Femmes, réseaux et plafond de verre

En France, bien que les femmes devancent leurs homologues masculins en termes de scolarisation et de résultats au baccalauréat, elles restent, selon l’INSEE, encore minoritaires dans les postes à hautes responsabilités. Tout se passe comme si un « plafond de verre » bloquait leur ascension. Mais quelles sont les causes de ce plafond de verre et quel rôle peuvent jouer les réseaux ?

Qu’est-ce que le « plafond de verre » ?

De nombreuses études montrent que les femmes sont de plus en plus rares au fur et à mesure que l’on s’élève dans la hiérarchie et qu’elles demeurent minoritaires dans les postes à hautes responsabilités. En France, par exemple, les femmes occupent seulement 40% des postes de « cadres et professions intellectuelles supérieures », selon la dernière enquête Emploi de l’INSEE.

En outre, elles ne sont que 15% des dirigeants salariés et des indépendants, seulement 16 % parmi les présidents des universités, et 26% à l’Assemblée nationale. Enfin, elles ne représentent que 30% des effectifs dans les conseils d’administration du CAC 40 et ce malgré la loi Copé-Zimmerman qui fixe, aux entreprises cotées en bourse, un quota à atteindre de 40% d’ici 2017.

Le constat est sans appel : plus les sphères de la hiérarchie organisationnelle sont élevées, moins les femmes sont nombreuses. Cette corrélation négative renvoie au phénomène de « plafond de verre », c’est-à-dire à l’ensemble des obstacles que rencontrent les femmes pour accéder à des postes élevés dans les hiérarchies professionnelles.

Comment expliquer le phénomène du « plafond de verre » ?

La notion de « plafond de verre » renvoie tout aussi bien à des obstacles « visibles » qu’à des obstacles « invisibles », aux premiers rangs desquels se trouvent les représentations sociales. Si l’anthropologue Margaret Mead démontre que le genre et les pratiques qui y sont associées ne sont nullement fondés sur le sexe biologique des individu, de nombreux stéréotypes de sexe semblent encore persister et peser sur l’accès des femmes à des postes de pouvoir formel.

La littérature sociologique montre qu’une sexualisation des compétences tend à cantonner les femmes aux « fonctions supports » et aux compétences de « savoir-être » alors que les hommes sont plus systématiquement associés aux postes de « leader » et à des compétences liées au « savoir-faire ». Ulrike Heindl, Associée au sein du onepoint, affirme d’ailleurs « le leadership est perçu comme une compétence masculine, alors que l’intuition, le relationnel, l’émotionnel, sont considérés comme étant des compétences féminines ». Elle ajoute : « Dans l’imaginaire collectif, avoir soif de pouvoir, c’est connoté positivement pour un homme, c’est viril, alors que c’est connoté négativement pour une femme ». Le plafond de verre est, ainsi, moins le résultat d’une discrimination active que le produit de facteurs psychologiques liés aux poids des normes et des stéréotypes.

D’autant que ces stéréotypes sont parfois intériorisés par les femmes elles même au cours de leur socialisation. Ce qui expliquerait une orientation scolaire différenciée, une moindre confiance en elles et une certaine autocensure. Une enquête réalisée en 2013 par McKinsey montre que les femmes se révèlent en moyenne moins confiantes que les hommes dans leurs chances d’accéder aux plus hautes fonctions. Ce « confidence gap » creuserait les inégalités professionnelles entre les hommes et les femmes. « Certaines femmes manquent de confiance en elles, elles se posent elles-mêmes des limites. Or pour réussir dans une entreprise, il faut se connaître et avoir confiance en soi. Il faut arrêter d’avoir peur et de se dénigrer ».

Bien que légitime, l’hypothèse d’un « confidence gap » ou d’une « autocensure » doit être manipulée avec précaution. Selon la sociologue Emmanuelle Latour, parler d’autocensure ne doit pas conduire « à chercher une responsabilité individuelle à un processus sociétal de différentiation et de hiérarchisation des sexes ». C’est dans les représentations sociales que se jouent avant tout les inégalités entre hommes et femmes.

Les réseaux, un levier pour dépasser le « plafond de verre » ?

Malgré les mécanismes sociétaux et organisationnels qui entretiennent le « plafond de verre », certaines femmes sont parvenues à le dépasser. C’est le cas de nombreuses Associées au sein du cabinet Onepoint. Interrogées sur leurs parcours respectifs, elles s’accordent sur l’importance de développer et de mobiliser des réseaux. « Le carnet d’adresse et la qualité des relations professionnelles tissées sont clés ; nos clients évoluent professionnellement et peuvent refaire appel à nous dans leurs nouvelles fonctions ».

Un constat qui se retrouve dans l’enquête de l’AFMD, réalisée auprès de femmes dirigeantes membres de CODIR ou de COMEX. L’étude met en exergue l’importance des réseaux constitués au cours des carrières ainsi que l’influence des réseaux d’anciens diplômés. A l’image de la théorie développée par Mark Granovetter, les réseaux, et plus précisément les contacts épisodiques, sont sources d’informations lors d’un changement d’entreprise ou d’une recherche d’emploi. Ulrike Heindl encourage ainsi cette pratique : « J’encourage toutes les femmes à avoir une activité de réseautage, à développer son réseau. C’est une activité enrichissante, mais aussi une assurance chômage. Les recrutements ne se font plus à travers des annonces, mais à travers des rencontres ».

Reconnu comme vecteur fondamentale de l’avancement des carrières, le réseautage reste pourtant une pratique insuffisamment répandue auprès des femmes. Ulrike Heindl précise « globalement, à l’âge où elles devraient le faire, à l’âge où il faut bâtir et animer son réseau, les femmes ne le font souvent pas ou peu car elles ont des enfants en bas âge. (…) Lors des matins HEC par exemple, il y a très peu de femmes, alors que c’est ouvert à tous les anciens élèves ». Elle ajoute : « A un certain niveau, il faut considérer que résauter fait réellement partie du travail ».

Si l’activité de réseautage reste une pratique essentiellement masculine, le développement de réseaux féminins vient progressivement contrecarrer cette tendance. Cyberelles, Elles bougent, Financi’Elles, Force Femmes… En France, le nombre de réseaux professionnels féminins a fortement augmenté. Ils seraient passés de 200 à 450 entre 2007 et 2014. Ces communautés favorisent le réseautage et permettent l’émergence d’un véritable lieu d’échanges et de partage.

Attention toutefois aux conclusions hâtives : si la capacité à développer et mobiliser des réseaux représente un véritable levier pour faire carrière et accéder à des postes de responsabilités, les facteurs de dépassement du plafond de verre ne se résument pas à cet aspect. La mobilité, la disponibilité, la performance, ou encore les négociations conjugales sont autant de paramètres à prendre en considération.

Auteur : onepoint

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