Office Life : une philosophie pratique de l’Expérience Collaborateur

Introduction de la série

Office Life

« Expérience Collaborateur » : voilà une expression régulièrement entendue dans les propos tenus sur les organisations du travail contemporaines, ou du moins par et à propos de celles aspirant à l’être.  On peut je crois dans un premier temps définir cela par « expérience du travail vécu tel qu’organisé dans et par un collectif ».

On peut sans doute aussi d’abord s’interroger sur ce que l’on entend par « expérience » et voir vers quoi cela nous engage.  Allons-y donc, interrogeons-nous et voyons quels éclairages nous en tirons sur le programme et la méthode qui instruirons cette nouvelle série de publications : « Office Life : une philosophie pratique de l’Expérience Collaborateur ».

« Vivre, c’est changer du temps en expérience. » C. Gattegno

Experiri

Le mot « expérience » est emprunté du latin « experientia », dérivé de « experiri »« éprouver », i.e. « faire l’essai de ».  Brunetto Lattini nous en dit davantage en précisant que l’on parle de « connaissance acquise par la pratique »[1].  Voilà donc entendue une première version de l’affaire : on parle d’empirisme.

Puis Blaise Pascal nous aide à aller plus loin en indiquant qu’il s’agit du « fait de provoquer une observation dans l’intention d’étudier certains phénomènes »[2].  Ainsi l’affaire se précise : on parle donc de « science empirique », ce que la philosophie présente ainsi : une connaissance acquise soit par les sens, soit par l’intelligence, soit par les deux, et s’opposant à la connaissance innée impliquée par la nature de l’esprit.  Ou encore, si vous préférez, une connaissance s’opposant aux évidences convenues, au « bon sens », aux lieux communs.

Brunetto Lattini, ca. 1526  et  Blaise Pascal, ca. 1663 ©

Autrement dit, car déjà il est temps d’atterrir, par « expérience collaborateur » on doit entendre et comprendre : une science par empirisme (via les sens et/ou l’intelligence) du travail vécu et organisé dans et par un collectif.  On peut j’imagine aussi faire plus simple et se dire qu’il s’agit en partie de la pratique du fameux « Walk the Talk » appliqué aux organisations du travail, ce que onepoint fait déjà depuis plusieurs années en y puisant les enseignements de l’évolution de son modèle organisationnel, en faisant vivre et évoluer ce que cela produit comme « expérience collaborateur », et en proposant à ses clients les fruits de ces savoirs pratiques et pratiqués.

Aux sources du programme

C’est ainsi que s’affirment devant nous les premières composantes du programme qui caractérisera la série de publications « Office Life » : analyser la notion « d’expérience collaborateur » en prenant pour point de départ des vécus de travail en collectif organisé afin d’en extraire l’essence des phénomènes observés par le prisme conceptuel de penseurs de la philosophie et des sciences humaines et sociales.

L’ensemble s’inscrivant dans la finalité suivante, qui est celle à laquelle nous invitent le pragmatisme et l’utilitarisme de nos activités de consultant : en livrer des enseignements pratiques d’un point de vue individuel pour le collaborateur et / ou d’un point de vue organisationnel pour les collectifs de travail concernés.  En somme : « une philosophie pratique de l’Expérience Collaborateur ».

A ce stade, on peut légitimement se demander pourquoi se livrer à un tel exercice ?  Cela procède de plusieurs constats, que vous allez découvrir à l’instant.

Question de faire l’expérience du premier constat, je vous invite à aller sur un moteur de recherche en ligne et à faire une requête avec les mots « expérience collaborateur »[3], puis à cliquer sur quelques-uns des liens que vous proposera le moteur de recherche et à lire les contenus proposés.  Qu’observez vous ?  Des contenus convenus ?  Des propos répétitifs ?  Des lapalissades ?  Des additions d’évidences ?  Un manque de profondeur dans le propos ?  Des styles de rédaction qui sont tellement semblables qu’on pourrait croire qu’un robot a été à la manœuvre ?  Des lieux communs ?  Exactement !

Difficile de ne pas se l’avouer : il y a une forme d’aseptisation dans le fond (les catégories descriptives et analytiques) et dans la forme (le style de l’expression écrite pour exprimer le propos) des questionnements, des termes et des analyses que les acteurs de l’univers politico-médiatico-économique s’intéressant aux organisations du travail utilisent pour parler de celles-ci[4].  Où sont passés l’originalité, la singularité, voire la radicalité ?  Mais où est donc cachée la capacité à penser au-delà des évidences ?  Elle a eu peur d’être mangée par l’idéologie ambiante ou par la peur du risque ?  Probable.  Bref, je cherche tout cela, peut-être que vous aussi, mais je ne trouve pas.  

De « lieux communs »…

Poursuivons avec le second constat.  On refait le même exercice sur le moteur de recherche, donc si les pages web sont encore ouvertes dans votre fureteur pas besoin de refaire, sinon vous refaites.  Et là prenons un regard un peu différent en se demandant ceci : quelle est la nature des contenus proposés par le moteur de recherche ?  Ne cherchez pas trop longtemps, je vais vous le dire tout de suite, il s’agit très largement de commentaires sur l’actualité « expérience collaborateur » et de points de vue sur les tendances en « expérience collaborateur ».  Je ne doute pas que cela puisse être utile, mais avant[5] de commenter des tendances, à quel moment nous sommes nous intéressés à l’essence même de « l’expérience collaborateur », i.e. à la nature même de ce dont il est question ?  Ma réponse ?  A aucun moment.

…en « lieux communs »

Sans doute peut-on en partie expliquer le second constat par un troisième : dans les représentations sociales occidentales, on conçoit souvent la philosophie et les sciences humaines et sociales – qui dans leurs fondements premiers s’intéressent intrinsèquement davantage à l’essence plutôt qu’aux tendances – comme appartenant à un monde distinct de celui de l’entreprise, comme ne s’y appliquant pas ou difficilement.  On pense que théorie et pratique sont deux typologies d’activités distinctes et irréconciliables, on les pense en discontinuité, en frontières, en limites à ne pas franchir.   Eh bien pensons autrement, pensons les liens, les continuités, les convergences, les domaines d’applications.

Eléments de méthode

Fort du propos précédent, et notamment des constats dont on vient de faire état, il nous est possible de poser une méthode[6] pour aller au-delà des évidences sur cette fameuse notion « d’expérience collaborateur ».

Premièrement, on a dit qu’il s’agissait de « connaissance acquise par la pratique ».  De cela il découle que chaque article de la série « Office Life » devra avoir pour point de départ une mise en récit de vécus de collaborateurs en entreprise.  Autrement dit, il s’agira de « provoquer une observation dans l’intention d’étudier certains phénomènes ».

Deuxièmement, il a été constaté que plusieurs des contenus produits sur « l’expérience collaborateur » sont « aseptisés », sans relief sur le fond (les catégories descriptives et analytiques) et dans la forme (le style de l’expression écrite pour exprimer le propos).  Ainsi, il conviendra d’identifier des catégories descriptives et analytiques (des concepts) permettant de faire un pas de côté dans l’analyse des catégories expérientielles de « l’expérience collaborateur »Mais quelles sont les catégories expérientielles de l’expérience collaborateur d’ailleurs ?  De quelles typologies d’expériences parle-t-on ?  Nous veillerons à y répondre, par étapes, en respectant un principe simple : un concept pour chaque article, la série étant ouverte dans le nombre des productions qu’elle délivrera.  Enfin, sur la forme, la relative liberté de ton qui caractérise le présent propos nous accompagnera pour la suite.

Troisièmement, il ne sera pas question de faire ici des commentaires sur l’actualité de « l’expérience collaborateur » ou encore de donner des points de vue sur les tendances en « expérience collaborateur ».  Ce dont il sera question sera de s’appuyer sur des penseurs de la philosophie et des sciences humaines et sociales pour extraire et analyser l’essence des phénomènes observés.

Quatrièmement, riche des analyses de l’essence des phénomènes observés, nous présenterons des enseignements pratiques d’un point de vue individuel pour le collaborateur et / ou d’un point de vue organisationnel pour les collectifs de travail concernés.

 

Voilà pour le programme, voilà pour la méthode, la mise en œuvre desquels nous permettra d’élaborer un corpus conceptuel et pragmatique concernant l’essence de « l’expérience collaborateur », en adressant ce que cela dit comme possibilités, et en élaborant sur ce que cela peut ouvrir comme promesses, au-delà des lieux communs, au-delà des évidences.

[1] Lattini, B., Livre dou Trésor, éd. Carmody, II, XXXI, 24 (ca. 1365)

[2] Pascal, B., Traité de la pesanteur de la masse de l’air, ds Œuvres complètes, éd. L. Lafuma, p. 245) (ca. 1663).

[3] Vous pouvez utiliser d’autres mots tels que « collaboration », « engagement », « bien-être au travail », etc.

[4] Quelques exemples d’évidences et de lieux communs incessamment ressassés, qui demeurent par ailleurs valables dans leurs fondements et finalités : « donner du sens », « mettre l’humain au centre », « co-construire avec les parties prenantes », « mettre en place des démarches d’écoute régulière »… et tant d’autres.

[5] Ou en complément.

[6] Précision : il ne s’agira pas ici de faire œuvre de science stricto sensu.

Crédits images

https://www.royalacademy.org.uk/art-artists/work-of-art/ser-brunetto-di-buonaccorso-latini

https://www.parismuseescollections.paris.fr/fr/musee-carnavalet/oeuvres/portrait-presume-de-blaise-pascal-1623-1662-savant-et-ecrivain#infos-principales

Auteur : Hugo Deschamps

Ethnologue / Expert Change, Transformation Culturelle & Expérience Collaborateur