Transport routier : quels enjeux et perspectives ?

Le troisième petit déjeuner #MovingGoodsandIdeas du Rolling Lab, organisé le 13 avril dans le cadre du partenariat Paris & Co – onepoint nous a donné l’occasion d’échanger autour des grands enjeux, parfois inattendus, de la filière transport routier en France.

Si le camion autonome ne semble pas pour tout de suite, le secteur n’en connaît pas moins de très profonds bouleversements structurels et organisationnels.

Un secteur qui a connu de très fortes mutations

Le transport routier de marchandises a connu de très profondes mutations depuis une vingtaine d’années suite à l’extension progressive d’un espace ouvert dans l’ensemble des pays de l’Union Européenne.

Cette ouverture à la concurrence sur le transport international, faite sans harmonisation des conditions salariales et sociales des conducteurs, s’est traduite par une régression très rapide des « routiers » internationaux français. Comme le souligne Elisabeth Charrier, déléguée aux régions de la Fédération Nationale du Transport Routier (FNTR), on ne voit plus en 2018 de conducteurs français transporter des marchandises à travers l’Europe.

Le transport routier français, s’est en effet replié sur la Zone Courte et l’interurbain, seul segment de marché qui soit encore (partiellement) protégé de la concurrence des pays à bas coût, la règlementation européenne sur le cabotage permettant à un transporteur communautaire non établi en France de réaliser un transport intérieur sur le territoire national seulement sous certaines conditions.

Des possibilités d’optimisation encore très importante

Les paradigmes de gestion dans le secteur du transport routier ont par ailleurs été révolutionnés par le développement des nouvelles technologies

  • Les solutions de tracking, de cartographie, de dématérialisation, de data, ont transformé le métier de transporteur, autrefois gestionnaire de flotte, vers un gestionnaire de flux.
  • Les industriels du secteur, notamment dans les pays du Nord et en Allemagne où la filière est très structurée, développent de nouvelles façons de produire du transport, comme le « platooning », qui permet de faire circuler des trains de camions reliés par wifi, avec de substantiels gains de consommation à la clé.

Patrick Bellart, Directeur de l’innovation chez FM Logistics, nous présente d’autres pistes d’optimisation de la production de transport.

  • Le prix d’un transport est la résultante de deux variables : le « temps chauffeur », qui dépend peu ou prou du nombre de km parcourus et du nombre de points de chargement et de livraison, et le taux d’utilisation du moyen de transport.

Ce dernier a traditionnellement été optimisé par les professionnels du secteur sur la base de la surface d’occupation de la remorque, les « mètres de plancher ». Ainsi le taux de remplissage «volumique » des remorques reste très en deçà des capacités, de l’ordre de 30% en moyenne.

Les équipes de recherche de FM Logistics ont donc développé et breveté une technologie qui permet de détecter les moments d’entrée et sortie des palettes, c’est-à-dire de mieux comprendre ce qui se passe dans les phases de chargement et déchargement, ainsi que de mesurer l’utilisation du volume dans les remorques.

Cette technologie élargit le champ des possibles de l’optimisation, et se heurte à de nombreuses difficultés : comment identifier les opérations répétitives, comment rétrocéder au transporteur, qui porte les investissements pour équiper les remorques, une partie de la valeur créée par une meilleure occupation, qui revient par nature au chargeur ?

Un enjeu de recrutement majeur

Ces exemples illustrent que si le camion autonome ne semble pas venir bouleverser rapidement le secteur (les projections les plus ambitieuses ne le prévoient pas avant 2040), le métier de conducteur vit de profonds changements.

Comment le souligne Elisabeth Charrier, la filière rencontre des difficultés importantes pour attirer de jeunes conducteurs vers ce métier. Déficit d’image, faiblesse de la marque employeur notamment des TPE et PME, font que le nombre de postes non pourvus est aujourd’hui estimé à environ 23 000 à l’échelon national. Et 40% des conducteurs en activité à l’heure actuelle ont plus de 50 ans, ce qui risque de creuser ce déficit de 3 à 4000 postes chaque année !

Des nouvelles technologies au service de la vie des conducteurs

Le recrutement de conducteurs français, positionnés sur du transport domestique courte distance constitue donc l’enjeu n°1 pour la filière nationale. Il s’agit d’attirer des candidats jeunes, davantage de femmes (à peine 3% des conducteurs routiers à l’heure actuelle…), vers des métiers en forte évolution. Si l’image du routier au long cours et solitaire, par-delà son côté romantique, a pu décourager de nombreux candidats, de nouveaux outils sociaux destinés aux conducteurs de tous les pays font leur apparition.

Benoit Joncquez, co-fondateur de Truck Fly, le Trip Advisor des conducteurs routiers, nous a présenté les fonctionnalités de l’application : une vaste base de données de restaurants routiers, parkings, bons plans, enrichie par les conducteurs eux-mêmes, permet aux 240 000 conducteurs inscrits de communiquer entre eux dans 18 langues différentes !

Nouvelles technologies, nouveaux usages, évolution vers d’avantage de sédentarité seront-ils des arguments suffisants pour pallier le déficit d’attractivité d’une filière vitale pour l’économie du pays ?

Auteur : onepoint

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