Comment mieux former son intuition pour lutter contre les biais ?

Comment minimiser l’impact de nos biais cognitifs ? Nina Franiatte, doctorante en sciences cognitives, met en lumière l’impact d’un entraînement de débiaisage sur les processus intuitifs de prise de décision.

Il arrive que nos intuitions nous trompent lorsque nous prenons des décisions. Ces déviations systématiques de la pensée par rapport à une norme logique ou rationnelle, les biais cognitifs, peuvent nous amener à négliger des informations importantes ou à privilégier nos préjugés. A cet égard, des études récentes en psychologie cognitive, menées auprès d’anglophones, ont montré qu’une brève explication peut déjouer ces biais de raisonnement. Et les résultats sont prometteurs.

Mais reste à savoir si le contexte anglo-saxon n’est pas susceptible d’influencer les résultats observés. L’étude de Nina Franiatte, publiée dans la revue Psychologica Belgica [1], apporte de l’eau à ce moulin. Son objectif premier était ici d’étendre les résultats antérieurs de débiaisement à une population francophone.

Dans cet optique, 147 francophones ont été testés. Ces derniers se sont prêtés au jeu en petits groupes dans les locaux de Onepoint, à Bordeaux, Toulouse et Paris.

Intervention de débiaisage : améliorer la logique des intuitions

Notre cerveau possède deux façons de raisonner : l’intuition et la délibération. L’intuition privilégie le temps court, le raccourci. Cela peut être trompeur. A contrario, la délibération permet de résoudre des problèmes de raisonnement plus complexes. Elle prend plus de temps car elle utilise des mécanismes cognitifs plus coûteux. L’étude utilise un paradigme à deux réponses, qui permet, pour chaque problème posé, de distinguer les réponses données par les intuitions de celles données par la délibération.

D’abord, les participants devaient résoudre les problèmes de façon intuitive, dans un délai strict et tout en réalisant en parallèle une tâche mémorielle complexe. Cette double contrainte temporelle et cognitive visait à limiter au maximum leur capacité de réflexion et à capter leur réponse spontanée. Puis, le même problème leur est présenté une seconde fois, sans contrainte temporelle ni cognitive, et les participants pouvaient prendre tout le temps qu’ils souhaitent pour réfléchir.

45% d’intuitions justes en plus grâce à une intervention de débiaisage[2]

Cette étude avait pour objectif de comparer les performances de deux groupes de participants à des problèmes de raisonnement, avant et après un entraînement. Ainsi, le premier groupe avait reçu une brève explication sur la logique sous-tendant les problèmes. A contrario, le second groupe n’a reçu aucune explication.

Les résultats montrent qu’avant l’entraînement, les deux groupes commettaient de nombreuses erreurs intuitives. C’est après l’entraînement que les performances ont beaucoup contrasté. Chez les participants entraînés, le nombre de bonnes réponses a nettement progressé (+45%[3]), et ce, même de façon intuitive. En revanche, le second groupe a peu évolué, restant tributaire de ses intuitions trompeuses.

Débiaisement gagnant chez les locuteurs francophones

Certes, cette étude démontre encore une fois la capacité de notre cerveau à surmonter ses biais de raisonnement grâce à une courte intervention de débiaisage.

Mais plus encore, elle démontre surtout que les intuitions logiques peuvent être adoptées par une population non anglophone.

Les résultats montrent que l’entraînement a eu un effet positif sur les performances des participants, leur raisonnement devenant plus logique et objectif. Par conséquent, l’étude permet de valider la future utilisation de supports pédagogiques traduits pour continuer les recherches sur la réduction des biais cognitifs.

 

[1]Psychologica Belgica  est le journal officiel de l’Association belge des sciences psychologiques.

[2]Nina Franiatte, Esther Boissin, Alexandra Delmas, Wim de Neys, « Adieu Bias: Debiasing : Intuitions Among French Speaker », page 49, 57 pages, Psychologica Belgica, 18 April 2024.

[3]: Ibid

Auteur : Nina Franiatte

Doctorante en sciences cognitives