Manager une équipe multiculturelle : 4 piliers clés pour améliorer la performance

La collaboration interculturelle est l’un des moteurs clés des organisations contemporaines. Chez Onepoint, nous proposons des accompagnements pour une collaboration interculturelle efficace dans différentes configurations : équipes multiculturelles, équipes multi-fonctions, équipes intergénérationnelles, pour ne citer que ces exemples.

Ces types de collaborations offrent un énorme potentiel de performance. Les défis qui en découlent sont souvent aussi importants que les avantages, s’ils ne sont pas soigneusement pris en compte.

  • Par exemple : des collaborateurs peuvent avoir des difficultés à collaborer ensemble en raison de leur origine culturelle; un nouveau projet peut être bloqué dès lors qu’il touche plus d’une entité nationale; des différents intergénérationnels peuvent amener des employés expérimentés ou des plus jeunes à quitter l’entreprise.

Il est illusoire de penser que de mettre simplement dans une même équipe des collaborateurs ayant des appartenances culturelles différentes est un gage de performance. Chaque type de collaboration interculturelle a ses spécificités et les managers jouent un rôle essentiel pour assurer une collaboration réussie.

Interculturalité et performance

La digitalisation, le travail hybride et les développements technologiques nous ont propulsés dans des environnements économiques où les entreprises peuvent s’étendre à l’échelle internationale plus rapidement que jamais. Des multinationales géantes telles que Coca-Cola[i] et Danone ont mis des décennies à imprimer leur marque sur la carte commerciale mondiale. De nos jours, les jeunes entreprises comme Vinted ou Uber peuvent n’avoir besoin que d’une ou deux années.

Avec l’expansion rapide des entreprises internationales caractérisant notre époque, la gestion d’une équipe multiculturelle n’est plus l’apanage d’un petit groupe de cadres supérieurs. Les managers à tous les niveaux de l’organisation ont l’opportunité et le défi de tirer parti des avantages des équipes multiculturelles.

Les progrès technologiques ont permis matériellement de réduire les distances collaboratives entre les personnes. Cependant, ils n’ont pas supprimé les possibles « barrières » culturelles et les potentiels malentendus culturels. Une équipe multiculturelle peut générer des situations de travail sources de frustrations notamment en raison de différentes éthiques de travail, de langues et de traditions.

Ce qui nous amène à cette question fondamentale : que devraient faire les managers pour tirer le meilleur parti d’une équipe multiculturelle et ainsi favoriser une meilleure performance ?  Ci-dessous quatre piliers clés à prendre en considération en ce sens.

1 – Améliorer la prise de conscience des différences culturelles

Notre propre culture n’est pas facile à voir et à décrypter pour chacun d’entre nous. Elle peut nous sembler « intangible », mais aussi nous apparaître comme parfaitement « naturelle » à travers les processus de socialisation que nous avons traversés (famille, institutions éducatives, organisations professionnelles…). Ces derniers rendent alors nos spécificités socio-culturelles implicites. Un proverbe chinois exprime cela ainsi : « les poissons ne voient pas l’eau dans laquelle ils nagent ».

La plupart des personnes grandissent au sein d’un environnement monoculturel, où ils sont éduqués pour partager les mêmes valeurs et sont indirectement invités et encouragés à se comporter de certaines manières. Appelons ces « manières » des normes socio-culturelles.

Nous sommes rarement formellement entraînés à détecter activement les différentes normes socio-culturelles ou habitudes des uns et des autres. Nous ne sommes pas non plus formés à expliquer pourquoi nous faisons les choses de la manière dont nous les faisons. En conséquence, les personnes répondent souvent que « c’est ainsi que nous faisons les choses et c’est ainsi que nous avons été éduqués pour les faire ». Et voilà.  Mais il n’y a rien de « naturel » dans cette réponse « c’est ainsi que nous faisons les choses », c’est plutôt très « culturel » et, en tant que tel, très spécifique à chaque culture ou collectif socio-culturel.

Dans une équipe multiculturelle, différentes cultures se rencontrent, se croisent et s’entremêlent dans un réseau complexe d’interactions collaboratives, où les éléments culturels explicites et implicites sont flous.

Dans ce cas, il est important d’améliorer la prise de conscience culturelle à la fois de notre propre culture et de celle de nos collègues. Cela vise à atteindre une meilleure compréhension mutuelle et, par conséquent, à améliorer la performance organisationnelle. Cette amélioration repose sur la capitalisation des forces culturelles communes, celles où nous nous rencontrons et partageons les mêmes caractéristiques culturelles. Elle repose également sur la valorisation des forces culturelles propres à chaque groupe culturel et sur la prudence dans nos comportements professionnels lorsque nous savons que nous n’avons pas les mêmes spécificités culturelles.

Commencer par les «premiers pas»

La culture est un vaste sujet car elle est impliquée dans tout ce que nous faisons ou pensons. Pour sensibiliser à la différence culturelle, il n’est pas nécessaire de plonger dans des sujets tels que la philosophie, les croyances ou les valeurs. Les « premiers pas » peuvent avoir un grand impact.

  • Par exemple, la relation que chaque culture entretient avec la notion du temps. Vous pourriez dire que le temps est un fait universel. Cependant, le concept du temps – et l’expérience que l’on peut en avoir – diffère d’une culture à l’autre. En Asie de l’Est, par exemple, les personnes ont tendance à avancer leur montre. Lorsqu’ils ont un rendez-vous à 10 heures, ils arrivent avant 10 heures pour montrer leur respect. Dans d’autres cultures, le temps est perçu comme plus flexible. Ainsi, dans certaines entreprises belges, il est souvent acceptable d’avoir jusqu’à 15 minutes de retard !

Cela ne signifie pas qu’une culture est meilleure que l’autre, du point de vue de la perception et des comportements liés au temps, puisqu’elles sont simplement différentes. Il s’agit ici d’adopter un principe clé de l’anthropologie : le relativisme culturel.

Il existe de nombreux outils qui peuvent vous aider à comprendre différentes cultures, tels que les outils de comparaison de la culture d’un pays créés par Geert Hofstede[ii] ou un outil de cartographie de la culture créé par Erin Meyer[iii].

Peu importe l’outil que vous utilisez pour développer vos connaissances sur les différentes cultures, il est important de se rappeler que la culture n’est pas universelle. Quelqu’un peut vous dire qu’un retard de 15 minutes n’est pas acceptable, alors qu’une autre personne, ayant une perception plus flexible du temps selon sa culture, peut vous dire qu’elle est en avance.  Chacune à raison de son point de vue, aucune du point de vue de l’autre.

Éviter les stéréotypes et les préjugés

Au stade initial de la sensibilisation culturelle, les personnes ont souvent tendance à tomber dans les stéréotypes. Particulièrement pour les cultures que vous ne connaissez pas bien, vous pourriez avoir tendance à demander à un collègue qui a eu une expérience avec des personnes de cette culture. Cependant, cela pourrait entraîner la réception d’informations biaisées, contribuant ainsi à une perception culturelle stéréotypée.

Bien que cela puisse sembler être un raccourci, si vous vous fiez uniquement à ces informations potentiellement biaisées, vous pourriez courir le risque d’adopter des stéréotypes pour étiqueter les membres de l’équipe. Cela pourrait également influencer vos interactions de collaboration avec des préjugés.Cela ne semble pas très opportun en termes de collaborations professionnelles produisant de la qualité et de la performance, n’est-ce pas ?

2 – Favoriser un mindset interculturel

Savoir quelles sont les différences culturelles ne signifie pas que vous avez un mindset interculturel. Parfois, même si vous savez qu’il y a quelque chose de culturellement différent chez l’autre, vous pouvez toujours avoir une mentalité monoculturelle.

L’une des phrases les plus courantes que nous entendons de la part des managers dans les formations que nous dispensons sur les sujets d’interculturalité est la suivante : « je sais qu’il y a des différences, mais cela n’a pas d’importance car ma manière de manager est la clé de mon succès ».

Ce type de méprise ne contribue pas à tirer parti des avantages d’une équipe multiculturelle. Au contraire, cela peut créer des tensions ou des conflits inutiles. Les membres d’une équipe peuvent alors avoir l’impression d’être ignorés dans leurs spécificités culturelles et ils peuvent même le voir comme un signe de rejet. Concevoir que votre culture est centrale et doit s’appliquer à tous va à l’encontre des bénéfices de la collaboration multiculturelle.

L’Inventaire du Développement Interculturel[iv] de Hammer, Bennett et Wiseman défini cinq perspectives dans le continuum du développement interculturel, qui décrit les orientations face aux différences culturelles.  Celui-ci va des mentalités monoculturelles de déni et de polarisation, à l’orientation de transition de minimisation jusqu’aux mentalités interculturelles d’acceptation et d’adaptation.

Cela fournit une bonne référence pour évaluer votre position et celle des membres de votre équipe au regard de l’interculturalité.

Cependant, il convient de noter que le rapport à l’interculturalité dans la vie réelle des quotidiens professionnels ne suit pas une croissance linéaire.  Les attitudes peuvent s’adapter plus ou moins rapidement en fonction des situations, et c’est pourquoi une période de coaching est généralement nécessaire.

3 – Développer des compétences de leadership sensibles aux différences culturelles

Dans les organisations, les managers sont responsables de la direction et de l’engagement des collaborateurs pour atteindre les objectifs. Dans un contexte multiculturel, prendre en considération les différences culturelles dans la manière dont vous dirigez et engagez peut faire une différence significative.

Être un médiateur culturel

Dans les équipes multiculturelles, les managers ont un rôle clé : celui de médiateur culturel. Pour engager et favoriser la performance, vous devez vous intéresser davantage à la connaissance des membres de votre équipe du point de vue culturel.

  • Par exemple, encouragez-les à parler de sujets liés à la culture, à partager leurs expériences ou quelques chocs culturels qu’ils ont pu avoir dans leurs environnements de travail.  Ces échanges peuvent vous aider à établir la confiance et la compréhension mutuelle au sein d’une équipe multiculturelle.

Adapter les activités de gestion

Les compétences de leadership sensibles à la culture peuvent également être développées en adaptant vos activités de gestion quotidiennes. En tant que manager expérimenté, vous avez déjà organisé de nombreuses réunions d’équipe. En ajoutant le contexte international, vous devez certainement aller plus loin. Différentes cultures peuvent définir ce qu’est une bonne réunion de différentes manières.

  • Par exemple, aux États-Unis, il est plus courant de suivre les points de réunion et de prendre des décisions à leur sujet. En France, avoir la possibilité de partager des opinions ou de débattre est essentiel lors d’une réunion, ce qui peut parfois conduire à des réunions sans décision en sortie ! En Chine ou au Japon, les décisions se prennent généralement avant une réunion, de sorte que la réunion est l’occasion pour les personnes d’approuver officiellement les décisions déjà convenues.

En tant que manager d’une équipe multiculturelle gérant de telles réunions impliquant différentes cultures, il est préférable d’être clair sur ce que vous attendez de chaque réunion et de fixer des attentes aux participants avant le début de la réunion.

La dernière chose que vous voulez dans une réunion, c’est que les participants passent beaucoup de temps ensemble, mais n’obtiennent pas les résultats souhaités.

4 – Créer un environnement culturel inclusif

Lorsque nous parlons d’inclusion au sein d’une organisation, il ne s’agit pas seulement de la question du genre ou de l’orientation sexuelle. Pour attirer et retenir des talents internationaux, il est essentiel de créer un environnement culturellement inclusif pour qu’ils se sentent à l’aise, reconnus et impliqués.

Certaines entreprises pensent qu’elles ont un environnement inclusif du point de vue culturel en ayant une langue officielle commune (comme l’anglais, par exemple). Eh bien, ce n’est pas forcément le cas !

Simplifier la communication

Dans un contexte multiculturel, même si les personnes parlent la même langue, ils l’utilisent en fonction de leur propre style de communication, fortement influencé par leur culture d’origine.

Une même phrase peut être interprétée de différentes manières. Parfois, il peut y avoir un message caché ou une signification implicite derrière les mots. Dans certains cas extrêmes, vous pourriez même avoir besoin d’un traducteur !

  • Par exemple, quand un Canadien dit « c’est beau », cela signifie « tout va bien ». Pour un Français, cela signifie « c’est magnifique »[v]. Vous pouvez également imaginer qu’au cours d’une réunion d’affaires, quand un ressortissant français dit en anglais « when the cat is not there, mouses dance » (quand le chat n’est pas là, les souris dansent), sans explication, quel pourrait être le désarroi des collaborateurs issus d’autres milieux culturels.
Guide de traduction Anglo-Néerlandais[vi]

 

En tant que manager d’une équipe multiculturelle, il est essentiel de rendre votre communication aussi simple et explicite que possible, en laissant le moins de place à l’interprétation.

Valoriser les différences culturelles

Valoriser les différences culturelles au sein de votre équipe est également un excellent moyen de créer un environnement inclusif. La plupart du temps, lorsqu’une équipe est multiculturelle, il y a généralement une culture « majoritaire », et c’est cette dernière qui prend le dessus.

Valoriser les différentes cultures au sein d’un groupe peut aider à briser cet effet de culture « majoritaire » et aider chaque membre de l’équipe à trouver sa place et sa valeur au sein de l’équipe.

Une équipe est forte en raison de sa nature multiculturelle, quelle que soit la répartition des différentes cultures. Vous pouvez, par exemple, promouvoir la valeur d’une équipe multiculturelle de manière formelle en faisant des annonces lors de réunions officielles ou de manière informelle en organisant des activités décontractées autour de sujets culturels.

Des premiers pas

Comme nous l’avons vu, les équipes multiculturelles peuvent être une source de performance. Cependant, lorsque la diversité de l’équipe n’est pas bien prise en considération, la multiculturalité au sein d’une équipe peut aussi devenir une grande faiblesse.

Les entreprises qui sont prêtes à investir dans leurs équipes multiculturelles réussiront certainement mieux que les autres. Alors, pourquoi ne pas commencer en appliquant les recommandations ci-dessus dans vos activités de manager au quotidien ?

  • [i] THE COCA COLA COMPANY. A Short History of The Coca Cola Company – 125 years of sharing happiness. Disponible sur : https://www.coca-colacompany.com/content/dam/company/us/en/about-us/history/coca-cola-a-short-history-125-years-booklet.pdf (consulté en octobre 2023)
  • [ii] DELLNER Anja. Cultural Dimensions: The Five-Dimensions-Model according to Geert Hofstede (2014). Grin Verlag
  • [iii] MEYER Erien. The Culture Map (2014). PublicAffairs
  • [iv] HAMMER Mitchell R., BENNETT Milton J. & WISEMAN Richard. Measuring intercultural sensitivity: The Intercultural Development Inventory (2003). International Journal of Intercultural Relations
  • [v] FLUENTU. Québécois French vs. French: 17 Important Differences, from Pronunciation to Unique Words (by Melody Tabatabaian). Disponible sur : https://www.fluentu.com/blog/french/quebec-french/ (consulté en octobre 2023)
  • [vi] LABOUR MOBILITY. Anglo – Dutch Translation Guide. Disponible sur : https://www.labourmobility.com/anglo-dutch-translation-guide/ (consulté en octobre 2023)

Auteur : Siyuan GE

Associate People Experience.