L’éco-conception des infrastructures urbaines

Il est estimé que plus de 70% de la population mondiale vivra en ville en 2050. La perspective de villes plus nombreuses, plus grandes, plus denses, interroge sur la qualité de la vie que nous y trouverons : pollution, canicules, inégalités, chômage…

A l’occasion du Forum Mondial Convergences début septembre, une table ronde a regroupé divers acteurs tels que la Mairie de Paris, la Fédération Envie, Bouygues Immobilier ou encore l’entreprise Reforest’Action, sur le thème « Nos villes en transition ».

La question centrale qui m’y a attirée : comment rendre les villes de demain plus écologiques et solidaires ?

Cette question se pose de plus en plus à l’ensemble des acteurs, des citoyens aux constructeurs en passant par les politiques. Car tous prennent conscience que la conception des espaces urbains a des impacts directs sur l’environnement et le bien-être humain, qui ne peuvent plus être ignorés dans un contexte à la fois d’urbanisation croissante et de réchauffement climatique.

Les échanges lors de cette table ronde sont ainsi plusieurs fois revenus sur une même interrogation : et si, plutôt que construire toujours plus aux dépens de la nature et de la biodiversité, celles-ci étaient systématiquement placées au cœur de la conception des bâtiments ? Tour d’horizon sur les avantages attendus d’un tel changement de paradigme et les moyens de le mettre en place.

Ne plus penser écologie et urbanisme comme des défis indépendants

Le Bâtiment étant le premier secteur émissif de CO2 en France (Source : CGDD 2010), du fait des consommations énergétiques et des émissions de gaz à effet de serre qu’il engendre, il peut également se révéler un acteur clé du renversement de tendance que l’on entrevoit aujourd’hui.

D’un centre de coûts à la fois économiques, écologiques voire sociaux (isolement…), il peut devenir neutre pour l’environnement, voire « contributif » pour la société dans son ensemble, c’est-à-dire produisant plus qu’il ne détruit.

De plus en plus d’initiatives, publiques ou privées, émergent afin de tendre vers une construction plus économe en énergie et en émissions carbone (telle l’association BBCA, qui délivre un label pour le développement de bâtiments bas carbone), voire à énergie positive (tel le label E+C- lancé par l’Etat). Il s’agit dès la conception de jouer sur les matériaux, bio-sourcés ou réutilisés par exemple, ou encore de prévoir des systèmes de stockage de l’énergie afin de tendre vers une certaine autonomie.

C’est également ce genre d’initiatives que cherche à encourager la Ville de Paris, en promouvant les constructions à biodiversité positive. L’objectif : créer des écosystèmes qui attirent plus d’animaux et d’insectes sauvages qu’il n’y en avait avant la construction.

C’est par exemple l’objectif que s’est fixé le nouveau siège du Crédit Agricole à Montrouge, Evergreen : en plus des plantes et des plans d’eaux qui ont spontanément attiré différentes espèces d’oiseaux, les questions d’éclairage ont été étudiées en partenariat avec des experts et des associations, afin de réaliser des économies d’énergie mais aussi de limiter leur impact sur les insectes.

Ne plus être un acteur de la disparition des espèces mais de leur préservation fait partie des enjeux de demain pour le secteur du Bâtiment.

Végétaliser les espaces communs a par ailleurs des effets bénéfiques multiples pour l’homme.

Prenons l’exemple d’une toiture végétalisée : en plus de participer à l’isolation thermique du bâtiment, et donc de réduire la facture énergétique, elle a un impact positif sur la santé des occupants voire du quartier. En effet, elle limite la pollution de l’air (responsable du décès d’autant de personnes que l’alcool chaque année en France) et participe à le rafraîchir, alors que l’on prévoit des pics de canicule à 50 degrés à l’ombre à Paris à horizon 2050…

Et les effets sur la santé psychologique ne sont pas en reste, car les espaces verts sont propices à créer du lien social, que ce soit par le simple fait de se croiser ses voisins à l’occasion d’une balade, ou bien de s’investir et de collaborer autour d’un jardin partagé.

S’appuyer sur une approche pragmatique pour changer de paradigme

Si les objectifs sont désormais clairs, la meilleure façon de les atteindre à large échelle reste à déterminer. Si l’on en croit les participants à cette conférence sur « Nos villes en transition », quelques pistes semblent toutefois se dessiner :

  • Une approche pratique et pédagogique : plus que la théorie, mettre en avant, selon la problématique rencontrée, des solutions concrètes ayant déjà été mises en œuvre et prouvé leur efficacité dans d’autres projets. Et ce, face aux commanditaires mais aussi aux utilisateurs des infrastructures, car un bâtiment éco-conçu mais mal utilisé (surchauffé…) n’aura pas l’impact escompté.
  • Une approche locale : s’appuyer sur les idées, besoins et demandes des futurs occupants des lieux afin d’acquérir leur adhésion, mais aussi porter attention aux remarques des équipes opérationnelles du projet afin de conserver leur motivation. Ainsi, alors que les laboratoires de Sanofi à Bagneux devaient être purement et simplement détruits, la réticence des ouvriers a conduit Bouygues Immobilier, le conducteur des travaux, à se lancer dans une démarche d’économie circulaire en démontant et recyclant plus de 80% des matériaux pour les utiliser dans la construction de futurs immeubles.
  • Une approche collaborative : au-delà de la participation active des parties prenantes du projet en tant que tel, penser l’inscription des bâtiments dans leur quartier. Il s’agit par exemple de chercher à mutualiser les usages pour un parking, qui peut servir pour les bureaux dans la journée et les habitants du quartier les soirs et les weekends. Ce qui implique de repenser la gouvernance et les processus d’arbitrage et de prise de décision des projets d’infrastructure, afin qu’ils facilitent la discussion et l’alignement des acteurs.
  • Une approche placée dans une vision de long terme : optimiser l’empreinte socio-économique du projet au-delà de la construction elle-même. Même si cette empreinte est encore difficile à mesurer, il peut s’agir dans un premier temps de raisonner en termes de coûts évités, par exemple si l’on décide d’utiliser des « low tech ».

Dans un monde où l’on estime que 70% des infrastructures qui seront en place en 2100 ne sont pas encore construites, les enjeux soulevés ici sont de taille.

Mais ce ne sont pas les seuls qui attendent la ville de demain : au-delà de la minimisation des impacts sur l’environnement, elle devra favoriser le développement économique, la qualité de vie, la mixité et l’intégration sociale.

Des missions qui, si elles sont difficiles à mener à l’échelle d’une ville, peuvent en partie être traitées à une échelle moins large : c’est là l’ambition des éco-quartiers.

Auteur : onepoint

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