Co-recherche avec un hôpital universitaire pour aider à résoudre la douleur fantôme

Dans le cadre de la Journée Mondiale de l’Ingénierie pour l’Avenir, découvrez le projet de Recherche et Développement de Lina-Estelle Louis : Les Interfaces Cerveau-Ordinateurs.

À une époque où les jeunes semblent se désintéresser de plus en plus des matières scientifiques et techniques, il a paru nécessaire à l’ Institute of Electrical and Electronics Engineers (IEEE), de lancer une Journée Mondiale de l’Ingénierie pour l’Avenir; Cette journée a vocation à sensibiliser l’opinion publique aux diverses opportunités existant dans les différents domaines technologiques. 

 Dans ce contexte, onepoint valorise et accompagne ces filières à travers un pôle Recherche et Développement (R&D). De nombreux projets de recherche sont menés par des chercheurs onepoint au sein de ce pôle. À l’occasion de la Journée mondiale de l’ingénierie pour l’avenir, nous vous présentons celui de Lina-Estelle Louis, consacré à l’adaptation en temps réel de jeux vidéo à la charge mentale Onepoint s’est associée pour ce projet au CHU de Nantes afin d’expérimenter ces recherches au-delà de la population générale, auprès de patient(e)s atteints de douleurs fantômes. 

Mais quel est au juste cette pathologie ? 

Les douleurs fantômes  

 Tout d’abord, ces douleurs fantômes fascinent depuis des siècles au vu de la contradiction qui apparaît de prime abord : à la suite d’une amputation (cas de l’illustration ci-après) ou de lésions nerveuses, une personne peut ressentir la douleur de son membre lésé. Ressentir une douleur d’un membre qui n’existe plus, comment est-ce possible ?  

 Le développement des techniques d’imagerie cérébrale permet de répondre en partie à cette question. En 2002, la neuropsychologue allemande Herta Flor observe le cerveau de patientes et de patients atteints de douleurs fantômes. Elle découvre alors que la zone cérébrale responsable de la motricité du membre lésé est totalement atrophiée. Et pour cause, elle est « envahie » par les zones cérébrales adjacentes correspondant à la bouche. L’explication est que pour récupérer les informations manquantes en lien avec le brusque « silence perceptif » du membre amputé ou lésé, le cerveau va chercher les informations dans les zones adjacentes qu’il interprète comme des informations provenant de son membre lésé. Ce qui expliquerait la persistance des douleurs alors que le membre n’existe plus.  

La rééducation 

Pour y remédier, plusieurs méthodes existent dont la plus répandue est la thérapie par le miroirDans nos recherches, nous nous basons sur cette méthode qui donne l’illusion aux patientes et patients d’avoir deux membres sains. Mais au lieu d’utiliser un miroir physique pour donner cette illusion, nous utilisons un casque de Réalité Virtuelle, plus immersifEn plus de sponsoriser la thèse, onepoint développe l’ensemble de l’environnement virtuel ainsi que les tâches virtuelles motrices utilisées par les patientes et patients du CHU de Nantes. Ces tâches sont proposées durant une réeducation de six mois. Et grâce à la plasticité cérébrale (mécanisme par lequel le cerveau est capable de se modifier), nous observons que les douleurs diminuent, car la zone atrophiée après amputation reprend au fur et à mesure sa place initiale.  

 En effet, une fois l’immersion faite, nous donnons un certain nombre de tâches motrices que les patientes et patients vont devoir réaliser uniquement par la pensée (par imagination motrice). Car, depuis la découverte des neurones miroirs en 1988, par le médecin et biologiste italien Rizzolatti, nous savons que les mêmes zones cérébrales s’activent lorsqu’un individu réalise réellement une action que lorsqu’il la pense. C’est à ce moment précis qu’entrent en jeu les Interfaces Cerveau-Ordinateurs (ICO).  

Les Interfaces Cerveaux-Ordinateurs (ICO) 

Les ICO sont des nouvelles technologies qui permettent un lien direct entre le cerveau et un dispositif numérique externe. Pour ce faire, nous pouvons utiliser un casque EEG (électroencéphalogramme), qui mesure en temps réel l’activité du cerveau grâce à des électrodes posées à la surface de la têteLes interfaces cerveaux-ordinateurs permettent donc d’adapter un environnement (un objet en 2D ou 3D) à cette activité cérébrale.  

Ainsi l’on obtient la boucle illustrée ci-après :  

schéma du casque EEG qui relie le cerveau à l'ordinateur

Aussi, ces Interfaces Cerveau-Ordinateurs permettent d’interagir avec son environnement uniquement par la pensée (grâce à l’activité électrique du cerveau).  

Par conséquent, dans le monde virtuel, les patientes et patients pensent à leurs deux membres, dont un qui est lésé, et leur avatar bouge en temps réel. Avoir ce retour visuel sur la rééducation médicale durant six mois consécutifs permet d’observer une augmentation de la zone cérébrale lésée et donc une diminution des douleurs fantômes. Ainsi, le retour visuel dans l’environnement virtuel est central. La réalisation de ce pan du projet est assurée par onepoint, à travers une équipe pluridisciplinaire composée de UX researchers, designers, Directeur artistique, développeurs 3D, afin de concevoir une expérience centrée utilisateur optimale (NeuroGame experience) 

 En effet, dans ce contexte, l’un des enjeux est d’adapter en temps réel la difficulté du contenu et de l’environnement proposé au travers du casque de Réalité Virtuelle 3D à la charge mentale des patientes et des patients atteints de douleurs fantômes. Cela afin d’éviter l’ennui (la sous-charge mentale) ou le stress (la surcharge mentale) dont le bon équilibre est primordial pour des contextes de rééducation médicale. La thèse onepoint se centre précisément sur cette thématique, avec deux premières études sur la modélisation de la variation de la charge mentale subjective (par des questionnaires scientifiques) et objective (électroencéphalographie, EEG) pour des tâches sollicitant différentes fonctions exécutives comme la mémoire ou la flexibilité mentale (le fait de passer rapidement d’une tâche à une autre). Ce qui nous permettra d’aboutir à une troisième étude sur la mise en place d’un dispositif qui permet d’adapter en temps réel la difficulté de divers jeux-vidéos sur la base de la mesure EEG de la charge mentale.  

 Une étude onepoint s’étalant sur trois ans qui aura ainsi des impacts concrets sur la vie des patientes et patients atteints de douleurs fantômes, mais aussi sur le grand public à travers des jeux-vidéo ayant une interaction par la « pensée » (EEG) et la recherche scientifique.  

Auteur : Lina-Estelle Louis

Chercheuse en neuroergonomie