Se réunir (ou pas) en mode hybride

Il devient nécessaire de repenser nos modes de travail en impulsant une réflexion sur nos façons de collaborer, de façon synchrone… mais pas uniquement !

Nous avons vu dans l’épisode 1 comment organiser sa semaine en mode hybride nécessite de trouver le juste équilibre entre besoins individuels (qu’ils soient professionnels ou personnels) et besoins collectifs.

En particulier, s’organiser en prenant en compte les besoins collectifs devient incontournable en hybride, compte-tenu des impacts de ce mode de travail sur la collaboration.

En la matière cependant, l’organisation individuelle ne fait pas tout.

La réunionite était déjà un fléau avant la crise

En 2017, les cadres françaNom du carrouselis passaient déjà plus de 6 semaines par an en réunion[1]. Ce phénomène s’est aggravé pendant la crise, dans la mesure où toutes les interactions qui se faisaient au fil de l’eau ont été remplacées par un créneau de 15 ou 30 min planifié à l’avance, avec pour conséquence un « tunnel de calls » de plusieurs heures, ne laissant parfois même pas le temps pour une pause technique…

Les recettes pour mener une réunion efficace étaient déjà bien connues de tous :  préparer la réunion en envoyant, le cas échéant et en amont

  • Diffuser les documents dont on doit prendre connaissance,
  • Communiquer l’ordre du jour à l’avance,
  • Prévoir des temps courts d’intervention,
  • Se répartir les rôles (l’animateur, le scribe, le gardien du temps, etc.),
  • Prendre des notes pour circulariser un compte-rendu à la fin de la réunion,
  • Arbitrer sur les prochaines étapes et les responsabilités de chacun etc.

Pourtant, bien souvent, ces bonnes pratiques n’étaient pas appliquées.

L’intégration de la dimension hybride dans l’équation renforce ces problèmes préexistants : comment être exemplaire dans l’application de bonnes pratiques souvent considérées comme indigestes alors que les lieux de travail et les conditions de connexion sont désormais différents entre télétravailleurs et travailleurs sur site ?

La question de repenser les réunions en mode hybride se pose donc avec acuité et nous incite même à faire tomber un tabou : faut-il vraiment se réunir ?

En effet, l’enjeu est avant tout de trouver la recette pour travailler ensemble efficacement avec la donne hybride. Dès lors, travailler en mode hybride appelle à faire la distinction entre les temps de réunions synchrones, pendant lesquels tout le monde est connecté sur le même créneau horaire, et les temps de travail asynchrones, c’est-à-dire différés, chacun pouvant s’organiser comme il le souhaite dans la gestion de la tâche du moment qu’elle est réalisée.

Plus précisément, qu’est-ce qui change en mode hybride ?

Nous retrouvons Camille et Mehdi, rencontrés dans notre épisode 1. Les pauvres reviennent sur une expérience récente et quelque peu malheureuse de réunion en mode hybride.

Tous les deux travaillant à distance le jour de cette réunion, leurs collègues sur site se sont réunis dans une salle. Ceux sur place étaient ravis de se retrouver, ont pris un café avant et avaient déjà commencé à aborder les sujets de l’ordre du jour. Camille et Mehdi, à distance, ont eu du mal à rattraper « le retard ». Il leur a été difficile de prendre la parole lors de la réunion et ils ne voyaient pas non plus les expressions non verbales des participants réunis sur site puisque la caméra de la salle ne permettait que d’avoir une vue d’ensemble de la pièce.

Afin d’être sur un pied d’égalité, Mehdi a demandé aux personnes sur site si elles pouvaient se connecter individuellement en visio et ne garder qu’un seul micro dans la salle de réunion où elles s’étaient rassemblées.

Mais, ce n’est pas la fin des désagréments de Camille et Mehdi ! Le naturel revenant au galop, les participants dans la salle ont maintenu les interactions plus informelles entre eux, les petites plaisanteries, etc. Camille et Mehdi se sont sentis exclus et ont regretté de constater qu’il était de plus en plus compliqué pour eux de rester concentrés sur les échanges, d’autant que leurs e-mails étaient à un clic de là ! Au moment d’arbitrer sur les prochaines étapes et de se répartir la charge de travail, difficile pour eux d’avoir tous les éléments en main pour aider à trancher.

Cette situation n’a rien d’anecdotique, vous l’avez sûrement déjà vécue : dans une réunion hybride où une partie des participants est présente physiquement alors qu’une autre partie est à distance, ces derniers risquent de perdre le fil de la discussion, l’informel et les apartés, le non-verbal et les émotions, la facilité à contribuer aux échanges, l’émulation positive qui permet de rester attentif.

Dans ces circonstances, les présents doivent redoubler d’attention pour éviter de se couper la parole et faire des apartés.

Finalement, faire comme si tout le monde était à distance ! En début de réunion, ils peuvent par exemple synthétiser les échanges informels pour ceux en télétravail.

A distance, on peut s’appuyer sur les fonctionnalités offertes par les outils de visio pour se manifester (« Lever la main », émoticônes, chat …) ou faire signe à l’animateur quand on veut prendre la parole (avec sa caméra allumée bien sûr !). Et que l’on soit sur site ou à distance, mettre sa caméra permet de capter au moins un peu le non-verbal, en plus de favoriser l’engagement !

Même en mettant en place toutes les bonnes pratiques de réunion, ce mode est-il toujours le plus pertinent ?

Il existe d’autres moyens de collaboration qui ne nécessitent pas forcément une synchronisation de notre attention. Alors : synchrone, asynchrone, présentiel ou hybride ?

La collaboration synchrone se fait en temps réel entre plusieurs interlocuteurs, les échanges sont directs et instantanés. Elle permet une forme de rapidité, l’échange est plus riche (vocal, visuel avec la caméra) et permet une plus grande profondeur d’interaction (transmission des émotions).

En revanche, cela peut signifier avoir des interruptions prévues (réunions) et non prévues (sollicitations directes), une certaine perte de liberté dans la gestion de son agenda et une exigence d’instantanéité avec potentiellement des réponses plus hâtives et moins construites.

La collaboration asynchrone se fait en temps différé entre plusieurs interlocuteurs. Les contraintes spatiales et temporelles sont inexistantes : chacun décide où et quand contribuer. Cela offre donc une plus grande liberté (contrôle de son temps), la possibilité d’envoyer des messages plus structurés, plus réfléchis et de s’inscrire dans le respect du temps des autres.

Néanmoins la communication est moins riche (moindre transmission d’émotions) et on court le risque de générer des incompréhensions, des erreurs d’interprétation et une moindre réactivité.

Des formats variés de collaboration asynchrone pour une collaboration plus riche et efficace en mode hybride

En distinguant les activités urgentes de celles importantes, l’asynchrone permet de transmettre des informations de qualité et de prioriser plus facilement les activités en cours.

Pour le partage d’informations : si l’information est simple et non urgente, on peut utiliser la messagerie instantanée ou une discussion sur un espace collaboratif. Pour partager des informations descendantes, donner un cap, une vision des priorités, l’asynchrone est possible aussi par exemple en enregistrant et partageant un message vidéo.

Pour favoriser l’esprit d’équipe, on peut célébrer les succès d’une équipe via un message dans la messagerie instantanée, ritualiser un court temps de brise-glace en début de réunion d’équipe (météo d’équipe pour partager son état d’esprit et ses actualités professionnelles), publier un portrait chinois pour présenter un nouvel arrivant, organiser des binômes aléatoires pour des cafés informels, etc.

Découvrez en plus dans l’épisode 3 de notre série !

Pour produire ensemble : on peut travailler à plusieurs sur un document partagé sur un cloud ou serveur commun, donner de la visibilité grâce à un tableau commun partagé, un outil de planification, ou tout simplement l’agenda, partager des infos et de la veille dans un groupe ou canal approprié, et même brainstormer à l’aide d’un document partagé ou d’un tableau blanc de post-it numériques.

Et une réunion asynchrone, ça existe ?

Certaines entreprises, prennent un parti plus radical, se réunir de manière asynchrone ! Ou plus précisément, elles choisissent de ne plus avoir recours à un temps synchrone pour prendre des décisions.

Fini le temps perdu à jouer à Tetris avec les agendas de chacun ! Au-delà de ce gain de temps, le parti-pris est de miser sur l’écrit, qui oblige à poser les choses, se laisser le temps de la réflexion et ainsi prendre des décisions plus nuancées, plus argumentées.

Le principe est simple : ces entreprises s’appuient sur des outils de management visuel type kanban. Les utilisateurs créent une carte pour soumettre au collectif une problématique à résoudre en respectant un canevas précis :

  • Le périmètre de la problématique
  • Le contexte
  • La proposition de résolution
  • Les questions particulières à aborder
  • Les personnes clés pour résoudre la problématique, taguées dans la carte
  • Les échéances à respecter

Dès lors que toutes les personnes identifiées ont contribué, c’est bien au responsable portant la problématique de trancher.

Pour travailler ensemble en mode hybride, proposer de se réunir de façon synchrone ne peut plus être automatique !

Pour certains échanges qui s’y prêtent, prenez le réflexe asynchrone, parfois plus efficient, plus confortable et plus inclusif ! Tout en conservant bien sûr des temps synchrones qui restent indéniablement plus efficaces et agréables pour certains échanges… et qui contribuent surtout à la préservation de l’esprit d’équipe, comme nous le verrons dans l’épisode 3 :  » Favoriser l’esprit d’équipe en mode hybride « 

 

[1]  Enquête sur les écueils liés au mode collaboratif en entreprise réalisée par Opinionway en 2017

Auteur : Alexandre Kelagopian

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