Voiture électrique : vraie ou fausse bonne idée ?

En mars 2018, au cours d’un vote unanime, le Conseil de Paris a voté son nouveau Plan Climat Air Energie territorial. Ce dernier a pour objectif de faire de Paris une ville au bilan carbone neutre à horizon 2050. Parmi les mesures phares envisagées, l’interdiction des véhicules diesel dès 2024, puis une généralisation à tous les véhicules thermiques dès 2030.

Sur le plan national, la chasse aux moteurs thermiques est également lancée, Nicolas Hulot ayant annoncé, alors qu’il était ministre, leur interdiction sur l’ensemble du territoire d’ici 2040. En cause, les émissions de particules fines de ces derniers, mais également leur empreinte carbone.

La voiture thermique est morte, vive la voiture nucléaire !

L’interdiction des véhicules thermiques entrainerat-elle la réduction de l’impact environnemental du transport ? Rien n’est moins sûr !

Si elle laissera le champ libre aux véhicules électriques ou autres véhicules à hydrogène, nous nous devons de garder à l’esprit que l’énergie qui les alimente directement (ou indirectement dans le cas de la production d’hydrogène) est produite à partir d’une source primaire et que cette dernière n’est que rarement issue d’une filière renouvelable.

Ainsi, le véhicule électrique devrait être appelé « véhicule charbon » en Chine et en Allemagne, « véhicule gaz » au Royaume-Uni ou encore « véhicule nucléaire » en France, 72% de l’électricité produite en France en étant originaire.

Et quand on sait que les opposants au véhicule thermique dénoncent souvent le nucléaire pour son impact écologique, nous soulignons là un paradoxe qu’il est nécessaire d’éclairer. Cela signifie-t-il que combattre les véhicules thermiques est une mauvaise idée pour autant ? Non, pas nécessairement.

En faisant la promotion du véhicule électrique, et quand bien même la production électrique serait à 100% d’origine pétrolière (scénario peu probable mais à isopérimètre en termes d’émissions carbone à la maille nationale), nous combattrions le caractère diffus de la pollution des transports et nous nous donnerions une chance plus importante de pouvoir en réduire les conséquences (isolement des sites de pollution, traitement des émissions sur des sites centralisés, etc…).

Et si on prenait le problème dans sa globalité ?

Le paradoxe souligné démontre surtout que cette mesure ne traite qu’une partie du problème, et qu’il serait judicieux de le considérer dans sa globalité, de la production énergétique depuis la source primaire à sa consommation. Considérer uniquement la source d’énergie secondaire utilisée dans les transports n’est qu’un coup d’épée dans l’eau.

  • A l’amont, c’est bien une réflexion sur l’évolution du mix énergétique global – dont les transports ne sont qu’un débouché (30%) – qu’il est nécessaire de lancer.
  • A l’aval, même constat. Interdire un usage ne fera souvent que déplacer le problème sans pour autant apporter une solution pérenne. La fermeture des voies sur berge à Paris en est le parfait exemple : censée réduire les émissions de CO2, elle n’a fait que les déplacer comme le souligne le rapport d’Airparif du 10 octobre 2017.

Il est fondamental (et désormais urgent) de considérer le sujet de façon holistique en repartant de la question originelle : pourquoi nous déplaçons-nous ? De tout temps, les hommes se sont déplacés pour se nourrir, pour commercer, pour explorer de nouveaux horizons, tant personnels que professionnels.

L’augmentation constante de la population ainsi que la démocratisation successive des différents moyens de déplacement (automobile dans les années 50, aérien dans la décennie suivante… aérospatial demain…) n’a fait qu’accroître la part du transport dans la consommation énergétique et les émissions carbone mondiales, déjà elles-mêmes en forte croissance.

Aujourd’hui, à la maille mondiale, 25% des émissions de GHG viennent du transport. En France, en 2017, le pourcentage atteignait 29% (136 MtCO2eq). Le secteur du transport dans son ensemble n’est d’ailleurs pas en phase avec les objectifs fixés par la Stratégie Nationale Bas Carbone (SNBC) avec un dépassement en 2017 de 6%.

Au problème de la pollution, s’ajoute celui de l’engorgement des différents réseaux de transports (axes routiers, aéroports, réseau ferré) qui nécessiteraient de lourds investissements pour répondre à une demande toujours croissante. Alors si plutôt que de contraindre les modes de transports, nous réfléchissions dans un nouveau paradigme à les transformer, voire à les réduire ?

L’écomobilité serait-elle la solution ?

Repenser la ville comme un lieu collaboratif

L’écomobilité vise à réduire l’impact de la mobilité sur l’environnement. L’écomobilité regroupe la conception, la mise en place et la gestion de modes de transports jugés moins nuisibles à l’environnement, sûrs et sobres, en particulier à moindre contribution aux émissions de gaz à effet de serre. Son périmètre est vaste et les vecteurs nombreux :

Apparu en France durant les grèves de 1995, le covoiturage a historiquement été le premier cas d’application majeur. En réduisant instantanément le nombre de véhicules en circulation, on diminue l’impact écologique du transport, sans contestation possible. Le succès de Blablacar au cours de ses 10 années d’existence a démontré la maturité sociétale pour le covoiturage longue distance.

Cependant ce type de déplacement ne représente que 10% des déplacements. Le covoiturage courte distance représente le plus gros marché potentiel ainsi que les plus gros enjeux environnementaux (désengorgement des centres villes, diminution de la pollution, etc). Kairos et Klaxit font figure de pionniers, mais avec une stratégie B2B2C visant les employeurs et les pouvoirs publics, elles se donnent les moyens de toucher des écosystèmes précis et donc d’une croissance rapide. Dans un contexte urbain, l’économie du partage a également le vent en poupe.

De la voiture à la trottinette, en passant par les vélos et les scooters, tous les moyens de transport sont concernés. Le business model de la plupart reste cependant encore à préciser comme en témoignent les échecs parisiens d’Autolib ou Gobee.bike.

A défaut de les remplacer, ces quelques cas d’usage seront un complément aux Transports publics. Le modèle futur sera d’ailleurs probablement un modèle hybride intermodal et agile, mais pour y parvenir, les enjeux sont encore multiples : éducation des citoyens pour une prise de conscience collective des enjeux de la transformation du transport, mobilisation des pouvoirs publics pour lancer des travaux d’aménagement du territoire et d’urbanisme développant les interfaces intermodales (stations de covoiturage, aire de stationnement pour vélo et trottinettes, etc).

Tous les acteurs auront un rôle à jouer et doivent être mobilisés : citoyens, pouvoirs publics, écosystèmes d’innovation, industriels, acteurs du transport… Il est désormais urgent de libérer les initiatives et de co-construire collectivement le transport de demain et non pas se limiter à condamner celui d’hier.

Le stade ultime de l’écomobilité ? La suppression des déplacements ou du moins d’une partie d’entre eux. Longtemps cantonnées au monde professionnel les technologies permettant d’interagir efficacement et à distance avec des personnes (visio-conférence, réseaux sociaux), des lieux ou des situations (réalité virtuelle) se démocratisent et favorisent l’interaction à distance ! Les technologies existent, il ne reste plus qu’à libérer la co-construction de nouveaux usages entre citoyens, secteurs publics et privés…

La mutation est en marche et c’est peut-être d’elle que les constructeurs automobiles devraient se méfier en premier lieu !

Auteur : onepoint

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