Restauration Collective : Où en-est-on ?

La restauration collective se prépare à un changement de paradigme. Le consommateur évolue et les opportunités ouvertes par la digitalisation doivent être correctement exploitées pour permettre aux acteurs de se différencier et de faire évoluer leurs produits et services.

"La pause cantine est tombée à moins de 25 minutes contre plus d’une heure il y a seulement quinze ans." - Aurélie Bernard, Directrice Marketing chez Sodexo

"Pour être en phase avec la société et les attentes de nos clients, nous devons réinventer notre métier et nous associer avec de nouveaux acteurs pour nous accompagner dans cette transformation" - Philippe Salle, président-directeur général d’Elior Group

I. Tour d’horizon du secteur :

Pour comprendre le secteur, il est d’abord nécessaire de savoir que deux modes de gestion régissent la restauration collective :

  • La gestion directe ou autogestion : l’organisation et l’élaboration des repas est confiée à une équipe interne à l’établissement.
  • La gestion concédée ou déléguée : l’organisation et de l’élaboration des repas est déléguée en partie ou totalement à une entreprise prestataire. Cette entreprise prestataire est une Société de Restauration Collective (SRC).

La gestion directe s’affiche toujours majoritaire sur deux des trois segments de marché de la restauration collective :

Les leaders du marché sont inchangés depuis plusieurs années : Sodexo, Elior Group et Compass group représentent plus de 80% du CA réalisé par l’ensemble des SRC en France.

Les SRC de taille inférieure se positionnent en se spécialisant sur un segment, ou en s’implantant sur un secteur géographique local.

« Le secteur des sociétés de restauration collective se réorganise et se concentre, à l’image des trois majors Elior, Sodexo et Compass. Les middle, comme nous, doivent imiter cette stratégie pour continuer à exister, car nous voulons continuer de nous développer, mais pas n’importe comment.

L’essentiel étant de renforcer nos équipes davantage d’un point de vue qualitatif que quantitatif : les compétences techniques sont aujourd’hui essentielles. » Pascal Dupont, président du groupe Dupont Restauration

II. Le secteur s’adapte et les offres évoluent

C’est un moment charnière pour la restauration collective, amenée à repenser ses offres sur chacun des segments de marché. Dans cette dynamique de métamorphose, trois tendances majeures se dégagent :

  • Les SRC se recentrent sur le consommateur
  • Elles réalisent un effort marqué d’innovation et de digitalisation
  • Elles accentuent leur recherche de qualité et de certifications

A. Se recentrer sur le consommateur :

Le client a changé : il est moins captif, ses exigences et besoins ont évolués et il veut du bon, du local, du varié, de la transparence, du petit prix, du rapide. Deux phénomènes expliquent notamment cette mutation, perceptible sur les trois segments de marché (entreprise, enseignement, santé) :

  • L’arrivée de la génération Y et sa capacité à bouleverser la consommation
  • Le vieillissement de la population et les évolutions nutritionnelles qui en découlent

Une enquête réalisée en 2015 par Elior révélait cinq grandes tendances dans les habitudes alimentaires de la génération Y : ils aiment manger tard, rester connectés, se nourrir sainement, faire la cuisine, mais apprécient aussi la restauration pratique et rapide.

Au vu des évolutions des exigences et besoins des consommateurs, les SRC commencent à placer opérationnellement le consommateur au cœur de leurs préoccupations. Les initiatives sont nombreuses dans tous les secteurs :

  • Après deux années de recherches, Sodexo a lancé l’opération « Mixons moins, mangez mieux », en partenariat avec des dentistes, des orthophonistes et le chef Michel Bras avec pour objectif de respecter les besoins des résidents ne pouvant plus manger de repas normaux, et de ceux qui n’ont pas forcément besoin de mixé.

« Pensée à l’origine pour les victimes d’accidents vasculaires cérébraux et les personnes en fin de vie, la nourriture mixée a été généralisée dans les maisons de retraite.

On estime à 91 % la part de résidents à qui on la sert : c’est disproportionné par rapport à leurs troubles. Les Ehpad sont des lieux de vie avant tout, il faut remettre la vie à table. La nourriture doit être une solution. » – Xavier Cormary, orthophoniste

Dans le secteur de la restauration d’entreprise, la restauration commerciale s’avère être un allié de taille pour mieux répondre aux besoins des consommateurs : flexibilité, diversité …

  • Dans cet esprit, Elior rend accessible le snacking en faisant fait cohabiter son offre de restauration avec d’autres enseignes comme monop’daily, Espressamente Illy et Sushi Shop, dans les tours Carpe Diem et Majunga à La Défense.

La satisfaction du donneur d’ordre est alors obtenue par rebond, dans une logique de satisfaction longue durée plus que de rentabilité financière.

« Les mentalités doivent changer : nous devons être B to C to B, alors que nous étions jusqu'ici B to B to C » - Philippe Salle, président-directeur général d'Elior.

B. Un effort marqué d’innovation et de digitalisation

L’évolution des besoins et exigences des clients ne se limite pas aux produits. Les attentes en terme de communication des consommateurs ont également largement évolué.

Ils veulent :

  • Un accès rapide aux informations relatives à leur consommation alimentaire
  • Une implication de la SRC au service de leur santé
  • Des canaux de communication différents, avec plus d’interactions et des réponses rapides

Les entreprises de la restauration collective ont donc commencé à établir de véritables programmes de communication avec le consommateur. D’une communication autrefois quasi inexistante, sauf au travers de « cahiers de doléances » en sortie de cantine, les SRC veulent passer à une communication digitale et constructive.

Une vraie opportunité pour les SRC qui souhaitent mieux connaître leurs consommateurs, et pour les consommateurs, en retour mieux informés et plus écoutés.

Le contenu des sites d’entreprises évolue donc fortement.

Elior Group a ainsi mis en ligne en 2016 son nouveau site The Inside Scoop. L’objectif de The Inside Scoop, c’est de partager au plus grand nombre des contenus non commerciaux (articles, illustrations, infographies, vidéos…) basés sur des faits et des chiffres issus d’études et d’observations sur son secteur d’activités.

Les applications se sont également multipliées depuis plus de deux ans déjà, et illustrent par leurs fonctionnalités cette tendance de communication digitale. On remarquera par exemple les initiatives de Sodexo qui met en place trois outils innovants et exclusifs, sur le volet nutrition et santé :

  • Umeal Pilot qui offre un bilan nutrition aux clients Sodexo sur la consommation de leurs salariés, de façon anonyme, et qui propose ensuite un programme wellness conçu sur mesure
  • Umeal, une web app qui permet aux consommateurs d’enregistrer automatiquement leur repas lors de leur passage en caisse et leur suggère des recettes pour le dîner.
  • MySodexo, qui permet d’avoir accès à son solde, de recharger à distance, de visualiser les menus, de voter…

Nouvelle tendance également, les SRC commencent à s’impliquer auprès des start-ups de l’écosystème de la restauration collective pour enrichir leur offre de restauration.

Les partenariats se multiplient et permettent :

  • Pour les SRC, d’enrichir rapidement leurs offres pour mieux répondre aux attentes clients
  • Pour les start-ups, de tester leurs produits / services, d’avoir accès aux carnets d’adresses des leaders de la restauration collective et de développer leur réputation

The Living Room en est un excellent exemple. La start-up, co-créée par Elior, permet de mieux attaquer le marché des PME qui n’ont pas les moyens de se doter d’un restaurant d’entreprise et souhaitent proposer à leurs collaborateurs une alternative aux titres restaurants.

The Living Room propose un service de restauration à emporter, du petit-déjeuner au dîner. Les salariés commandent en ligne et sont livrés sur leur lieu de travail depuis le restaurant Elior le plus proche.

Dans l’écosystème de la restauration collective, les start-ups suivantes [1] ont également initié des partenariats avec les SRC :

On soulignera également l’initiative d’Elior, qui a lancé son programme « Life4 Start up » dans le cadre de son plan stratégique 2020. Elior auditionne des start-ups et des projets du monde entier autour de deux thèmes :  » la restauration du futur » et « e-santé et services complémentaires ».

Avec les 40 start-ups retenues, Elior Group compte inventer la restauration du futur et faire évoluer les métiers de la restauration : les startups peuvent expérimenter leurs innovations au sein des restaurants, et jauger leur faisabilité à grande échelle.

« Accompagner ainsi de jeunes pousses, c’est contribuer au développement d’un écosystème dont tout notre secteur bénéficiera. Car si la tradition est dans l’ADN de la restauration, l’innovation est son avenir » - Cyril Capliez, directeur général adjoint Elior Group

C. A la recherche de produits de qualité et de certifications

Face à l’exigence croissante de qualité et de traçabilité des produits, plusieurs entreprises ont fait le choix de se rapprocher de labels connus du grand public, à l’instar de Bleu-Blanc-Coeur et Marine Stewardship Council (MSC). Ces labels permettent d’authentifier la qualité de l’offre de la SRC, mais aussi de justifier le prix plus élevé des pièces de qualité.

Quelques exemples :

Dans son offre de restauration « 360 », Sodexo propose des volailles et des pièces de boucher françaises, du porc français en partenariat avec Bleu-Blanc-Cœur, dans un univers inspiré du marché.

Compass Group France a été le premier acteur de la restauration collective à obtenir la Certification Marine Stewardship (MSC) en 2011 pour 4 de ses restaurants Eurest.

  • 27 restaurants sont aujourd’hui labellisés et garantissent que les produits de mer sont issus de stocks sains ou en voie de reconstitution et pêchés sans atteinte à l’écosystème.
  • L’objectif pour 2017 est d’avoir 31% du volume des achats sur les produits de la mer surgelés labellisés MSC.

Pour compléter cet effort de qualité, les SRC mettent également en place des collaborations avec des chefs étoilés pour certifier cette fois la qualité de la cuisine et des recettes utilisées.

Quelques exemples :

  • Alexandre Bourdas, chef doublement étoilé, s’est associé au groupe Elior pour proposer des repas de qualité à l’hôpital, et revoir l’offre en chirurgie ambulatoire (hospitalisation de jour, inférieure à 12 heures).
  • Yannick Alléno, chef 3 étoiles de l’Hotel Meurice, s’est associé à la marque Eurest du Groupe Compass pour répondre aux problématiques des déjeuners d’affaires et se positionner sur le créneau de la restauration de haute gastronomie. Ils ont ensemble créé le label Millessence, décerné à 40 restaurants Eurest pour la qualité de leurs prestations.

Vous l’aurez compris, le secteur de la restauration collective se réinvente. Les acteurs repensent leur orientation client, stimulent leur écosystème pour innover et s’engagent sur la qualité de leurs produits et de leurs préparations.

En résulte un passionnant foisonnement d’initiatives.

[1] La liste des start-ups citées :

  • GoCater : Livraison traiteur en entreprise
  • FoodMeUp : Logiciel de gestion en ligne destiné aux professionnels de la restauration
  • Never Eat Alone : Solution de networking interne autour du déjeuner
  • Foodles (La boîte à encas): Cantine alternative sur-mesure
  • PopChef : Livraison rapide de plats préparés pour les entreprises
  • Foodchéri : Livraison rapide de plats préparés pour les entreprises
  • Wynd : Solutions digitales de gestion des commandes (Sodexo Ventures)

Auteur : onepoint

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