Dans un contexte économique incertain marqué par la montée de rivalités régionales (USA, Chine, Russie) et une évolution défavorable des taux d’intérêt entrainée par les actions de la BCE pour combattre l’inflation, les banques européennes se trouvent confrontées à plusieurs défis :
- Maintenir un niveau de profitabilité dans un contexte inflationniste et une dégradation de la qualité de crédit des portefeuilles,
- Poursuivre l’intégration des évolutions réglementaires (Bâle IV, taxonomie, etc.),
- Transformer les opérations et les dispositifs de pilotage pour intégrer les risques émergents notamment cyber et environnementaux.
Au sein des risques environnementaux, le changement climatique constitue le défi majeur auquel le secteur financier sera confronté dans les prochaines années. Les banques doivent se transformer pour intégrer la dimension climat dans toute la chaine de valeur et dans toutes les lignes métier. Cela implique une mutation profonde de la gestion des risques financiers traditionnels : crédit, marché et liquidité.
1 – Du risque…
Les impacts climatiques, une composante essentielle du risque de crédit
En matière de crédit, les risques climatiques influent sur le risque de défaut et les pertes associées. D’une part, on observe une sensibilité des probabilités de défaut aux différents paramètres du risque climatique, à savoir les risques physiques et de transition. D’autre part, les taux de perte en cas de défaut sont également impactés, en particulier lorsque les collatéraux des prêts font l’objet de fortes dévalorisations en conséquence de leur exposition au risque climatique (par exemple, dans le cas d’un bien immobilier situé en zone inondable, ou lorsqu’un outil de production devient un ‘’échoué’’ en raison de la transition).
En addition à la charge de travail liée à l’implémentation des nouvelles réglementations relatives au risque climatique (mise en place de la taxonomie, nouveaux rapports pilier III avec de forts enjeux data), le défi consiste à très court terme à intégrer la composante climatique au cœur de la gestion du risque de crédit / contrepartie. Cela concerne de nombreuses dimensions, de l’innovation produit aux processus de tarification, d’octroi et de surveillance, en passant par les modèles d’octroi, de calcul des risques (modèles internes) et de calcul des réserves (IFRS 9).
L’intégration des critères climatiques dans la gestion du risque de marché est un impératif
La considération des évolutions climatiques dans les activités de marché des banques passe d’abord par une offre de produits plus innovants, en intégrant davantage les marchés impactés par la transition énergétique et les aspects climatiques. En conséquence, les banques doivent prendre en compte les impacts financiers du risque climatique sur leurs activités d’investissement, d’intermédiation et de trading.
Le marché des instruments financiers obligataires liés aux critères de durabilité (sustainability bonds, incluant : green bonds, social bonds, sustainability & sustainability linked bonds) connait une croissance rapide des volumes en zone Euro : +29% en aout 2023 comparativement à aout 2022[1]. Les banques jouent un rôle crucial dans la structuration des opérations de levées de fonds via ces instruments, leur valorisation et l’animation de leur marché secondaire. Favoriser ces instruments et faciliter l’accès des investisseurs à ce type de produits contribue à la démocratisation et à la baisse des coûts de financement des projets de transition. De plus, ces marchés constituent un relais de croissance considérable pour les desks d’émissions obligataires et action (DCM et ECM).
Les banques doivent également analyser leurs portefeuilles d’investissements et de participations dans l’objectif d’identifier des zones de vulnérabilité et d’exposition aux risques climatiques (physiques pour les expositions concentrées sur des zones à risque, et de transition pour les positions dans des secteurs à risque). Ces risques doivent ensuite être modélisés afin d’estimer les pertes potentielles relatives à leur matérialisation, et des actions de gestion appropriées doivent être conduites (couverture, réduction de la position ouverte …).
En outre, les produits dits « verts » comportent des risques extra-financiers qui peuvent causer des dommages considérables aux institutions financières notamment le risque de participation à du « green washing » et celui de non-conformité aux nouvelles réglementations (CSRD, taxonomie, SFDR, etc.).
Enfin, les institutions financières, notamment les banques d’investissement, seront des acteurs déterminants dans la démocratisation des marchés carbone en facilitant l’accès à ces derniers, en assurant leur liquidité et en les rendant plus efficients.
Le risque climatique est une menace pour la liquidité des banques
Habituellement, la fonction ALM (Asset & Liability Management) a en charge la gestion des bilans bancaires et la couverture des risques associés de liquidité et de taux. Avec l’émergence des enjeux liés au risque climatique, l’ALM doit s’adapter.
La gestion de la réserve de liquidité représentée par le portefeuille de titres HQLA (High Quality Liquid Assets) est à ce titre un enjeu majeur. Afin de répondre à la contrainte réglementaire du ratio LCR (Liquidity Coverage Ratio, calculé comme le montant du portefeuille HQLA divisé par les sorties nettes de trésorerie sur un mois en conditions de stress. Ce ratio doit se maintenir au-dessus de 100%), les banques détiennent un portefeuille de titres de grande qualité. Ce portefeuille est construit sur la base du type d’émetteurs et les notations de crédit associées afin qu’il soit aisé de vendre les titres rapidement en cas de besoin de liquidité.
Cependant, même qualifié de « haute qualité », que vaudrait ce portefeuille par exemple en cas d’événements météorologiques extrêmes (dont il est attendu un accroissement de la fréquence et de la gravité à cause du réchauffement climatique) provoquant une variation brutale du prix de ces titres sur le marché ? Avec une valeur diminuée, non seulement le respect de la contrainte réglementaire de la limite sur le ratio LCR serait menacé, mais surtout à cause de la dégradation de ce coussin de sécurité, la banque aura perdu une partie significative de sa capacité à faire face à ses engagements en situation de stress – exactement ce dont elle a besoin à cet instant précis.
Il va donc se poser rapidement la question des critères d’inclusion dans ce portefeuille au-delà de la notation traditionnelle des titres. Il est fort probable que les banques décideront d’elles-mêmes d’inclure des critères environnementaux dans leurs paramètres d’investissement, que ce soit pour limiter les impacts financiers évoqués plus haut, ou dans un mouvement collectif et vertueux de « mise au vert » du bilan jusqu’à aboutir à un standard de place « de fait ». Certaines banques annoncent ainsi s’engager à respecter un certain ratio de Sustainability Bonds dans leur portefeuille HQLA.
Les régulateurs commencent également à se saisir de ce sujet. Par exemple, le Comité de Bâle recommande d’inclure les critères climatiques dans l’ILAAP, qui est le processus mis en place au sein des banques pour décrire et évaluer annuellement la gestion de la liquidité, au même titre que les facteurs financiers traditionnels.
En outre, ne pas être en mesure de démontrer en tant qu’émetteur de titres un engagement en faveur d’une trajectoire green limitera de plus en plus la capacité de celui-ci à lever de la liquidité. De facto, les exigences d’affectation des Green bonds vont inciter les banques à réorienter les décisions de financement de projet.
2 – …Aux opportunités : Quelle trajectoire innovante faut-il construire pour le secteur bancaire ?
Les risques climatiques portés par les bilans bancaires et les déformations de la structure de ces derniers, les mécanismes de génération de revenus des nouvelles activités liées à la transition, ainsi que les risques émergents de celles-ci obligent les acteurs du secteur à engager des transformations majeures. Ces transformations concernent les processus et les opérations, l’accroissement de la sophistication des méthodologies de mesure et de gestion des risques, et l’évolution des outils de gestion et de reporting.
Pour cela, il est nécessaire de mettre en place rapidement des solutions innovantes inspirées du Risk by design, en intégrant dans les processus des facteurs ESG. Il convient d’intégrer ces nouveaux risques à la fois sur le stock et sur les nouveaux engagements au niveau de toutes les lignes métier (financements classiques, émissions de dette, financements structurés, …). En outre, la prise en compte des critères climatiques permettra aux institutions financières d’assumer leur rôle d’acteurs responsables dans la transition vers une économie plus durable.
C’est une transformation profonde à laquelle le monde bancaire doit rapidement faire face. Une trajectoire contrainte par le temps est à déterminer en fonction du degré de maturité de chaque établissement et des engagements pris en matière de trajectoire Net Zero. Sa définition passe par un diagnostic qui doit cibler à la fois les processus, la data et les systèmes d’information, les produits, et la maturité des équipes. Et les solutions à mettre en place devront être agiles et pragmatiques tout en répondant aux challenges posés par le besoin de données, et en maîtrisant les coûts de cette transformation : Intégrer de la data externe dans un SI plutôt siloté, améliorer la capacité d’analyse du chargé d’affaires pour en faire un « Risk Manager augmenté » grâce au recours à l’IA, modéliser et tarifer un risque en l’absence d’historiques suffisants, ou encore capter des signaux faibles d’évolution du risque.
[1] Source : BCE – Centralised Securities Database CSDB
Vigie by onepoint : la plateforme Data et IA pour renforcer la surveillance des risques des banques
Avec l’incorporation des risques physiques et des risques climatiques dans le pilotage, les défis à relever restent nombreux : Contexte macro-économique changeant en permanence, efficacité de modèles internes incertaine, exploitation de masse de données plus importante, nécessité d’avoir une plus grande flexibilité dans les réponses à apporter…En conséquence, une grande agilité est requise dans la conception d’une solution innovante.
Cette solution repose sur une transformation profonde des processus métier, des dispositifs de gestion et de suivi des risques, et intégrée dans une démarche outillée.
Vigie by onepoint vient compléter les dispositifs internes de surveillance des risques des banques en apportant de la data externe, notamment les données climatiques, et de l’IA afin d’enrichir les suivis des risques, le tout dans une logique de « Risk Manager augmenté ».
A travers notre expertise à la fois data et métier, et notre solution, le « Risk Manager Augmenté » gagne en temps de traitement, et peut se consacrer aux vraies zones à risque de son portefeuille. L’élimination des faux-positifs étant un vrai défi dans le quotidien des analystes, Vigie by onepoint apporte une meilleure qualité de suivi des clients fragilisés en permettant de se focaliser sur les vrais problèmes identifiés et de se consacrer aux tâches à plus fortes valeur ajoutée.
Nous déployons Vigie by onepoint auprès de nos clients, en visant à :
- Intégrer les données internes (flux des engagements, notation, bilan des tiers…) et les données externes (taux de chômage, carte des zones inondables, diagnostic DPE),
- Surveiller et anticiper la fragilisation des clients en s’appuyant sur des techniques de Machine Learning,
- Construire des tableaux de bord adaptés au besoin des métiers (risque et recouvrement).