Directive RIS : comment le secteur assurantiel peut-il s’y préparer ?

Adoptée en mai 2023, la RIS (Retail Investment Strategy) renforce la protection des investisseurs de détail et impacte fortement les processus des entreprises d’investissement, des intermédiaires et des entreprises d’assurance qui distribuent des produits d’investissement fondés sur l’assurance.

La RIS a pour but de protéger les épargnants, ce qu’elle s’efforce de faire via la définition de plusieurs objectifs qui vont fortement impacter les processus internes des entreprises concernées. Ces nouveautés impacteront profondément la modification des règles de surveillance et de gouvernance des produits et renforceront les exigences de qualité et d’indépendance du conseil en investissement tout en assouplissant les conditions d’investissement pour les investisseurs.

En complément, la directive s’enjoint à renforcer la protection des investisseurs de détail, en harmonisant les règles applicables aux produits d’investissement de détail et aux services de conseil. Elle vient compléter et harmoniser différentes réglementations déjà applicables dont les directives MIFID II, OPCVM, PRIIP’s, DDA, DFIA, droits des consommateurs… Ces nouvelles exigences vont donc impacter tous les distributeurs de produits d’investissements qui devront faire évoluer leurs processus métiers pour se mettre en conformité, au plus tard en 2026 si le texte parvient à être adopté dans sa version définitive en 2025.

Modification des règles de surveillance et de gouvernance des produits :

En requérant plus de transparence dans les communications clients et une évaluation des coûts supportés par les investisseurs, la RIS impacte de fait la Product Oversight Governance (POG : gouvernance produit). En effet, les producteurs et les distributeurs de produits vont devoir évaluer la pertinence, la rentabilité et la durabilité des produits, tenir compte des besoins et des préférences des clients cibles, et surveiller régulièrement la performance et les risques des produits.

Au travers du concept de « value for money » il sera donc demandé aux concepteurs de produits d’évaluer les coûts supportés par les investisseurs et de s’assurer un ratio acceptable entre les coûts et la performance prévisionnelle du produit. En clair, le coût d’acquisition du produit financier ne doit pas venir impacter négativement la rentabilité globale du produit.

Cette nouvelle exigence rend le processus de POG plus délicat en raison de la difficulté de rendre les coûts d’intermédiation accessibles et transparents pour les clients et en complexifiant le devoir de conseil via l’accroissement des exigences envers les conseillers.

Transparence et comparabilité des produits améliorée :

Autre nouveauté : les documents d’information à destination de la clientèle vont devoir intégrer des mises en garde appropriées sur les risques.

Les documents d’information clés au format unique et standardisé pour tous les produits évoluent et vont à présent intégrer les coûts des produits. Cette simplification des informations permettra aux investisseurs de détail d’obtenir des documents plus clairs et plus lisibles, avec des exemples concrets et des tests de compréhension.

De plus, l’EIOPA (Autorité européenne des assurances et des pensions professionnelles) doit élaborer, dans un futur proche, des orientations précisant le concept de “produit financier particulièrement risqué” ainsi que les normes techniques (ITS1 et RTS2). Ces nouvelles orientations seront également à intégrer au sein des documents d’information clé.

La RIS impose également des règles strictes concernant le contenu, la présentation et la diffusion des communications publicitaires sur les produits d’investissement. Le but ? Supprimer les publicités trompeuses qui minimisent les risques, coûts et inconvénients des produits d’investissement et protéger les investisseurs contre ces dernières. Par ailleurs, les sites internet présentant les produits devront également être mis en cohérence au regard des obligations d’information revues.

Cette exigence implique donc des revues des PLM (Product Livecycle Management) de chaque produit d’assurance sur lequel sont adossées des offres financières. En conséquence, ces revues permettront de lutter efficacement contre toute information de nature déséquilibrée et trompeuse.

Une responsabilité et supervision des acteurs du marché accrue :

La RIS renforce les pouvoirs des autorités nationales et européennes de contrôle via l’harmonisation et le renforcement des sanctions applicables et la mise en place d’un mécanisme d’échange d’information et de coordination.

Elle crée un comité permanent au sein de l’Autorité européenne des marchés financiers (AEMF), chargé de superviser les produits et services d’investissement de détail au niveau de l’UE. Une surveillance accrue pour les assujettis est donc à prévoir sur ces sujets. Les RTS et ITS qui doivent être adoptés en 2025 devraient préciser la liste détaillée des pouvoirs dont les autorités de contrôles nationales disposeront pour opérer cette surveillance.

Qualité et indépendance du conseil en investissement renforcées :

Par ailleurs, la RIS impose des exigences plus strictes en matière de compétence, de diligence et de rémunération des conseillers. Il sera donc de la responsabilité des employeurs de renforcer les exigences en matière de formation, d’évaluation et de certification des conseillers.

Elle impose également l’interdiction des commissions et des incitations qui pourraient créer des conflits d’intérêts, ou nuire à l’intérêt des clients, ainsi qu’un rapport écrit expliquant les raisons et avantages du conseil fourni, à remettre aux clients.

Assouplissement des conditions pour les investisseurs :

Certains investisseurs souhaitent être traités comme des investisseurs professionnels. Grâce à la RIS, c’est maintenant possible, s’ils disposent des connaissances, de l’expérience et des ressources nécessaires pour assumer les risques liés aux produits et services d’investissement de détail.

En effet, la Directive simplifie les procédures et les critères pour changer de catégorie de client, et facilite le passage d’une catégorie à l’autre en fonction des besoins et des circonstances des investisseurs. Cette exigence nécessitera une vigilance particulière lors de sa mise en place pour éviter les abus qui iraient à l’encontre de la raison d’existence de la RIS : la protection client.

Se préparer dès maintenant à une transformation inévitable

Ces nouvelles exigences vont donc fortement impacter les processus internes des acteurs concernés dont le Product Livecycle Management. Une anticipation est donc nécessaire de la part des assujettis de façon à être en conformité avec ces nouvelles exigences pour 2026.

1 ITS : Implementing Technical Standards

2 RTS : Regulatory Technical Norms

Auteur

  • Dominique Beauquis

    Experte Réglementaire Assurances

  • Pierrick LOILLIER-ILDEBRAND

    Associate Strat Op