Top 11 des idées reçues sur la culture d’entreprise et les transformations culturelles

On entend parfois parler de « culture d’entreprise ».  On entend aussi parfois parler de « transformations culturelles ».  Et puis voilà qu’un constat s’affirme, plus on en parle et on en entend parler, plus on s’en rend compte : ces notions sont de prodigieux réceptacles à tout un lot d’idées reçues.

 

Or, la répétition d’idées reçues a ceci d’inquiétant : elle couvre d’un semblant de vernis de vérité des faussetés, des approximations, des réductions, et des extrapolations qui n’ont pas lieu d’être dès lors que celles-ci sont soumises au filtre d’une analyse critique et d’un regard nourri d’objectivité.

 

Le moment est ici venu de déconstruire les idées reçues les plus souvent entendues concernant la culture d’entreprise et les transformations culturelles.

1-Cela concerne la pratique d’activités culturelles en entreprise ou via elle (activités proposées par le Comité d’Entreprise par exemple)

Pourquoi c’est une idée reçue ?

A tous ceux qui seraient pris dans les méandres d’une telle confusion, l’occasion est là d’apporter des éclaircissements.  Il va sans dire, mais disons-le tout de même, qu’il importe de distinguer la Culture au sens de « créations et loisirs artistiques » (peinture, danse, théâtre, musique…) des cultures au sens suivant : un ensemble lié de manières de penser, de sentir et d’agir plus ou moins formalisées qui, étant apprises et partagées par une pluralité de personnes, servent, d’une manière à la fois objective et symbolique, à constituer ces personnes en une collectivité particulière et distincte.

Est-ce à dire que la Culture en tant que « créations et loisirs artistiques » ne fait pas partie des cultures ?  Jugez par vous-mêmes : a-t-on déjà vu des loutres se livrer à la nage synchronisée aux Olympiques ?  Des girafes rédiger une pièce de théâtre et la jouer à la Comédie Française ?  Des ours former un groupe de hip-hop ?  Force est d’admettre que non.  Ainsi, on doit considérer que la Culture au sens de « créations et loisirs artistiques » est une composante de chaque culture telle que définie ci-haut car créer, inventer, imaginer artistiquement est une spécificité de l’être humain, à titre d’être de culture, ce que ne sont pas les autres espèces vivantes.

2-Il s’agit de la charte des valeurs de l’entreprise

Pourquoi c’est une idée reçue ?

Identifier et afficher des valeurs d’entreprise est l’expression d’une volonté incantatoire d’incarnation de celles-ci par des membres d’une organisation, souvent par ceux occupant des postes hauts placés au sein de cette dernière. C’est dans les discours et les pratiques, les façons de penser et d’agir des collaborateurs à tous les niveaux d’une organisation que s’éprouve la réalité une culture d’entreprise. Autrement dit : dans les valeurs vécues, observables et objectives.

Est-ce que ces dernières sont congruentes avec celles affichées par l’organisation ?  Est-ce que les valeurs affichées et vécues sont congruentes avec l’organisation, les processus, les outils, le management ?  Sont-elles congruentes avec la stratégie de l’entreprise ?  C’est ce type de questions qu’il importe de se poser si l’on souhaite dépasser l’incantation pour accompagner l’appropriation et l’incarnation des valeurs dans les représentations et pratiques des collaborateurs.

3-C’est conceptuel, ce n’est pas pragmatique et concret

Pourquoi c’est une idée reçue ?

Une culture d’entreprise se constate dans les pratiques et discours des vécus opérationnels concrets des collaborateurs au sein d’une organisation. Cela n’a donc en soi rien de conceptuel.  C’est même observable au quotidien.

La dimension conceptuelle de la culture d’entreprise se situe plutôt dans l’appareillage conceptuel de notions mobilisées en sciences humaines et sociales pour l’analyser, la comprendre et, ultimement, l’accompagner dans ses changements dans un horizon de transformation.  Un des enjeux clés d’une transformation culturelle est donc de pouvoir passer d’un état des lieux faisant appel à des concepts — pour des fins analytiques de diagnostic et de compréhension d’une culture d’entreprise — à des leviers opérationnels concrets permettant de la transformer.

4-C’est un sujet dans le périmètre de la fonction Ressources Humaines

Pourquoi c’est une idée reçue ?

Venons de nouveau à la rescousse d’une telle idée reçue afin d’y voir plus clair et plus juste.  Dès lors que l’on parle de culture d’entreprise il faut nécessairement penser aux êtres humains, car il n’y a pas d’autres espèces vivantes qui possèdent de culture.  Dès lors que l’on pense aux êtres humains en entreprise, le réflexe est de penser à la fonction Ressources Humaines.

Est-ce à dire que la responsabilité des sujets de culture d’entreprise – et, par extension, de transformation culturelle – se situe uniquement dans ce périmètre fonctionnel ?  Vous vous doutez bien que non.  Pourquoi ?  Pour une raison assez simple : chaque fonction (Achats, Finance, Opérations…) au sein d’une entreprise est susceptible d’avoir des caractéristiques culturelles qui sont en partie des variations de la culture globale et transverse de l’entreprise, et en partie des caractéristiques qui lui sont propres au titre des spécificités de sa fonction.

Toutes les fonctions sont donc concernées par la culture d’entreprise et doivent donc toutes être mobilisées et responsabilisées dès lors qu’il s’agit de transformer celle-ci.  Autrement dit : la culture d’entreprise et les transformations culturelles sont des sujets de Direction Générale, auxquelles il faut bien sûr associer la fonction Ressources Humaines, mais aussi toutes les fonctions de l’entreprise.

5-Une culture d’entreprise se transforme via des actions de communication et de formation

Pourquoi c’est une idée reçue ?

Voilà une autre idée reçue particulièrement discutable.  Est-ce qu’une culture d’entreprise se transforme via des actions de communication et de formation ?  En partie, et ce sont là d’ailleurs des types d’actions indispensables.  Indispensables mais insuffisantes.

En termes d’actions de transformation culturelle, disons ici qu’il est de rigueur de partir du principe que l’on ne s’interdit rien comme types d’actions.  Pourquoi ?  Afin de répondre, il faut se poser cette question cardinale : dans une entreprise, qu’est-ce qui « produit » de la culture ?  L’organisation des activités de travail (organigramme, types de postes, rôles & responsabilités…) ?  Bien sûr !  Les processus et procédures indiquant les normes à suivre pour produire de la valeur ?  Évidemment !  Les outils de travail (digitaux / collaboratifs par exemple) ?  Indéniablement.  Et le management ?  Point de doute !

Une transformation culturelle ne se limite donc pas à des actions de communication et de formation.  A la mesure des enjeux identifiés, elle doit aussi potentiellement intégrer des actions de transformation de l’organisation, des processus et procédures, des outils et du management.  On évitera notamment ainsi de réaliser une transformation qui produirait des incohérences et dissonances culturelles.  Un exemple ?  Une communication qui indiquerait qu’une des valeurs phares de l’entreprise est la responsabilisation, cela au sein d’une entreprise qui s’y prête peu : très nombreux niveaux hiérarchiques, foisonnement des processus et procédures limitant les initiatives et ralentissant les prises de décision, absence d’outils collaboratifs, management « command & control ».

6-Il y a des bonnes et des mauvaises cultures d’entreprise

Pourquoi c’est une idée reçue ?

Toute culture d’entreprise peut a priori – de façon réductrice et simplificatrice – être jugée bonne ou mauvaise.  C’est cet « a priori » qu’il faut remettre en question car il n’y a pas en soi, dans l’absolu, de bonne ou de mauvaise culture d’entreprise.  Il y a de bonnes et de mauvaises cultures d’entreprise que lorsque celles-ci sont jaugées à la mesure de leur adéquation avec les objectifs business, opérationnels et stratégiques de chaque entreprise.

Dans la mesure où, pour une entreprise donnée, il y a globalement une adéquation entre ces objectifs et la culture d’entreprise, on pourra dès lors considérer qu’il s’agit d’une « bonne » culture car celle-ci contribue à l’atteinte desdits objectifs.  Dans le cas inverse, on considérera qu’il s’agit d’une « mauvaise » culture, dans la mesure où elle impacte négativement l’atteinte des objectifs de l’entreprise.

Enfin, cela va sans dire, mais disons-le tout de même : tout n’est jamais complètement blanc ni complètement noir.  Une culture d’entreprise comportera toujours des caractéristiques qui sont les « bonnes » au regard de ses objectifs et d’autres qui sont « mauvaises ».  Il conviendra de considérer les « bonnes » comme des points d’appui, et les « mauvaises » comme des axes à travailler.

7-Il est surtout pertinent de s’intéresser à la culture d’entreprise pour les organisations œuvrant à l’international

Pourquoi c’est une idée reçue ?

Point de doute : puisqu’une entreprise ayant des activités à l’international est nécessairement au croisement de différentes cultures nationales (des collaborateurs, des fournisseurs, des clients pour ne prendre que ces exemples), il est pertinent pour elle de s’intéresser à sa culture d’entreprise.

Ceci dit, c’est loin d’être le seul cas d’usage.  Les autres ?  Voici une liste non exhaustive pour donner un aperçu de l’étendue des possibilités pouvant requérir un accompagnement en transformation culturelle :

  1. Acculturations

Appropriation de nouveaux comportements et représentations propres à une thématique de changement culturel spécifique, par exemple :

  • Agilité
  • Culture digitale
  • Data-centricity
  • Orientation client
  • Nouvelles valeurs d’entreprise
  • New Ways of Working
  • Inclusion & Diversité
  • Organisation apprenante
  1. Convergences

Mises en place de nouvelles organisations du travail :

  • Réorganisations externes : fusions-acquisitions
  • Réorganisations internes : inter-métiers, inter-activités, inter-fonctions…
  1. Modèles managériaux

Définitions, adaptations et appropriations de nouvelles pratiques managériales, par exemple :

  • Management 3.0
  • Attractivité, rétention & engagement collaborateur
  • Management par le sens & les valeurs
  • Management participatif
  • Management hybride
  1. Collaborations interculturelles 

Mise en place de démarches de management interculturel :

  • Equipes multiculturelles
  • Expansions géographiques
  • Equipes multi-métiers, multi-fonctions, multi-filiales…
  • Management inter-générationnel
  1. Adéquations stratégies et cultures

Accompagnement de nouvelles orientations stratégiques structurantes :

  • Inadéquations entre stratégie et culture
  • Nouveaux business model
  • Nouveaux produits et services
  • Nouveaux marchés (internationalisation, régionalisation)
  1. Déploiements opérationnels structurants

Support de déploiements opérationnels induisant des changements culturels :

  • Nouveaux outils
  • Nouveaux processus et procédures
  • Evolutions métiers
  • Nouveaux métiers

8-La culture d’entreprise c’est secondaire, le plus important c’est le business, la stratégie, les résultats, la performance

Pourquoi c’est une idée reçue ?

Force est de constater que lorsqu’on effectue une hiérarchie dans les priorités d’une entreprise, la « culture d’entreprise » apparait bien souvent comme secondaire par rapport aux impératifs « business ». Ce qui compte, c’est ce qui est concrètement mesurable par des chiffres : la croissance, la rentabilité, le taux de satisfaction client, etc. Autant de variables qu’il est possible d’ajuster via notre stratégie marketing, opérationnelle, etc.

La culture d’entreprise serait alors un nice to have, un atout intéressant mais non prioritaire. Or, on oublie bien souvent que la culture d’une organisation a des impacts concrets sur la manière d’adopter ces dites stratégies. Pour rappel, la culture d’entreprise est le résultat combiné de son histoire, ses valeurs, sa vision, ses règles, etc. Elle peut donc être un levier puissant pour contribuer à améliorer la compétitivité.  S’appuyer sur la culture d’entreprise pour fédérer les équipes autours d’un objectif commun est un vecteur non négligeable de motivation et, in fine, de performance.

Par ailleurs, la culture d’entreprise est un élément déterminant dans le bien être des collaborateurs et dans leur sentiment d’appartenance à leur entreprise. Avoir des équipes qui adhèrent au projet global de l’entreprise (valeurs, vision, management…) contribue à accroître leur motivation, et donc leur productivité.

Vous l’aurez donc compris : la culture d’entreprise n’est en rien secondaire par rapport au « business ». Elle contribue au contraire à entretenir un cercle vertueux conduisant à améliorer la performance. Puissant vecteur de compétitivité, elle ne doit donc pas être négligée.

9-La culture d’entreprise est un argument marketing/marque employeur mais est bien souvent inexistante dans les faits

Pourquoi c’est une idée reçue ?

En parcourant les sites web des entreprises, on se rend souvent compte qu’elles clament haut et fort les valeurs et orientations qui les caractérisent et font leur singularité.

Or, une culture d’entreprise ne se cantonne pas à un simple argument marketing pour attirer les talents, les clients ou les investisseurs. Elle ne saurait se limiter aux simples discours : elle est vécue, palpable et perçue de façon concrète via les actions mises en place.

Une culture d’entreprise ne se décrète pas et n’est pas du ressort du storytelling uniquement. Pour exister, elle doit être traduite concrètement sur le terrain, dans l’expérience vécue par l’ensemble des parties prenantes (collaborateurs, clients, fournisseurs, investisseurs…).

Ainsi, on ne peut nommer « culture d’entreprise » que celle qui existe au-delà des discours, et idéalement en congruence avec ceux-ci. Elle peut donc très bien être en décalage avec les arguments flatteurs mis en avant par les entreprises dans leurs communications : c’est alors le signe qu’il y a un travail à effectuer et que des actions doivent être mises en place pour combler l’écart entre discours et réalité.

10. Une culture d’entreprise se définit au moment de la création de l’entreprise et reste pérenne avec le temps

Pourquoi c’est une idée reçue ?

L’idée que la culture d’une entreprise est figée et fixe dans le temps est une véritable erreur. En effet, la culture est un processus dynamique et itératif, elle vit au grès des interactions, des transformations mais aussi des résistances et des empêchements. La culture se compose du vécu des collaborateurs, de leurs rituels, de leurs habitudes, mais également des process de l’entreprise, et de tout ce qui s’y vit.

Elle évolue donc dans le temps et subit des transformations – parfois volontaires par le biais de nouvelles pratiques managériales par exemple, parfois involontaires tout simplement par le biais du vécu et de l’histoire de l’entreprise -. Il est ainsi parfois nécessaire de s’interroger sur cette culture, d’en diagnostiquer certains tenants et aboutissants, et de la faire évoluer en prenant en compte les besoins et les visions des différents acteurs (collaborateurs compris !).

11-Plus que l’adhésion à la culture de l’entreprise, ce qui compte dans le recrutement d’un candidat c’est son expérience professionnelle

Pourquoi c’est une idée reçue ?

L’expérience est en effet primordiale. Mais s’intéresser aux soft-skills, au mindset et aux envies du collaborateur permet de garantir sa bonne intégration dans le collectif ainsi qu’une adoption réussie de la culture de l’entreprise. Et nous le savons tous, une bonne expérience collaborateur c’est avant tout une intégration réussie, une reconnaissance et une place dans le collectif qui permet à l’individu de se développer. Cette adéquation entre le candidat et la culture de l’entreprise va permettre de pérenniser le recrutement et fidéliser le collaborateur : alors oui, recruter c’est bien, mais garder ce talent et le faire grandir, c’est mieux

 

Article écrit en collaboration par Juliette Massard, Doctorante en Psychologie du travail; Joséphine Boinet, Associate Expérience Collaborateur et Hugo Deschamps, Ethnologue – Expert Change & People Experience; et illustré par Aurore Collumeau, Leader People Experience chez onepoint.

 

Auteur : Hugo Deschamps

Ethnologue / Expert Change, Transformation Culturelle & Expérience Collaborateur

Auteur : Juliette Massart

Docteure en Psychologie du Travail & Consultante R&D - QVCT

Auteur : Aurore Collumeau

Leader People Experience

Auteur : Joséphine Boinet

Associate People Experience