One Step Beyond Resilience – Episode 4 : INSTAURER LA CONFIANCE

La crise de la confiance

Alors qu’il semblerait que la confiance soit un des facteurs essentiels du succès pour les entreprises, la confiance entre les individus semble se dégrader progressivement. Il y a 40 ans au Royaume-Uni, 60% de la population pensait qu’elle pouvait faire confiance aux autres, aujourd’hui ce chiffre tombe à 29%. Ce pourcentage est de 23% en France selon le World Values Survey, soit 15 points en-dessous de la moyenne de l’OCDE.

Et dans le monde professionnel, les résultats ne sont pas plus enthousiasmants : seuls 40% des salariés en France déclarent avoir confiance en leurs dirigeants (sondage TNS-Sofres ) quand 18% estiment que leurs responsables agissent avec honnêteté et intégrité (Le pouvoir de la confiance, Stephen M. R. Covey).

Nous avons pu constater dans l’épisode précédent à quel point la confiance est importante pour favoriser l’engagement, lui-même source d’efficience pour l’entreprise. À la lumière de cette analyse, ces chiffres soulignent bien la difficulté à mettre en place en entreprise un climat de confiance qui lui serait pourtant bénéfique. Comment font donc les entreprises résilientes pour développer un climat de confiance et favoriser l’engagement de leurs équipes ? Nous vous proposons quelques pistes inspirantes.

La confiance, un savoir-être qui s’apprend

En matière de confiance, la complexité réside d’abord dans la capacité à créer les conditions dans lesquelles elle peut s’épanouir. Différents chercheurs se sont penchés sur le sujet. Parmi eux, nous pouvons citer Paul J. Zak dont les travaux ont permis d’isoler huit comportements managériaux favorisant l’instauration d’une culture de la confiance, Stephen M. R. Covey, auteur de « Le pouvoir de la confiance », qui a identifié 13 comportements fondés sur les principes gouvernant les relations de confiance, et Francis Boyer, qui a fait émerger 5 critères sur lesquels reposent la confiance en entreprise.

Ces recherches se rejoignent pour qualifier la capacité à développer la confiance des équipes comme un véritable atout managérial. Une qualité qui s’apprend et se cultive. En effet, ce facteur qui peut paraître abstrait résulte d’un processus d’apprentissage concret. Parmi les différentes conditions énoncées par ces chercheurs, nous avons choisi d’en sélectionner quatre qui nous paraissent essentielles à l’émergence d’une culture de la confiance : la transparence, la reconnaissance, la crédibilité et le lien social.

  1. La transparence

Aujourd’hui, seuls 40% des employés disent avoir une bonne connaissance des objectifs, stratégies et tactiques de leur entreprise. Or, « celui qui n’a pas d’objectifs ne risque pas de les atteindre » (Sun Tzu). Comment les 60% restants peuvent-ils contribuer aux ambitions dont ils n’ont pas connaissance ?

Pour que des équipes développent leur confiance dans l’entreprise, la première étape est donc de partager à chacun la vision, les objectifs et les stratégies adoptées et ce, quel que soit son rôle ou sa fonction. Mieux informés sur la direction que souhaite prendre l’entreprise, les collaborateurs pourront ainsi plus facilement se mettre en mouvement pour atteindre ces objectifs. Au-delà de l’information elle-même, partager les raisons de ces choix participe également à développer leur adhésion et leur engagement. On suit plus facilement une décision que l’on comprend et dont l’intention est affichée.

C’est dans cette optique de transparence que, chaque semaine, le fondateur de Airbnb répond publiquement à toutes sortes de questions sur la stratégie de l’entreprise et les actions engagées. Le succès de ce rituel repose sur la capacité du dirigeant Brian Chesky à répondre avec pédagogie, authenticité et transparence. Les collaborateurs posent leurs questions en live et elles sont hiérarchisées en temps réel par les participants.

Il en va de même chez Blablacar, où les échecs sont considérés comme source de progrès et partagés ouvertement. Lors des BlaBlaTalk bimensuels, les country managers présentent à la fois les « wins » et les « fails ». Ces derniers peuvent être présentés de façon constructive en décrivant l’échec, les actions prises et les apprentissages qui en découlent. Ils reconnaissent ainsi les succès et apprennent collectivement des échecs, en toute transparence.

  1. La reconnaissance

Le deuxième levier est la reconnaissance. Chez Barry Wehmiller, c’est une des composantes essentielles du leadership. Les employés ayant réalisé des actions significatives répondant à la vision de l’entreprise sont régulièrement mis à l’honneur. La célébration n’est pas prise à la légère, elle est publique et rassemble de nombreuses personnes dont la famille dudit employé, parfois même en présence du CEO, Bob Chapman. Les collaborateurs, fiers que leur travail soit valorisé par l’entreprise, sont plus motivés et engagés.

Le cas Barry Wehmiller est un très bon exemple de l’utilisation de la reconnaissance pour développer la confiance et la performance au sein de l’entreprise. Son potentiel motivationnel pourrait même être maximisé en l’accompagnant d’objectifs challengeants mais atteignables, qui donneront encore plus de valeur à l’atteinte des objectifs pour les équipes.

En effet, assigner une mission difficile mais atteignable à un individu ou une équipe génère un stress modéré qui intensifie l’attention des personnes et renforce leurs connections sociales. L’accomplissement de cette mission sera ainsi perçu comme une victoire, qui pourra être célébrée publiquement, enclenchant ainsi un cercle vertueux d’engagement : pour l’individu ou l’équipe concernée, mais aussi pour leurs pairs.

  1. La crédibilité

Comment faire confiance à un manager déconnecté de la réalité du terrain ? Qui ne respecte pas ses engagements ? Dont le statut reflète plus son habileté politique que ses capacités d’animation d’équipe ? Ces interrogations ou critiques, légitimes et parfois exprimées de la part des collaborateurs, nuisent à la légitimité du manager. La crédibilité se gagne de différentes manières mais doit également s’entretenir : Stephen M. R. Covey explique ainsi que la crédibilité est composée de 4 noyaux indissociables

  • L’intégrité qui permet d’avoir le courage d’agir en accord avec ses valeurs et ses convictions,
  • L’intention car la confiance grandit quand nos motivations sont nettes et fondées sur l’intérêt mutuel,
  • Les capacités qui sont les aptitudes que nous possédons et qui inspirent confiance, et enfin
  • Les résultats qui font office d’états de service ou de faits d’armes et prouvent des performances antérieures.

La proximité entre managers et collaborateurs permet de gagner en crédibilité et réduire les clivages souvent très prononcés des entreprises matricielles et pyramidales.

Un exemple est celui de la « semaine autrement » de Châteauform’. Les dirigeants prennent la place de leurs collaborateurs pendant 3 jours et exercent les missions de leurs équipes (ils deviennent couple d’hôte, cuisinier…). À l’issue de ces 3 jours, les membres du Comex font part de leur expérience par un feedback structuré en 3 parties « j’ai aimé » / « j’ai appris » / « je suggère ».

Les équipes se sentent reconnues, comprises et libèrent leurs avis et suggestions. L’enjeu est ici de réduire la scission entre « ceux qui pensent » et « ceux qui font » en partant du principe que 80% des solutions aux problèmes opérationnels d’une entreprise sont détenus par le terrain.

Un autre exemple évocateur est celui de Decathlon, où le schéma d’évolution, comme dans beaucoup d’autres entreprises de la distribution, préconise de développer une solide expérience en magasin avant d’accéder à des missions plus stratégiques. Ainsi, l’actuel PDG, Michel Aballea, a gravi tous les échelons hiérarchiques, en passant notamment par le poste de vendeur.

C’est également une belle démonstration d’ascension en entreprise et en cela, un facteur d’attractivité très puissant. Aujourd’hui encore, il n’hésite pas à apporter son aide aux collaborateurs, sur le terrain, notamment pendant la crise de la Covid-19.

  1. Le lien social

L’environnement de travail de nombreuses entreprises valorise la performance opérationnelle au détriment de la création de relations sociales entre collègues. Un choix qui dessert en réalité la performance financière de l’entreprise, car le lien social est un levier de motivation et de performance important pour la majorité des personnes. En effet, nous passons une partie considérable de notre vie au travail et y créer des liens sociaux permet d’assouvir les besoins primaires des animaux sociaux que nous sommes.

Par ailleurs, les neurosciences ont montré que lorsque les employés créent intentionnellement des liens sociaux au travail, leurs performances augmentent. Une étude de Google a aussi prouvé que les managers qui expriment de l’intérêt pour le bien-être et le succès de leurs collaborateurs ont des équipes plus performantes que les autres.

Connaître les individus avec lesquels on travaille permet d’assurer une meilleure coordination, étant conscients des appétences et aptitudes de chacun, ce qui se traduit par une meilleure productivité. Ce lien social s’avère donc précieux et capital pour collectivement surmonter les défis auxquels l’entreprise est confrontée : il renforce automatiquement le sentiment d’appartenance et la cohésion des membres d’une organisation.

Le cadre protecteur

Cette culture de la confiance se matérialise notamment par une transparence accrue garantie par un cadre protecteur et bienveillant entourant l’organisation. Ce cadre protecteur peut être représenté par « une table de lois » formalisant les droits et des devoirs de tous les salariés. Il se traduit de différentes manières selon les organisations : lignes de conduite, règles du jeu, manifeste de valeurs communes et partagées (comme par exemple, l’accueil positif du changement prôné par les organisations agiles). Dès sa création, il doit être pensé pour être organique & vivant, en perpétuelle évolution et singulier (chaque équipe évolue dans un contexte différent.) Ce cadre protecteur partagé par les dirigeants et les collaborateurs permet par exemple de valoriser les erreurs par le partage en toute transparence et sans dommages du constat de l’échec, des apprentissages de l’erreur et des décisions correctrices et constructives.

Conclusion

La confiance est le socle permettant de réinventer son modèle d’organisation. La corrélation indissociable entre l’évolution des modes d’organisation cités et les comportements managériaux favorisant la confiance est réelle. L’un ne fonctionne pas sans l’autre. La transformation des organisations et des modes de collaboration n’est possible et réussie que si les personnes se font mutuellement confiance.

Nous observons une culture managériale en évolution : elle s’éloigne progressivement du paternalisme, du management directif et se rapproche assurément d’une culture managériale collaborative, voire coresponsable, où la confiance prend une place importante. L’accompagnement de l’humain par l’humain prend ici tout son sens.

La confiance redessine ainsi les modes d’organisation et structure les entreprises d’aujourd’hui et de demain, faisant finalement de l’humain la clé de la résilience d’une entreprise. Au regard des éléments présentés dans ces quatre articles, chaque entreprise devra alors trouver sa propre formule sur-mesure pour gagner en résilience, en alliant confiance et mesures organisationnelles.

 

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Auteur : Alexandre Kelagopian

Leader Change & Smart Working