Quelles sont les promesses du business model par abonnement ?

Le marché de l’abonnement ne cesse d’évoluer, de se réinventer et de se révolutionner. Les nouvelles propositions affluent et les entreprises sont en cadrage actif de nouvelles offres reposant sur ce modèle économique prometteur.

 

Néanmoins, dans le même temps, plusieurs grandes marques se sont essayées à ce modèle (Nike, Bic, Kindy, Sephora) pour au final l’abandonner.

 

Parmi l’ensemble des business models existants, celui de l’abonnement est certainement l’un des plus recherchés.

Découvrez le regard de Eric GALLARDO – Associé onepoint en charge de l’expertise « Marketing & Expérience Client ».

Plébiscité par les consommateurs, le modèle de l’abonnement est considéré aujourd’hui comme un véritable vecteur de croissance. Il offre en effet l’avantage de générer des revenus réguliers et plus prévisibles au-delà du court terme. Il permet aussi d’anticiper précisément l’évolution de ses Opex, avec des Capex limités et délimités au départ et d’améliorer sensiblement ses cash flows.

Mais, si l’abonnement semble naturel pour les prestations répétitives et calibrées de mois en mois (forfait mobile ou salle de sport par exemple), il l’est moins pour les consommations qui peuvent certes être régulières mais néanmoins sporadiques et évolutives en fonction des envies.

L’abonnement est un contrat entre un fournisseur et son client pour la livraison régulière ou la mise à disposition de produits ou services en échange d’un paiement régulier et forfaitaire

En quelques faits et chiffres :

  • Le marché de l’abonnement en France progresse au rythme d’une croissance à deux chiffres
  • 85% des consommateurs européens ont souscrit à au moins un abonnement
  • Les français comptent en moyenne 5,4 abonnements par personne

Selon une étude Que Choisir en novembre 2020, la facture moyenne des abonnements pour un foyer français s’élève à 1.732 euros par an.

les promesses et la folle croissance de l’abonnement

Les abonnements digitaux représentent 900 euros par an, soit plus de la moitié des abonnements.

Au regard de la situation observée aux Etats-Unis, souvent précurseurs de comportements d’achat, le potentiel de progression demeure important. En effet, le montant moyen des abonnements consacrés aux abonnements par les foyers américains s’élève à 2.800 euros par an sur une palette de services plus large et plus diversifiée.

les promesses et la folle croissance de l’abonnement

Une solution recherchée par le client

L’abonnement correspond parfaitement aux changements de comportements du consommateur, de plus en plus orientés vers l’usage que vers la possession. Ceci écarte ainsi toutes les questions liées à la valeur résiduelle de l’objet acheté pour les plus hauts de gamme ou onéreux d’entre eux.

L’abonnement a ainsi, par sa focalisation sur l’usage, « disrupté » de nombreuses industries. Peu de consommateurs considèrent aujourd’hui important de posséder un DVD, mais la plupart valorisent l’expérience d’apprécier un bon film. Cet exemple peut également s’observer sur un grand nombre d’autres secteurs comme la musique ou l’automobile et peut se répandre à terme sur l’habillement, la restauration ou les cosmétiques.

Le business model par abonnement :  ça roule pour Fiat !

Pour certains achats, comme par exemple celui d’un véhicule, les lourdeurs administratives ou la nécessité de recourir à un crédit bancaire peuvent être importantes et disparaissent en partie ou sont facilitées via l’abonnement.

Les promesses et la folle croissance de l’abonnement

Crédit : labonnementfiat

A l’instar d’autres marques automobiles, Fiat a lancé en avril 2022 une formule d’abonnement pour la Fiat 500 électrique, avec une vente 100% en ligne via un espace dédié. En quelques clics, le client pourra découvrir la voiture et l’offre, choisir le forfait le plus adapté puis sélectionner le distributeur où il sera livré et enfin valider sa commande et payer.

L’abonnement permet alors de passer outre un coût d’acquisition qui peut être trop important. C’est naturellement le cas pour le logement. Cela peut également l’être pour d’autres achats onéreux comme le vélo électrique par exemple, qui fonde le succès de Veligo en Ile-de-France proposé par La Poste.

Les promesses et la folle croissance de l’abonnement

Crédit : Véligo location

Veligo est la première offre à proposer de louer un vélo à assistance électrique à 40 euros par mois maximum. Une solution intéressante pour les usagers qui hésitent souvent avant d’investir dans ce type de matériel. Une formation par tuto ou vélo école permet même aux débutants d’aborder les pistes cyclables en toute sérénité.

Les consommateurs ne souhaitent plus acheter un produit pour une trop longue période. Ils préfèrent, dans de nombreux cas (même si l’exception d’Apple semble confirmer la règle), retourner des produits un peu datés en échange de versions plus récentes. L’abonnement leur permet alors de faciliter l’usage à un prix plus abordable, autrefois inaccessible du fait de prix très élevés pour des offres nouvellement mises sur le marché.

Quand la Maison de la Literie vous propose de s’abonner à ces matelas

La Maison de la literie a lancé une offre en ce sens en proposant un matelas en contrat de location avec option d’achat. L’offre de Maison de la literie porte sur un engagement de 6 ans. À cette échéance, le matelas peut être échangé contre un modèle neuf et le contrat se renouvelle alors dans les mêmes termes, ou le client peut décider d’en devenir propriétaire en payant 5 % de son prix TTC.

Paradoxalement, le recours à l’abonnement confère au consommateur le sentiment d’une plus grande liberté, avec l’omission de tous les freins liés à la propriété et l’ensemble des avantages que peut proposer l’abonnement : possibilité d’essayer différentes offres ou d’en changer, de mettre en pause voire d’annuler puis de reprendre son abonnement.

Outre le coût d’acquisition, la location permet d’effacer ou a minima de lisser et de minorer les coûts de maintenance liés à la possession d’un bien matériel, souvent peu prévisibles et incertains.

Les différentes formes d’abonnement

Quatre types d’abonnement sont généralement proposés :

  • Les abonnements de réapprovisionnement : ils permettent à l’abonné d’automatiser l’achat de produits de consommation courante comme les rasoirs, les capsules de café ou les cartouches d’imprimante.
  • Les abonnements de découverte ou de passion. Ils sont souscrits pour le plaisir d’être surpris de mois en mois. La cosmétique ou les repas à domicile s’y essaient par exemple.
  • Les abonnements pour des prix bas ou de réduction qui donnent accès à des prix avantageux voire à des remises exceptionnelles. Les grands distributeurs ont largement investi cette option.
  • Les abonnements de nécessité ou obligatoires car aucune autre formule n’est proposée comme la téléphonie mobile ou l’assurance par exemple.
Les promesses et la folle croissance de l’abonnement

Les abonnements de réapprovisionnement (café, lames de rasoirs, couches…), outre la récurrence des revenus, offrent aux marques l’avantage de se libérer en partie des circuits traditionnels de la distribution, de vendre en direct, de récupérer plus de marge et de créer une relation plus personnelle avec le client (et ainsi mieux le connaître).

Les promesses et la folle croissance de l’abonnement

Les principales enseignes de la distribution ont pour la plupart lancé récemment des abonnements permettant d’accéder à des réductions de prix.

Rares sont encore celles qui proposent, via abonnement, des offres à prix avantageux sur les achats récurrents assorties de services de réapprovisionnement, en facilitant le réachat. L’objectif étant à terme d’offrir une relation personnalisée avec toujours plus de services pour faciliter leur quotidien.

 

L’exemple de la start-up Poiscaille

Les promesses et la folle croissance de l’abonnement

Crédit : Poscaille

Cette plate-forme aux 25 000 abonnés livre coquillages et poissons quarante-huit heures au maximum après leur sortie des eaux. Pêchés le long des côtes françaises selon des pratiques durables, ils ne coûtent pas plus cher que dans une poissonnerie de qualité.

Concrètement, les clients abonnés sélectionnent sur la plate-forme un casier (d’un kilo de poisson ou de deux kilos de coquillages, ou un mélange, selon les arrivages), soit un repas pour deux à trois personnes. Les formules hebdomadaires (19,90 euros le casier), par quinzaine (22,90 euros) ou par mois (24,90 euros) – le montant varie en fonction de la fréquence, pas des quantités –, sont sans engagement et flexibles avec une possibilité de pause pour absence. Le tout est naturellement complété de propositions de recettes de cuisine.

Pour les distributeurs, la voie du « retail as a service »

Le Retail as a Service offre aux distributeurs, physiques ou digitaux, de créer des capsules d’expérience, physiques ou digitales en se concentrant sur le service au-delà des ventes, dans une approche plus porteuse de sens et moins transactionnelle.

Le concept se répand rapidement à partir du constat que les exigences et besoins des consommateurs sont en mutation, que le client attend plus qu’un simple acte d’achat dans sa relation avec une marque. Le fait est largement partagé aujourd’hui que le consommateur recherche en priorité une solution à son besoin plus que l’acquisition d’un produit en lui-même.

“For an increasing number of customers, Walmart will be seen more like a service” – Doug McMillon – CEO de Walmart

L’expérience, l’émotion et la relation sont clés, dans le même temps où le commerce en ligne a pu faciliter l’acte d’achat mais en diminuant le facteur plaisir lors de celui-ci.

Le Retail as a Service consiste alors en une réinvention des magasins traditionnels, dans lesquels plusieurs distributeurs ou plusieurs marques promouvaient leurs produits dans un même espace partagé.

La principale différence est, plutôt que de se concentrer en priorité sur la gestion des stocks, le merchandising et la vente en dur, ces nouveaux espaces s’orientent plus alors vers l’immersion du client et son attachement à la marque. Il peut au final y avoir moins de produits sur étagère mais l’histoire racontée par cette nouvelle forme de distribution s’en trouve renforcée et le personnel en contact devient plus « acteur » qu’« assistant » ou simple vendeur.

Dans l’autre sens, des distributeurs purs digitaux atteignent les limites de leur croissance avec leur modèle économique actuel. Ils cherchent à investir l’espace physique mais sans les coûts de structure et les habitudes de la distribution traditionnelle, en apportant plus de services via abonnement.

Les promesses et la folle croissance de l’abonnement

Cette approche présente plusieurs avantages :

  • Proposer des services complémentaires aux clients
  • Enrichir une relation enseigne / client plus continue et régulière, et par effet induire la fidélisation
  • Générer des revenus complémentaires par le cross selling et l’upselling
  • Créer des envies d’achat en magasin ou en ligne
Les promesses et la folle croissance de l’abonnement

Crédit : decathlon-training-plus

A l’instar de Décathlon qui, par son e-club, est parti de son cœur de métier, le sport, pour proposer des services complémentaires directement en lien avec son image et son savoir-faire (des cours de fitness en direct et en ligne via abonnement), différentes enseignes adoptent la même démarche.

Le model par abonnement : un business model adapté à tous les secteurs ?

Pour aider à identifier des potentiels d’abonnement, une matrice croisant valeur pour le client ou profondeur de l’offre et fréquence des achats peut être utilisée.

es promesses et la folle croissance de l’abonnement

La lecture de la position des secteurs, indiqués ici pour illustration, est riche d’enseignements :

  • Plusieurs secteurs peuvent se développer sur des formules d’abonnement comme la distribution ou les jouets
  • La distribution, un secteur qui dispose d’informations uniques et détaillées sur ses clients (achats, catégories, fréquences, profils des clients…) pourrait aisément créer de nouveaux business models via l’abonnement, notamment celui de réapprovisionnement avant celui de l’abonnement pour la réduction des prix, qui demeure le modèle dominant
  • La distribution des jouets – ou plus généralement la proposition de services ou de produits destinée aux enfants et aux adolescents – pourrait aisément proposer un abonnement suivant l’évolution de l’âge de l’enfant, avec plusieurs thématiques (culturel, super héros…) et des propositions différenciées aux dates clés (anniversaire, Noel…). Il en est de même pour les vêtements pour enfant, à l’instar de l’initiative testée par Nike mais arrêtée depuis.
  • Des secteurs s’essaient à l’abonnement mais le modèle n’est pas encore généralisé. Des positions demeurent encore à prendre pour les cosmétiques, l’habillement ou la restauration par exemple
  • La formulation d’une proposition de valeur forte permet d’accroître l’appétence du client pour une formule d’abonnement. Plus l’abonnement semble contraint et avec une valeur ajoutée minimale, moins l’offre d’abonnement aura des chances de rencontrer un succès commercial. La proposition d’un abonnement ne peut simplement se limiter à servir les intérêts seuls de l’entreprise par le « cadenassage » du client.
  • Une activité peut cumuler plusieurs modèles économiques comme c’est le cas de l’automobile par exemple. Peuvent s’ajouter une vente à l’unité, un abonnement, un leasing, un contrat de maintenance, un « pay as ou get » pour le divertissement en mobilité… Dans cet univers, l’abonnement se révèle être plus flexible avec l’absence des risques et pénalités du leasing.
  • La tendance de la « slow » consommation (slow fashion…) peut se cumuler à une économie de la reprise d’objets, de remplacement et de l’occasion. Le croisement de plusieurs modèles économiques est souvent bénéfique pour le client car il répond à la diversité de ses aspirations
  • Des conditions réglementaires peuvent s’appliquer puis contraindre la génération de nouveaux modèles économiques, comme pour les médicaments ou les vins et spiritueux. Mais des abonnements sur la réception mensuelle de bouteilles de vin sont déjà en œuvre (Le petit ballon par exemple avec 135.000 abonnés et 20M€ de chiffre d’affaires).
  • Des modèles anciens sur des abonnements se sont taris, issus d’une époque précédente. La vente de livres en abonnement par exemple avec France Loisirs. Mais un renouvellement du modèle, plus moderne, plus ciblé, demeure toujours possible et peut donner une position de précurseur à un nouvel entrant imaginatif.
  • Deux variables peuvent être considérées pour proposer un modèle d’abonnement : la longue durée de l’achat (automobile par exemple) ou la fréquence d’achat de produits à durée limitée (cosmétiques, consommables…)

L’expérience testée puis interrompue du Nike Adventure Club en 2019

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Crédit : nikeadventureclub

La croissance des enfants est un problème pour tous parents souhaitant habiller leur enfant. La taille des pieds grandissant à vitesse grand V, le montant consacré à l’achat de chaussures peut s’avérer élevé.

Allant de 2 à 10 ans, le Nike Adventure Club fonctionnait par niveau. En effet, Nike a  en mis en place trois différents niveaux permettant aux parents d’obtenir entre 4 paires par an pour le premier niveau, jusqu’à 12 paires par an pour le troisième et dernier niveau.

En échange d’un montant forfaitaire par mois, le géant de l’équipement sportif expédiait au client jusqu’à une nouvelle paire de chaussures par mois, choisie parmi une sélection de 100 modèles de Nike et de Converse. Le colis était agrémenté de stickers, d’activités et de jeux pour les enfants.

L’abonnement peut alors présenter également l’avantage de cibler et de captiver des consommateurs dès leur plus jeune âge.

Ainsi, Nike soulignait que cette formule permettait de forger une relation avec des enfants à partir de leurs 2 ans et de construire une bonne image de la marque.

C’est également la raison pour laquelle Netflix soigne ses offres familiales et tolère le partage de comptes : les enfants pouvant être de futurs clients.

L’évaluation de l’intérêt pour l’abonnement

La transition d’un modèle classique centré sur la vente unitaire de produits et services vers un modèle d’abonnement contient de nombreux défis : vente et formation des commerciaux, organisation, processus de l’enregistrement client à sa facturation, SAV et traitement des réclamations…

Il est alors nécessaire d’évaluer, parmi les critères d’aide à la décision, la performance attendue d’une telle mutation intégrant les indicateurs du nouveau modèle.

Pour cela, il est courant d’utiliser le ratio « valeur vie client » (VVC ou lifetime value) sur « coût d’acquisition client » (CCA). Ce ratio permet de mettre en exergue la santé d’un marché d’abonnement et son attractivité.

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Une tendance porteuse pour l’abonnement

Les individus semblent aujourd’hui davantage intéressés par l’usage d’un produit que par sa possession. Cette tendance s’observe d’autant plus sur les plus jeunes générations.

Le prix et la qualité du produit ou du service sont nécessaires mais non plus suffisants. La flexibilité, la simplicité et même l’émotion ou la surprise sont des critères de fidélisation critique dans l’expérience attendue par les consommateurs.

Quand le contexte économique se durcit, l’abonnement présente aussi l’avantage pour le client de mieux prévoir et planifier son budget. Il y a moins d’achats spontanés ou de dépenses erratiques. Les charges sont fixes de mois en mois.

Mais les GenY et GenZ ne privilégient pas toujours l’usage en priorité sur la possession par conviction et expression de valeurs. La capacité financière (moyens financiers pour acheter ou non) intervient souvent. Ainsi, la proposition de valeur pour légitimer le recours à l’usage plus qu’à l’achat doit être forte, claire, tangible et assortie de services et de sur-mesure.

L’explosion du digital, accéléré par la période de pandémie, a naturellement renforcé la pertinence et la mise en œuvre de l’abonnement. Quand un consommateur visite un site Internet d’une marque, opte parfois pour des services ou informations complémentaires, renseigne ses données personnelles et bancaires, il s’agit là alors des prémices d’une forme d’abonnement.

L’abonnement ne peut plus se concevoir dans le seul intérêt, parfois égoïste de l’entreprise, au regard de l’eldorado de revenus longs termes et réguliers. Il doit apporter une valeur supplémentaire par rapport à une offre « spot ».

Dans ce sens, les abonnements simplement portés par un prix bas ou la simple commodité du réapprovisionnement pourraient ne pas perdurer longtemps sans proposition nouvelle et unique de valeur complémentaire.

Aussi, l’abonnement est porté par le développement des technologies numériques, les facilités de paiement sécurisées sur Internet ou la gestion automatisée des contrats par exemple.

Le développement des offres « as a service » confortent la tendance. Ces offres présentent de nombreux avantages pour l’utilisateur qui bénéficie d’une solution personnalisée et flexible.

Ainsi, l’économie de l’abonnement est en plein essor et conquiert chaque jour de nouveaux marchés.

Les avantages d’un abonnement « non naturel » pour le client

Les cinémas ont, en leur temps, ouvert la voie avec les cartes « illimitées ». Le principal intérêt pour le spectateur de cet abonnement était prioritairement le prix. Le billet d’une place de cinéma ne cessait d’augmenter et les aficionados du grand écran ont rapidement vu leur intérêt économique dans cette formule.

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Les salles de sport proposent également depuis longtemps des formules d’abonnement que la totalité des clients ou presque souscrivent. Là encore, l’avantage évident est celui du prix car celui à la session demeure prohibitif et cette option n’est pas nécessairement proposée par la totalité des réseaux de fitness.

Or le recours à l’abonnement pour cet usage peut interroger. En effet, la fréquentation de la salle de sport est souvent non linéaire. Le client s’y rend de manière irrégulière (des mois avec une envie et une disponibilité fortes et d’autres moins) et il peut être absent pendant de longues périodes (vacances notamment). Les salles de sport ont d’ailleurs construit leur business model sur cet état des lieux : vendre le plus grand nombre d’abonnements possible en escomptant la fréquentation la plus minimale possible, car la capacité ne permet pas d’accueillir en heure de pointe la totalité des souscripteurs. Pour cette industrie, le modèle économique qui répondrait le mieux aux attentes des clients semble être celui du « pay as you get » au prix le plus accessible possible ou d’un abonnement avec une possibilité de pause.

D’autres intérêts se dessinent alors dans l’abonnement au-delà du prix attractif : l’intérêt de la découverte en étant surpris chaque mois avec de nouveaux produits proposés par la marque. L’intérêt du confort aussi et de ne pas avoir à réfléchir à des achats que nous savons par nature récurrents (le café avec Nespresso, les lames de rasoir avec Gillette, les cartouches d’encre avec HP…). Le cumul des deux, offre à valeur ajoutée et achats récurrents renforce l’attractivité de la formule d’abonnement.

4 critères motivant et légitimant le recours à l’abonnement peuvent alors être mis en exergue :

  • Un prix plus bas qu’un achat unitaire ou plusieurs achats répétés
  • La facilitation d’un achat récurrent
  • La découverte de nouveaux produits
  • L’émotion ou la passion
les promesses et la folle croissance de l’abonnement

Crédit : Taco Bell

Aux Etats-Unis, Taco Bell a testé en octobre 2021 une offre d’abonnement. Il donne droit à un taco par jour au prix de 5 à 10$ selon la localisation alors que les tacos proposés dans l’offre coûtent de 1 à 2$. L’enjeu pour Taco Bell est, outre de renforcer la fidélisation, de susciter d’autres achats autour du taco gratuit. Aussi, alors que l’offre d’abonnement n’est accessible que via l’application, il est attendu l’augmentation du nombre de téléchargements de celle-ci.

Une ultra segmentation nécessaire

Si l’abonnement est par nature attractif, il peut difficilement être envisagé pour l’ensemble de son portefeuille clients.

Sur le cinéma par exemple, les clients potentiels pour les cartes illimitées sont ceux exposant une fréquentation forte de cette activité et partageant une certaine passion.

les promesses et la folle croissance de l’abonnement

Crédit : Nespresso 

Pour le café, les clients seront ceux ayant une consommation, a minima quotidienne, voire de gros consommateurs avec plusieurs cafés dans une journée.

Selon plusieurs études, un profil type de « l’abonné » se dessine :

  • Il est plutôt jeune (entre 25 et 44 ans) et embarque une grande proportion de millenials
  • Il est plutôt urbain : les courses répétitives sont plus fastidieuses et le temps consacré aux loisirs et passions est primordial
  • Il est plus aisé financièrement : il souhaite maîtriser son budget mais dans le même temps ne craint pas de s’engager sur des dépenses mensuelles et long terme
  • Pour les produits, il s’agit plus souvent des femmes, qui encore aujourd’hui malheureusement ont plus souvent la charge des achats répétitifs. Néanmoins, les hommes rechercheront aussi par cette formule le confort et la diminution de l’effort et disposent plus d’abonnements que les femmes (il y a ainsi moins d’hommes souscrivant d’abonnement que les femmes mais les hommes sont plus multi-équipés).

Le modèle de l’abonnement s’applique également dans l’univers BtoB. L’entreprise est en effet historiquement habituée à cette formule, notamment sur les prestations de services opérationnels (ménage, sécurité…). La généralisation de solutions en mode SaaS (Solution as a Service) contribue également à l’ancrage de cette culture dans le monde professionnel.

Une analyse préalable des volumes à conduire pour sécuriser les décisions

Si l’abonnement est attractif par la régularité de ses revenus et par ses potentiels d’upsell et de cross-sell, il convient de s’assurer au préalable que les revenus (et les marges) qu’il générera seront supérieurs à des achats unitaires ou fréquents.

C’est l’analyse qu’a dû conduire la SNCF en modifiant sensiblement son abonnement Fréquence. D’environ 1.000 euros par an en 1e classe pour la France entière, celui-ci est passé à moins de 500 euros en s’intitulant ensuite Liberté.

Dans le même temps, le prix unitaire de chaque trajet a été augmenté de quelques euros (la nouvelle carte propose 45% de réduction contre 50% auparavant, soit une hause de 10% sur le prix final des billets). Les réductions de chaque voyage sont moindres.

Une analyse de sensibilité, prix et volumes, permet ainsi d’ajuster au mieux les prix des abonnements et ceux unitaires.

les promesses et la folle croissance de l’abonnement

Une relation client à repenser

L’abonnement fait passer d’une relation « spot » ou « multi spot » à une relation récurrente et régulière. Il ne s’agit plus seulement alors de livrer une fois un produit ou un service puis d’émettre une facture mais d’établir à présent une relation sur le long terme et de travailler plus encore la fidélisation (pour éviter la résiliation).

Les clients ne se tournent pas naturellement vers ce modèle économique. Au contraire, le fait de devoir s’inscrire, de devoir s’engager et de devoir payer régulièrement a plutôt tendance à complexifier l’intérêt puis le passage à l’acte d’achat du client. L’acquisition client est structurellement plus complexe dans les activités d’abonnement.

Pour les 4 facteurs motivant l’abonnement (prix, facilitation, découverte, émotion), la personnalisation de l’offre se classe en tête des attentes aux côtés du rapport qualité/prix et de la commodité.

La personnalisation de l’expérience abonné est également de loin le principal facteur de rétention. La réussite de ces modèles d’abonnement repose en grande partie sur une bonne connaissance des préférences abonnés et sur la capacité de la marque à élaborer une offre la plus personnalisée possible (en s’appuyant éventuellement sur des solutions d’intelligence artificielle).

Le parcours client doit être particulièrement fluide et optimisé pour concrétiser l’engagement du client vers l’abonnement. Souscrire un abonnement requière une implication plus forte de ce dernier, plus de réflexion de sa part et un processus de décision et d’acte d’achat plus complexe qu’un achat spot ou spontané.

Toute difficulté rencontrée lors du parcours de souscription se révèle ainsi fortement contre-productive.

Mais le parcours de souscription est parfois fastidieux et inefficace : de longs formulaires à remplir, un code de vérification qui n’est jamais réceptionné, une assistance en ligne confuse et pléthorique, des chatbots qui n’apportent pas plus de réponse… Le parcours semble avoir été conçu par l’IT, la direction technique, juridique ou financière ou pire le cumul de toutes les contraintes de toutes les directions de l’entreprise. Il ne fonctionne pas et donc peut aboutir à l’abandon de la souscription à l’abonnement par le client.

La notion d’essai dans un abonnement peut parfois également être importante. Le Financial Times a récemment conduit une expérience pour comprendre ce phénomène, en réduisant le nombre d’articles gratuits (sans abonnement) de 3 à zéro pour les non-abonnés. Le journal a alors observé une diminution de 30% des visites sur son site Internet et une réduction durable du nombre de nouveaux abonnés. Obliger tous les visiteurs à s’abonner dès leur première visite aurait conduit à perdre 79% de conversion et ainsi des dizaines de millions de dollars en matière de customer lifetime value.

Le choix d’un recours à l’abonnement doit être considéré par l’entreprise comme un cadeau suprême fait par le client, un engagement ultime et une volonté de fidélité plus grande. Le parcours de souscription doit alors à la fois être simplifié autant que possible puis chercher à enchanter l’expérience.

L’entreprise qui propose des formules d’abonnement doit alors mettre en œuvre une politique anti-churn plus motivée. Elle doit se soucier des trois principaux types de churn (le churn volontaire de la part du client, le churn naturel si le client change d’habitude ainsi que le churn financier, à l’initiative ou non de l’entreprise liée à une augmentation des prix). Plusieurs analyses peuvent alors être conduites :

  • Quels sont les clients qui résilient ? (ancienneté, offres souscrites…) ?
  • A quelle période particulière résilient-ils ? (saisonnalité, après période d’essai, échéance du contrat, modification de l’offre d’abonnement)
  • Quelles sont les raisons de la résiliation ? (insatisfaction, offre concurrente plus attractive….)
les promesses et la folle croissance de l’abonnement

Plusieurs indicateurs sont utiles pour améliorer le pilotage de l’abonnement par l’entreprise :

  • Nombre d’abonnements actifs
  • Taux de conversion
  • Taux de rétention
  • Revenus mensuels récurrents (monthly recurring revenues)
    • Nouveaux MRR (nouveaux comptes)
    • Expansion MRR (upgrading)
    • Reactivation MRR (clients partis puis revenus avec une nouvelle souscription)
    • Churned MRR
    • Contraction MRR (downgrading)
    • Net MRR : New + Expansion + Reactivtion – Contraction – Churn
  • Coût d’acquisition du client
  • Délai de retour sur investissement (payback period)
  • Taux de conversion suite à période d’essai
  • Quick ratio : (new+expansion / churn + contraction) = capacité de renouvellement rapide des revenus malgré les résiliations
  • ROI : customer lifetime value / coût d’acquisition du client

Que retenir, quelles actions pour saisir rapidement et avant les autres l’opportunité de l’abonnement ?

L’abonnement est un modèle économique attractif qui est accessible à tous, quelle que soit l’activité. Il n’est pas intrinsèquement innovant mais il peut l’être s’il introduit la première formule d’abonnement sur l’industrie concernée (statut de précurseur) ou par un élargissement des services proposés.

Pour y parvenir, il s’agit alors de conduire une analyse fine de la segmentation de son portefeuille (quels clients peuvent potentiellement être intéressés ?) puis d’adapter en conséquence l’organisation (supply chain, facturation, paiement) et la relation client (SAV notamment).

Le modèle de l’abonnement peut encore évoluer et s’enrichir à multipliant les services proposés au client. Un travail sur la proposition de valeur, forte et spécifique justifiant l’abonnement, est nécessaire. Les abonnements de réduction ou de prix bas sont en effet encore très nombreux et mériteraient d’être enrichis.

Il s’agit également d’optimiser sensiblement la démarche de rétention en garantissant une relation personnalisée et durable, fondée sur la confiance. Ainsi, il ne semble pas pertinent de complexifier à outrance le parcours de résiliation pour conserver le client de force (engagements longue durée, reconduction tacite, dissimulation des coordonnées pour résilier) mais au contraire de faire preuve de transparence, d’une liberté de choix et d’un parcours de résiliation rapide et simple.

Le passage à l’abonnement constitue un changement de modèle et d’organisation important. Il doit être minutieusement préparé en amont pour rencontrer le succès escompté. A ce jour, nombre d’initiatives ont été lancées par de grandes marques puis finalement abandonnées.

Une approche par étape en « test & learn », dans une logique d’Agile Marketing, peut permettre de sécuriser les projets d’offres d’abonnement et de les étendre progressivement jusqu’à garantir la performance économique du modèle.

Auteur : Eric Gallardo

Partner expérience client