L’intégration des systèmes de paiements européens

A l’issue du France Payment Forum, découvrez le point de vue de Corina Fontaine, Partner Paiements et Infrastructures de marche, suite à l’animation de la table ronde « L’intégration des systèmes de paiements européens »

L’émergence d’acteurs nouveaux dans les paiements

Le monde des paiements européen fait face depuis plusieurs années à l’émergence d’acteurs nouveaux dans les paiements : des Fintechs aux entreprises mondiales spécialisées. A l’instar de Paypal, qui révolutionnent les modes de paiement. Il est également confronté, dans le domaine du traitement des transactions, à la compétition d’acteurs industriels. Désormais on peut également rajouter l’émergence d’acteurs mondiaux puissants : les GAFAs et BATX notamment, déterminé à envahir ce marché grâce à l’utilisation des données.

Tous ces acteurs internationaux disposent de moyens techniques, marketing et financiers colossaux, bien supérieurs à ceux des entreprises et banques européennes et bénéficient du support des marchés financiers internationaux ou de leurs réseaux sociaux mondiaux. Les acteurs des paiements scripturaux européens sont ainsi fortement mis en cause, et ont entrepris une profonde rénovation de leurs systèmes de paiement scripturaux pour y inscrire la digitalisation.

L’Europe a sa place dans les paiements 

Face aux grands acteurs du type GAFAM et BATX, l’Europe des paiements a une place à jouer. En effet, les particularités de l’Europe en font ses atouts :

  • Les paiements instantanés montent en puissance et constituent la base du développement de solutions innovantes ;
  • les dernières mesures prises par la BCE vont permettre de fédérer les acteurs et écosystèmes privés et publics grâce à une formalisation européenne.

Grâce aux travaux ESMIG de connexion des infrastructures de paiements instantanés (EBA, SWIFT…) l’accès sans interruption de chaine est en marche et ouvre la porte à l’interopérabilité.

Enfin, les risques liés à la coordination et à l’inertie d’une multiplicité d’acteurs en Europe pourraient être contrebalancés par des aspirations communes, portées par un alignement des intérêts de l’union européenne, des banques, des industriels. Un tel alignement des intérêts est primordial dans cette construction.  Un modèle industriel de mutualisation des ressources et de coopération pourrait voir le jour, avec, par exemple, des prestations agnostiques vis-à-vis des « schemes »  (règles de flux imposées par les fournisseurs d’infrastructure du réseau des cartes bancaires)

Un dialogue commun sur les thématiques non concurrentielles, notamment pour ce qui concerne la sécurité, pourrait renforcer ce modèle de mutualisation.

Face aux GAFAM, BATX et autres, un modèle de collaboration sur mesure pourrait être une alternative pour une Europe des paiements forte.

Améliorer l’intégration des paiements est une des clés pour l’Europe des paiements :

Résilience, performance et sécurité sont les maîtres mots des infrastructures temps réel 

Le fonctionnement ininterrompu des infrastructures fondamentales et la continuité des services essentiels sont vitaux. Toutefois la résilience des systèmes de paiement repose sur des investissements continus. Il est donc essentiel que les travaux visant à bâtir une infrastructure de paiement paneuropéenne solide se poursuivent.

Les infrastructures sont un moyen pour simplifier la complexité existante et future des moyens de payer.

Les infrastructures, qui représentent le premier maillon de la chaine des paiements sont porteurs d’une forte standardisation vers le temps réel et l’ISO 20022.  Elles permettront ensuite de définir des règles communes autour de schemes[1] communs et d’enrichir les données. Ces infrastructures deviennent de plus en plus interopérables entre elles (ex : CSM[2] nationaux avec leg-out sur CSM européens) pour faciliter les paiements européens et internationaux (Swift GPi et Swift Go[3]). Ces transformations  back-end, qui ne sont pas visibles du grand public sont pourtant essentielles pour soutenir les offres futures aux clients.

On peut alors se demander comment articuler ces infrastructures  avec les solutions de paiement des banques et PSP pour offrir les solutions de demain aux consommateurs et marchands ?

Le RTP (Real-time Transport Protocol), par exemple, permet aux prestataires et acteurs des paiements de se développer et d’innover en utilisant les infrastructures SRTP (Secure Real-time Transport Protocol) Permettant ainsi à l’IP (Instant Payement) de se développer au-delà du push paiement. Ouvrant la voie à de nouveaux cas d’usage pour les paiements de facture, paiements récurrents ou autre.

En 2023,  le RTP pourra être déployé chez les consommateurs (scheme de l’European Payment Council, en charge de désigner les organismes d’homologation)  soutenant ainsi le développement d’une solution pan-européenne pour les paiements. On peut notamment penser au développement d’un standard pour le QR-code – travaux conduit au niveau de l’Euro Retail Payments Board.

De récents sondages consommateurs confirment la demande des nouvelles générations pour des solutions de paiement transparentes surtout lorsqu’il s’agit de l’expérience client. Une offre coordonnée pan-européenne à travers les banques européennes et autres PSP doit remplir ces nouveaux critères.

Les banques, de notre point de vue, ont de nombreux atouts pour maintenir et renforcer leur place dans les paiements européens et internationaux. Développer et améliorer l’expérience digital tel que promue par les BigTechs, la relation client tout en réduisant les coûts est aujourd’hui un triptyque indissociable. Sans oublier pour autant la gestion des demandes des régulateurs en termes de lutte contre le financement du terrorisme ou la fraude, qui sera à terme imposé aux nouveaux acteurs .

Même activité, même risque, même règle

La bonne nouvelle vient du fait que l’ensemble des acteurs de l’écosystème des paiements est en train de s’aligner . L’application des réglementations existantes est clé. L’expérience démontre que lorsque le message politique est clair, le règlement est appliqué (référence aux avancées du RGPD). Les infrastructures de paiement (post marché), support des banques, sont très attentives aux règlementations relatives à l’exploitation et à la protection des données de paiements, un gage de sérieux et de confiance.

En conclusion, nous pouvons affirmer que l’année 2022 est celle de nombreux défis. De nombreux projets dans des phases de maturité différente doivent être gérés par l’écosystème de paiement et les banques en même temps . La détermination des acteurs et le souhait de travailler conjointement seront-ils plus forts que l’inertie et la fragmentation afin de construire l’Europe des paiements ?

[1] (règles de flux imposées par les fournisseurs d’infrastructure du réseau des cartes bancaires)

[2]  CSM : Clearing and Settlement Mechanism

[3]  SWIFT Go, un service rapide et économique pour les paiements transfrontaliers de petits montants. Le service SWIFT Go exploite les réseaux à grande vitesse de SWIFT gpi

Auteur : Corina Fontaine

Partner paiements & post marché