L’éducation façonne l’individu
« L’homme ne peut devenir homme que par l’éducation. Il n’est que ce que l’éducation fait de lui. Il faut bien remarquer que l’homme n’est éduqué que par des hommes et par des hommes qui ont également été éduqués. C’est pourquoi le manque de discipline et d’instruction (que l’on remarque) chez quelques hommes fait de ceux-ci de mauvais éducateurs pour les élèves ». Traité de la pédagogie, Emmanuel Kant.
L’éducation comme moteur de progrès : le rôle de l’IA dans l’enseignement et ses implications
Et pourtant, fin novembre 2022, le monde est en alerte, OpenAI a lancé ChatGPT, un outil d’intelligence artificielle produisant un langage conversationnel particulièrement performant. ChatGPT donne non seulement l’impression d’avoir réponse à tout et de créer un véritable dialogue avec ses utilisatrices et utilisateurs, mais les réponses qu’il fournit à leurs questions sont structurées, cohérentes et pondérées.
Une semaine après le lancement de l’application, un million de personnes l’utilisaient déjà.
Les défis de l’IA : Erreurs factuelles et conceptuelles de ChatGPT
Mais il n’a pas fallu longtemps pour constater que ChatGPT commet des erreurs (dont il peut s’excuser si on les lui fait remarquer), souvent d’ordre factuel. Il ne fournit pas spontanément les sources de ses connaissances et lorsqu’il les fournit, elles se révèlent régulièrement fausses, voire inventées.
Ces sources, justement, d’où viennent-elles ? Une chercheuse du groupe Machine Learning de l’Université de Genève note que ChatGPT intègre 175 milliards de paramètres optimisés sur des textes de pages web universitaires, de blogs, de livres, et de Wikipédia, constituant un volume total qui équivaut à 750 000 de fois la Bible, ou 167 fois l’intégralité de la version anglaise de Wikipédia.
Mais pas de raisonnement derrière l’outil, lorsque l’application produit du texte, elle ne fait qu’aligner, un mot après l’autre, sans objectif prédéfini, sans plan, simplement pour que chaque mot posé respecte une cohérence statistique avec ceux qui le précèdent. Si elle écrit souvent des vérités, ce n’est qu’un effet secondaire de son objectif premier d’imitation statistique.
Mais cette ‘imitation statistique’ a atteint un niveau de qualité tel qu’il permet à ChatGPT d’écrire des textes de toutes sortes (lettres, nouvelles, poèmes, rapports, essai, dissertations…) bien mieux que la plupart des humains.
Et c’est bien tout le problème : ChatGPT, de prime abord, transpire l’intelligence et le savoir, sait s’adapter à son interlocuteur (enfant, étudiant, enseignant…) en fonction des questions, puisque l’application se nourrit de questions humaines. On peut donc supposer que le monde de l’enseignement s’empare de cet outil : les élèves pour rédiger un exposé ou un travail de fin d’étude, le personnel enseignant pour préparer des séquences d’enseignement ou faire corriger des travaux.
Les défis que rencontrent les enseignants dans l’utilisation de ChatGPT : une perspective à considérer
Interrogeons-nous sur les risques pour l’enseignement. Par construction, ChatGPT peut générer des phrases erronées. Elles peuvent être d’ordre factuel, mais aussi conceptuel. Il est donc très important de ne pas considérer les réponses fournies comme une vérité absolue. Pire que cela, l’incitation à la paresse intellectuelle que peut engendrer la machine est un fléau pour l‘esprit critique, la pensée personnelle et la profondeur de l’esprit. Nous devons rester en totale maîtrise de la machine et l’utiliser pour ce qu’elle est et ne pas lui allouer une transcendance qu’elle n’a pas.
Un autre risque non négligeable est les enseignants qui peuvent être mis à mal par les parents avec parfois des élèves peu enclins à respecter des règles, la profession enseignante pourrait subir un nouveau coup avec l’émergence de ces nouveaux outils d’intelligence artificielle. Imaginons par exemple qu’une élève ou un de ses proches demande à ChatGPT d’évaluer un travail mal noté et que l’application propose une évaluation plus favorable que la note donnée par l’enseignante ou l’enseignant : la situation pourrait vite dégénérer vers un manque de confiance vis-à-vis du corps enseignant.
L’éducation, pilier de la civilisation : exploration des possibilités de l’IA dans l’enseignement
Dans ce tableau peu réjouissant, on note des opportunités à prendre en compte. Elles sont à la fois d’ordre technique et éthique. Idéalement, ChatGPT ne devrait être considérée comme une application parmi une palette d’outils pédagogiques. Elle pourrait, par exemple, aider le corps enseignant à générer des questionnaires de compréhension d’un ouvrage lu en classe, à élaborer des exercices de mathématiques. Les possibilités sont sans doute nombreuses. Aux enseignantes et enseignants de s’en emparer. Faciliter la correction des travaux d’élèves, l’outil comme une aide – contrôlée – lors de la correction de travaux écrits rendus sous formats numériques.
L’IA et l’éducation : comment concilier innovation et préservation de l’humain dans la civilisation ?
Le rôle des enseignantes et enseignants se révélera d’autant plus essentiel dans l’accompagnement des élèves. Jusqu’à présent, ces derniers pouvaient trouver sur Internet les informations nécessaires à leurs travaux. Encore fallait-il qu’ils les assemblent de manière pertinente. Tout ce travail peut désormais être effectué, avec plus ou moins de pertinence, par ChatGPT. L’enseignante et l’enseignant ne sont déjà plus les seuls détentrices et détenteurs du savoir.
Désormais guides et phares éclairants dans la recherche et l’acquisition des connaissances des élèves, il faudra aux enseignants t assumer le rôle de celui ou celle qui interroge, qui questionne, le savoir avec eux, en les incitant à aller au-delà des réponses fournies, au-delà des évidences, et à faire preuve de davantage de subtilité et de profondeur d’esprit. Et en cela redonner de la valeur à l’enseignement et redorer le blason de l’enseignant.
La profession enseignante ne consiste-t-elle pas en grande partie à favoriser le développement de l’esprit critique chez les élèves, à encourager leur créativité, à leur donner le plaisir d’apprendre, voire de réapprendre ? L’esprit critique et le questionnement seront de plus en plus valorisés et valorisables, l’art de la question deviendrait alors plus important que celui de la réponse, car il s’agit bien ici d’un art, aller chercher dans les profondeurs de soi le désir d’aller au-delà des évidences.
Quant au cas d’usage, il est urgent que les enseignantes et enseignants puissent appréhender l’ensemble des outils similaires à ChatGPT. Les formations devront à la fois décortiquer leur fonctionnement, mais également proposer des stratégies d’utilisation. Il faudrait en outre proposer des moments de partage afin de répondre aux interrogations que se posent les enseignantes et les enseignants.
L’alchimie entre l’Humain et la machine dans l’éducation pour façonner une société éclairée
L’outil d’intelligence artificielle produisant un langage conversationnel peut s’avérer utile pour permettre aux enseignantes et enseignants de préparer des séquences d’enseignement. Il faut bien sûr que l’enseignant reste maître à bord en définissant précisément ce qu’il attend de la machine et en validant – ou pas, s’il n’est pas satisfaisant – le résultat. Dès lors, il faudrait élaborer une série de bonnes pratiques, comme un corpus d’aide à la création pédagogique, validées par des pairs, évitant au corps enseignant de se perdre dans les méandres de l’application.
L’avènement de ChatGPT nous amène à nous révéler d’autant plus à l’ère de l’IA générative de l’éducation. L’alchimie entre l’Humain et la machine peut faire bon ménage, si elle est en parfaite maîtrise et contrôle. Mais gardons toujours dans nos raisons et dans nos cœurs que l’Humain est l’épicentre de notre civilisation. Et gardons toujours à l’esprit que l’éducation par les hommes et les femmes est l’arme la plus puissante que nous puissions utiliser pour changer le monde, dans le bon sens. Chez onepoint, c’est un travail du quotidien, de revisiter des modes d’apprentissages par l’IA générative, tout en gardant bien en tête que l’Humain est le véhicule premier de l’éducation.