Corporate & Investment Banking

Les banques et plus précisément les activités de Corporate & Investment Banking font face à un triple défi.

Ces pans d’activités continuent de faire face à un défi budgétaire illustrée par une crise des ciseaux.

Sur le plan des revenus, la faiblesse des taux d’intérêt et l’incertitude de leur remontée face à un mouvement de reprise de l’inflation continue de les priver d’une source naturelle importante de revenus. De plus, la plus grande transparence exigée par les régulateurs et par les clients, le moindre appétit pour les produits les plus complexes, allié à certaines restrictions de vente les privent de sources de profitabilité passées.

En revanche, les difficultés de certains établissements ou les transitions importantes auxquelles ils doivent faire face ont quelque peu diminué l’offre de services et favorisé dans certains segments une remontée des marges et du niveau de commissions.

Ce répit est toutefois relatif tant de nouveaux acteurs peuvent apparaître ou des acteurs existants repartir à l’offensive commerciale. Si l’on zoome sur le vieux continent,  les banques européennes sont sous la menace permanente de leurs concurrentes américaines qui bénéficiant d’un terrain de jeu plus profond, plus intégré et donc plus rentable, et elles ne cessent de gagner en parts de marché sur les activités de « capital markets »

Surtout, ces activités bancaires sont menacées par la désintermédiation. Cette désintermédiation est en partie encouragée par les pouvoirs publics européens avec le projet, un tantinet serpent de mer, mais quand même bien réel d’Union des Marchés de Capitaux qui vise à un meilleur équilibre du financement de l’économie européenne entre le marché et la banque. Mais elle est aussi en partie subie par ces mêmes pouvoirs publics qui, notamment grâce à leur créativité réglementaire, ont facilité l’émergence d’une finance de l’ombre qui tend à court-circuiter les systèmes bancaires.

Sur le plan des coûts, l’inflation est là bien réelle. Même si elle a diminué d’intensité, il est beaucoup trop tôt pour parler de reflux de la vague réglementaire tant les incertitudes sur les modalités précises de transposition de CRD V et CRR II sont encore floues. Les déclarations des nouveaux responsables de supervision aux Etats-Unis qui tranchent avec celles de leurs prédécesseurs de l’ère Trump peuvent aussi légitimement inquiéter.

La transformation sociale des Corporate & Investment Banking crée également des surcoûts. Les Golden boys du trading sont vite remplacés par les Golden boys de la data dans un contexte de pénurie de talents et du concurrence exacerbée d’autres employeurs potentiels de ces talents tels bien sûr les GAFAs mais aussi les acteurs de la sphère financière non bancaires, dont le développement ne faiblit pas.

Deuxième impératif du Corporate & Investment Banking, relever le défi technologique.

Ce deuxième impératif est au moins double.

Tout d’abord, la très forte accélération des capacités de traitement des données a favorisé l’émergence de nouvelles façons d’exécuter les transactions sur les marchés financiers et surtout de nouveaux acteurs, notamment dans le domaine du Trading à Haute Fréquence, qui jouent un rôle considérable en captant les flux et les opportunités d’arbitrage qu’ils présentent au détriment des acteurs traditionnels tels que les banques. De plus, la technologie a une forte implication sur les chaînes de traitement des opérations bancaires qu’elles soient liées aux marchés ou au financement. Les progrès technologiques permettent une accélération des processus d’automatisation de l’ensemble des processus back, middle et front.

La deuxième face du défi technologique des banques est bien sûr liée à l’explosion de la data. Tant pour des raisons réglementaires (MiFID II par exemple) que techniques, les banques ont accès à de plus en plus de données sur les marchés, sur leurs clients et leur  activité  et elles peuvent les traiter de plus en plus vite. Les nouvelles exigences en termes de transparence extra financière ne vont faire que renforcer cette tendance.

Moins gênées dans ces activités de gros par les restrictions issues de la réglementation RGPD, ces données représentent une source de valeur considérable pour les banques à tel point que la banque n’est plus, selon sa définition initiale, un changeur de monnaie mais un changeur de données !

Cependant, pour relever ce défi les banques doivent absolument moderniser leur infrastructure informatique, décloisonner leurs environnements systèmes, profiter de la performance du « cloud », organiser proprement leurs données…autant de chantiers qui nécessitent d’importants investissements.

Au-delà des aspects financiers, la transformation technologique de la banque dans ses activités de gros et de marchés comporte aussi bien sûr une forte dimension humaine. L’automatisation des processus continue d’entraîner une forte réduction des équipes et pas seulement dans les back ou middle offices. « L’électronisassions» des échanges impacte aussi fortement le monde du trading. L’utilisation massive de la donnée et son automatisation a aussi de fortes répercussions sur les fonctions d’analystes. Même les activités de marché primaire sont impactées par ces phénomènes.

Attentes des clients : meilleur expérience/meilleur service/ meilleur connaissance de leur besoins

Mais c’est le troisième défi qui est le plus important et peut-être le plus difficile à relever, le défi sociétal.

Dans un monde ou les monnaies centrales sont menacées de disparition au profit de monnaies virtuelles, ou le financement par les marchés pourrait totalement remplacer le financement bancaire, ou chacun s’empare de bribes de services autrefois privilèges des banques tels que les paiements, ces dernières sont menacées de devenir « désintermédiées », invisibles, voire inutiles.

A cette vision noire annonciatrice d’apocalypse bancaire, s’en oppose une autre dans laquelle la banque dans le prolongement de ce qu’elle a commencé à faire durant la crise sanitaire retrouve une place centrale dans l’économie, redevient le partenaire indispensable des entreprises, des institutionnels, des Etats et tout acteur économique pour les aider dans leurs transformations.

Pour ce faire, les établissements bancaires doivent être irréprochables dans la qualité de leurs services en continuant d’industrialiser ce qui peut l’être et en « artisanant » un conseil sur mesure, appuyé sur une utilisation efficace mais éthique des données disponibles.

Dans cette approche de partenariat et de service sur mesure, il est un domaine ou le Corporate & Investment Banking peut exprimer toute sa force : la transition ESG.

Au-delà des contraintes de reporting qui commence à peser sur elles en matière d’ESG, des stress tests environnementaux qui vont se multiplier, des éventuelles exigences capitalistiques supplémentaires, cette transition, si importante pour nos sociétés actuelles et futures, offre une fantastique opportunité pour les banques qui par leur capacité de financement, de montages financiers, de captation et d’exploitation des données peuvent avoir un rôle fondamental dans la transformation de l’économie.

En élargissant leurs offres de services sur toutes les thématiques environnementales, sociétales et de gouvernance, elles peuvent être au cœur de nouveaux écosystèmes, de plateformes de services ou de marchés et reprendre leur rôle central dans l’économie et la société.

Auteur : onepoint

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