L’expertise est le nouvel actif des entreprises

Découvrez un extrait de la tribune de Matthieu Fouquet, Partner RH et secrétaire général de onepoint publiée dans Le Cercle des « Echos ».

Entreprise après entreprise, secteur après secteur, la logique des statuts et des rentes cède du terrain. Les organisations s’horizontalisent, les collaborateurs s’installent dans un apprentissage permanent et le numérique se révèle un puissant facteur d’émancipation de l’individu.

Le champ des postes à vie, des échelles statutaires, des progressions à l’indice sont devenus des marqueurs d’une période révolue. Ce que le XXème siècle a patiemment pu construire de stabilité statutaire ne pourra pas résister au déferlement numérique.

Progressivement, l’expertise remplace le statut, et se réinvente constamment. Passés 18 à 24 mois, il n’y a plus d’expertise de confort. Les cartes sont rebattues au rythme soutenu de l’accélération technologique.

Nouveau critère de reconnaissance en interne, levier évident de compétitivité en externe, l’expertise est devenue un nouvel actif de l’entreprise.

Passer de la compétence à l’expertise

À première vue, compétence et expertise semblent deux notions utilisées indifféremment. Pourtant, l’expertise se distingue de la compétence d’au moins deux manières. La première différence touche à l’individu lui-même.

La compétence est un ensemble d’aptitudes enseignées puis validées par une autorité exogène.

Elle est accordée à l’individu une bonne fois pour toutes. Passée la période d’investissement et d’effort pour acquérir cette compétence, l’individu peut devenir passif. Il l’a reçue, on l’a déclaré capable de l’exercer, dans un environnement prévisible et souvent figé.

À l’opposé, l’expert affronte des situations complexes et mouvantes. Il agit par intuition et dans une chaîne personnalisée de raisonnements. L’expertise est une conquête endogène ou intérieure. Son savoir n’est jamais procédural. Parce qu’elle est une quête permanente, elle ne peut que résonner avec les valeurs et la personnalité de chaque individu.

Chacun choisit et pilote ses expertises, au fil des années, en alignant les situations et les apprentissages en lien avec ses propres moteurs et centres d’intérêt. La légitimité de l’expert n’est pas donnée définitivement, elle surgit grâce aux pairs, elle existe parce qu’elle est sollicitée.

Aucune institution de l’enseignement ne diplôme des « experts« . On ne mesure pas son expertise à une validation d’acquis, mais à sa propre attractivité au sein et en dehors d’un collectif.

Avec l’expertise, l’individu n’a plus le luxe – ni les risques – de la passivité. Il incarne et approfondit son expertise comme on peaufine son jeu et sa technique, longtemps après la fin de l’entraînement de l’équipe.

La seconde différence entre expertise et compétence concerne le lien entre l’individu et le collectif entrepreneurial.

Par nature, la compétence relève de dispositifs d’enseignement collectifs et standardisés.

Elle ne peut être qu’incomplète et régulièrement dépassée par la réalité technique et économique. Qu’il demande une formation ou un emploi en lien avec ses compétences, l’individu est assujetti au système et à l’organisation.

Il se met au service d’un collectif en essayant de répondre à ce qu’il lui demande, avec des décalages croissants entre la compétence validée et la nature du besoin, au risque de perdre toute confiance et tout sens de son action. La question de l’épanouissement ne peut alors qu’être reléguée au second plan du projet.

En cultivant son expertise, au contraire, l’individu ne cherche pas à répondre à une demande. Il se veut force de proposition permanente au sein d’un collectif qu’il a choisi comme ses pairs.

L’expert n’est pas dans un lien de soumission à l’entreprise, il constitue un actif que l’entreprise se doit de faire fructifier. Il devient alors le premier responsable de son expertise et de son employabilité. Par exemple, au moment de l’arrivée dans l’entreprise ou dans une nouvelle équipe, cela pourrait être à lui de configurer son environnement d’apprentissage et d’interactions.