviviaux & échanges informels permettant de créer des relations de qualité…

Ainsi, la spécialisation des temps questionne la primauté qui est donnée aux postes de travail individuels dans nos bureaux actuels et renforcera le besoin en salles de réunions nombreuses & différemment aménagées, en espaces encourageant la convivialité et la sérendipité, etc.

(2) Plus de flexibilité & de partage, oui, mais pas au prix de la résilience en cas de crise : la menace pandémique risquant bien de devenir une constante (retour possible du COVID-19, nouvelles maladies…), nos bureaux devront d’abord pérenniser & ancrer la plupart des ajustements de court terme évoqués plus haut. Les règles de partage de l’espace devront aussi être aménagées par rapport à celles du “Flex Office pré-COVID”, en nuançant la notion de « free seating à l’échelle de l’équipe » qui prévalait souvent : par exemple en réduisant le nombre de personnes ayant accès au même poste de travail.

Bonne nouvelle, la technologie facilitera cette évolution de nos vies au bureau : les combinaisons capteurs/applications déjà disponibles aujourd’hui (et toutes celles qui le seront vite) permettront demain de déclarer sa venue sur site & sa localisation dans les étages pour respecter les seuils maximums de présence, d’appeler l’ascenseur grâce à un assistant vocal et d’éviter ainsi de toucher les boutons, de désinfecter les espaces la nuit grâce à des lampes UV…

En somme, le bureau de 2021 et d’après, nous le voyons d’abord moins ouvert (avec une réduction de la taille des plateaux & un retour de certaines formes de cloisonnement).

Il sera toujours plus varié (car élargi au domicile quelques jours par semaine & faisant donc la part belle aux temps collectifs sur site). Il sera aussi plus partagé (pour plus de flexibilité & de performance économique).

A ces 3 tendances de fond, la crise actuelle nous en fera désormais ajouter une quatrième : le bureau de 2021 sera enfin plus résilient (car embarquant dès sa conception les mesures nécessaires à la protection de la santé de ses occupants).

A ce titre, le bureau sera donc demain encore et toujours plus un « outil », et l’un des plus influents, au service de la création de valeur économique et sociale de l’entreprise.

* Plateforme digitale visant à créer la confiance & à favoriser le retour sur le lieu de travail par la définition des consignes individuelles & évolutives en fonction du niveau de risque de chacun, développée par Coclico (Joint-Venture entre le groupe onepoint et le Crédit Agricole)

** sondage IFOP publié dans Le Parisien du 27 mars 2020

*** sondage Deskéo réalisé en avril 2020

Article écrit en collaboration avec Chloé Foucaud, Alice Billout, Clémence Wajémus et Margaux Herel

Auteur : Alexandre Kelagopian

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