Convaincus de leur pertinence dans le contexte actuel et de leur potentiel futur, nous avons analysé plus de 20 modèles, concepts, philosophies ou structures innovantes, indépendamment du nom qu’elles se sont données elles-mêmes (altruistes, libérées, holacratiques, responsabilisantes etc.).
Après avoir analysé la manière dont ces entreprises revoient leur conception du leadership (cf. Episode 1, Le déclic), nous nous sommes intéressés aux points communs entre les différents modèles d’organisation que nous avons observés, et qui leur permettent de profiter d’une meilleure résistance face aux aléas du marché.
Les pratiques organisationnelles transformantes qui sont le plus souvent adoptées sont de 3 ordres : la mise en place d’une vision partagée, l’allègement des processus de contrôle et de reporting, et l’accentuation de la délégation.
Une vision partagée et intégrée qui se matérialise dans les pratiques organisationnelles
Nous constatons que les organisations ayant le mieux réussi à mobiliser et à engager leurs collaborateurs autour d’un but, d’une histoire commune, bénéficient toutes d’une meilleure résilience. Plus solidaires, elles sont mécaniquement plus résistantes.
Cette histoire commune doit nécessairement être partagée et intégrée pour que chacun soit réellement embarqué « dans le même bateau », même si elle n’est pas systématiquement co-construite. C’est ce que souligne justement Jean-Christian Fauvet, expert en management : « pour tirer pleinement parti des aspirations du corps social, le bien commun doit se faire l’écho des bonheurs privés » (extrait de » La liberté, ça marche ! L’entreprise libérée : les textes qui l’ont inspirée, les pionniers qui l’ont bâtie » Isaac Getz », chez Getz, 2016).
Alors, comment embarquer des individus fondamentalement différents autour d’un sens partagé, d’un but commun ? Les leviers de la communication, de la formation et de l’expérimentation fournissent des outils pour construire cette identité partagée. La mission, la raison d’être, la vision et les valeurs, entre autres, agissent comme une boussole qui permet de cibler un objectif, de partager des principes fondateurs et de maintenir un cap tout en cultivant une culture commune.
Ce travail d’acculturation et d’engagement vise à faire vivre par l’ensemble des acteurs de l’organisation, la vision collectivement adoptée. Sa formalisation, son partage et son déploiement permettent aux membres de l’organisation de s’y référer dans les décisions à prendre, les alignements à trouver, afin de transformer ensemble les pratiques organisationnelles.
Assurer une cohérence entre la vision stratégique et l’aspect opérationnel est clé : toutes les activités, actions, décisions doivent servir la réalisation de la vision, correctement diffusée au sein des équipes. Les leaders peuvent ainsi les mettre en mouvement pour qu’elles s’approprient ce changement et l’adaptent à leur quotidien : c’est le terrain qui donne vie à la vision, de manière concrète.
On le voit, construire une vision commune est un préalable indispensable à la création d’une identité collective… mais ce n’est pas une fin en soi dans ces modèles : le défi est bien que chacun y adhère et la traduise opérationnellement dans des pratiques du quotidien, précipitant ainsi la transformation profonde de la culture d’une entreprise.
Des mécanismes de contrôle et de reporting allégés
Les organisations résilientes que nous avons analysées font des choix disruptifs qui peuvent parfois sembler risqués, voire dangereux pour des organisations plus classiques. À l’heure où la majorité des managers passent plus d’un tiers de leur temps à des tâches de contrôle et de reporting, ces entreprises font ainsi le pari de stopper et supprimer de nombreux mécanismes de contrôle ou de démultiplier les principes de délégation, convaincues que « l’incertitude inhérente à toute relation humaine devient moins grande avec la confiance » – Joel Peterson.
Elles en retirent 3 avantages : d’abord, les coûts liés à la mise en place des systèmes de contrôle diminuent naturellement. Ensuite, moins de reporting permet de satisfaire certains des principaux besoins humains universels, à savoir : la confiance, la maîtrise de son activité et l’autonomie. Enfin, les processus de contrôle étant chronophages, leur allégement permet un gain de temps précieux, réinvesti dans des activités porteuses de sens et de valeur.
Pour résumer, cette diminution des boucles de contrôle est garante d’une dynamique collective, qui a pour bienfaits de développer l’engagement des individus et in fine de générer plus d’efficience. Le professeur Ethan Bernstein de la Harvard Business School, dans un article intitulé « Le paradoxe de la transparence », est parvenu à mesurer ces gains. Son étude montre que lorsque la surveillance est relâchée, la productivité des travailleurs augmente de 10 à 15%.