Comment préparer l’intégration de nouveaux magasins suite à une acquisition ?
Dans un contexte de concentration du marché, de nombreux programmes d’intégration sont actuellement en cours dans le secteur du retail
L’année 2023 a été marquée par un fort mouvement de concentration sur le secteur du Retail en France.
Le contexte inflationniste pousse en effet les Français à faire des arbitrages de consommation et la bataille des parts de marché se joue alors avant tout sur la compétitivité prix. Les retailers adoptent en conséquence une stratégie de croissance externe pour prendre des positions de marché plus fortes afin de pouvoir peser davantage dans les négociations commerciales et faire des économies d’échelle, afin de pouvoir travailler leur compétitivité prix.
Ils ont pu pour ce faire bénéficier d’opportunités de marché, certains secteurs et/ou concurrents ayant été fragilisés par la crise sanitaire, l’inflation, la déconsommation, la concurrence des modèles low-cost et du e-commerce, ou encore par une stratégie de développement financée par un endettement non maîtrisé.
Cette tendance de concentration est particulièrement marquée sur le secteur des GSA : rachat d’une grande partie du parc des magasins Casino par le Groupement des Mousquetaires et d’une partie des hypermarchés par Auchan, reprise de Cora et Match par Carrefour, alliance entre Système U et le groupe Schiever… Mais la GSS n’est pas en reste (nombreuses faillites et reprises d’enseignes sur le secteur du textile, reprise de Go Sport par Intersport, rachat de Zodio par Alinéa…) et si la GSB se contente pour le moment d’alliances à l’achat (comme celle entre le groupe Kingfisher et Mr Bricolage), ce segment de marché pourrait bien être le prochain concerné.
Au-delà de la difficulté de mener à terme ces opérations de rachat complexes, réussir l’intégration en masse de nouveaux magasins au sein d’un réseau nécessite d’anticiper un grand nombre de questions et de les adresser au travers d’un programme d’intégration permettant de piloter de multiples chantiers et un nombre important d’intervenants.
Appelées de manière un peu trompeuse « post merger integration », ces phases d’intégration se doivent d’être préparées bien avant le closing du deal et le « day 1 » de l’intégration, afin d’en permettre ensuite un déploiement en optimisant les délais et les coûts… et d’aller chercher le plus rapidement possible les gains et le business plan de l’opération.
Il convient pour cela d’anticiper puis de piloter les chantiers qui permettent d’adresser 4 dimensions en fortes interactions :
- Comment évaluer le business case de l’opération ?
 - Comment définir et optimiser la stratégie d’intégration ?
 - Comment favoriser l’industrialisation et l’optimisation des coûts de conversion de chaque magasin ?
 - Comment anticiper les impacts RH et préparer l’accompagnement du changement ?
 
Afin d’illustrer ces différentes dimensions et leur complexité, nous vous proposons de parcourir quelques questions clefs auxquelles chacune de ses dimensions se doit de répondre et/ou de prendre contact avec nous afin que nos équipes répondent à vos interrogations
Comment évaluer le busines case de l’opération ?
Pour évaluer le business case complet de l’opération, il est nécessaire de travailler sur le projet commercial et le compte d’exploitation prévisionnel de chaque magasin. Une fois consolidés les gains et les investissements nécessaires site par site, les gains de massification et les coûts transverses de transformation peuvent ensuite être intégrés au business case global de l’opération.
Le projet commercial du magasin : pierre angulaire d’une conversion réussie
Avant de pouvoir projeter le compte d’exploitation prévisionnel d’un magasin post conversion, il est d’abord nécessaire de travailler son projet commercial. Après une analyse de type SWOT (forces, faiblesses, opportunités et menaces) du point de vente, cette étape consiste à définir sous quelle enseigne, quel concept et avec quelle offre (part de tronc commun et de modules d’offre optionnels permettant de répondre aux besoins spécifiques de la zone de chalandise et d’offrir des aspérités commerciales par rapport à la concurrence) sera réouvert le magasin.
Cet exercice de positionnement stratégique et de construction de l’offre est primordial afin d’optimiser le CA et la marge par m2 du futur magasin. Il est en outre un pré requis à l’évaluation des transformations qui seront nécessaires (merchandising, matériel…) et à la validation des enveloppes d’investissements associées. Ces investissements devront être personnalisés et validés magasin par magasin, au regard de leur potentiel de croissance pour les amortir.
Le compte d’exploitation prévisionnel du magasin, projection des hypothèses d’impact de son nouveau positionnement commercial
Les enseignes impliquées dans ce type d’opération commencent en général par valider une ambition d’évolution de part de marché et de CA cibles (vs les résultats actuels du magasin), avant d’en confirmer l’accessibilité par une décomposition plus fine de la manière de l’atteindre, au travers d’une projection des impacts de l’évolution de l’offre et de son positionnement prix.
Une 1ère ambition de part de marché et donc de CA global cible est ainsi définie après analyse du potentiel de la zone de chalandise et de son intensité concurrentielle… et de la capacité du nouveau concept à y faire de la croissance, de manière relative au nombre de m2 de surface de vente. Nous recommandons vivement que les « hypothèses théoriques » utilisées pour définir cette ambition soient également challengées et validées / ajustées par les opérationnels du réseau qui y apporteront leur connaissance fine de chaque zone de chalandise. Notons qu’au niveau du business plan global, les impacts de cannibalisation au sein du réseau existant doivent également être intégrés.
La manière d’atteindre ce CA cible et les volumes additionnels à aller chercher pour ce faire doivent ensuite être confirmée par une projection des impacts de l’offre cible (définie dans le projet commercial) rayon par rayon. Cette étape consiste à projeter les volumes additionnels d’articles attendus rayon par rayon et à en évaluer leur impact en termes de CA en fonction du positionnement prix choisi. Cela permet également d’évaluer la marge cible rayon par rayon… et d’avoir une 1ère projection de la marge cible globale du magasin. Au regard de la pertinence des résultats obtenus, l’exercice permet alors d’ajuster de manière itérative le projet commercial du magasin et ses impacts sur le résultat prévisionnel.
Il convient également d’évaluer les coûts de fonctionnement cibles du magasin. La principale variable étant les frais de personnel, les benchmarks sont alors précieux pour pouvoir déduire des volumes par rayon les effectifs cibles nécessaires, via une approche type CA / heure travaillée… et d’en déduire les frais de personnel du magasin. L’amortissement des investissements nécessaires à la transformation du point de vente devra également être intégrée, avant de pouvoir projeter la rentabilité du futur magasin et le temps d’atteinte du business plan de l’opération.
Le business case globale de l’opération : une consolidation des projections par magasin et des gains liés à la massification
Au-delà de la consolidation des gains attendus et des investissements nécessaires site par site, évaluer le business case complet de l’opération nécessite ensuite d’intégrer 2 dimensions supplémentaires.
La 1ère est l’évaluation des gains de massification attendus. L’un des leviers d’optimisation est alors l’optimisation des prix d’achats via un poids plus important dans les négociations commerciales du fait des volumes additionnels amenés par les nouveaux points de vente intégrant le réseau. Mais les autres leviers d’optimisation sont loin d’être négligeables et doivent également être évalués et intégrés dans le business case : optimisation des coûts supply chain via un maillage plus dense du réseau, économies d’échelle réalisées sur les coûts de fonctionnement de chaque fonction support, optimisation des coûts d’achats non marchands…
La 2de est l’intégration des coûts centraux liés à la transformation : équipes projets dédiées au pilotage global de l’opération et à l’accompagnement des conversions de magasins, temps des équipes supports mobilisées pour accompagner la transformation, coûts de prestation externes (cabinets d’avocats sur la phase de M&A, cabinets de conseil sur les phases d’étude d’opportunité et/ou d’accompagnement au pilotage du programme…).
Pour assurer la rentabilité du projet, il conviendra également de sécuriser le niveau de cash-flow cible au regard des investissements nécessaires.
Notons que le niveau de finesse de ce business case est travaillé et ajusté de manière itérative au cours des différentes phases du deal : étude d’opportunité avant de se lancer dans l’opération, étude plus fine lors de la phase d’acquisition, ajustements potentiels au gré du déploiement et du retour d’expérience des premiers magasins transformés…
Il convient par ailleurs de bien distinguer et piloter différemment dans le business plan l’atteinte des gains court terme / quick wins et ceux liés à des plans d‘actions plus complexes, sur des horizons moyen / long terme.
Le témoignage de notre expert, Christophe LOPEZ, Partner Food & Retail chez Onepoint :
« Nos expériences de ce type de fusions/acquisitions montrent qu’une approche trop « scolaire » n’est pas réaliste. En effet, contrairement aux idées reçues, les gains de parts de marché et de massification à l’achat ne suffisent jamais à réaliser les objectifs du business plan de ce type d’opération. L’enseigne qui vend des magasins avait déjà, la plupart du temps, un bon niveau de performance. Le delta de performance en local ne peut rentabiliser à lui seul l’opération. Il est donc indispensable d’avoir une approche complète en intégrant notamment l’optimisation des coûts de supply chain et l’écrasement des frais de structures. Enfin, il semble nécessaire de pointer qu’un certain nombre d’opérations de ce type ne repose pas sur une augmentation sensible de la performance avant/après le rachat mais davantage sur des mécanismes de LBO. Les BP montrent qu’en 5 à 6 ans, à performance constante, le magasin racheté à la capacité de générer assez de cash pour rembourser la dette levée pour son acquisition. Ainsi 6 ans plus trad, la nouvelle enseigne a de nouveaux magasins, sans dette, fixant sa part de marché. Cela montre à quel point la gestion globale de l’endettement est cruciale dans le retail actuellement et l’exemple de Casino en est une illustration ».
Comment définir et optimiser la stratégie d’intégration ?
Définir la meilleure stratégie d’intégration consiste à définir le scénario qui permettra de réduire le temps de conversion de l’ensemble des magasins et d’optimiser les coûts de transformation, d’accélérer la vitesse d’obtention des gains attendus de l’opération, mais également de favoriser la mobilisation des nombreux acteurs impliqués sur le sujet.
Pour ce faire il convient d’étudier les avantages et inconvénients de différents scénarios envisageables, en croisant les axes d’analyses et les enjeux associés :
Vision « financière » :
- Réduire et/ou lisser les coûts de déploiement (investissements, impacts des fermetures temporaires pour travaux, coûts de transformation…)
 - Favoriser la vitesse d’obtention des gains attendus du « nouveau concept » (commencer par les magasins à fort potentiel de développement…)
 
Vision « logistique » :
- Réduire les coûts logistiques du déploiement (écoulement des stocks de produits obsolètes, coûts de transport et d’implantation de la nouvelle offre…)
 - Favoriser les scénarios de déploiement des magasins par grappe autour d’un même entrepôt pour basculer plus rapidement l’entrepôt sur les volumes et l’organisation cibles et atteindre les gains associés
 
Vision « RH » :
- Prendre en compte les contraintes de gestion des ressources critiques (pour la gestion quotidienne « en run » de l’entreprise et en intégrant les charges liées aux autres projets en cours…)
 - Favoriser les scénarios permettant de limiter et/ou de lisser les impacts sociaux
 - Donner du sens au changement et accélérer la bonne intégration / fierté d’appartenance des nouvelles ressources
 
Vision « segmentation du parc de magasins » :
- Faut-il privilégier un mode de déploiement parallèle ou successif des différents périmètres « régionaux » de l’entreprise ?
 - Faut-il privilégier un mode de déploiement parallèle ou successif des différentes typologies de concepts de magasins ?
 
Vision « IT », fortement dépendante des cas de figure / typologies de rachat concernés :
- Dans le cas de l’acquisition de magasins par une enseigne, les magasins intégrés seront basculés sur les infrastructures et outils de l’enseigne
 - Dans le cas de l’acquisition complète d’une enseigne au sein d’un groupe ou du rachat / ralliement d’un groupement de magasins : quelle sont les outils qui doivent être rapidement mis en commun pour créer de la valeur (MVP) ? Quelle cartographie cible des outils à conserver à terme et quel plan de convergence / rationalisation ? Comment créer les passerelles de communication entre les différents systèmes pendant la phase de transition ? Quels impacts sur l’organisation SI ?
 
Vision « mobilisation projet » :
- Favoriser l’obtention de premiers succès sur lesquels communiquer et mobiliser
 - Favoriser la mobilisation rapide d’un maximum de ressources autour du projet
 
Notons que l’approche et les contraintes à prendre en compte pour définir la meilleure stratégie d’intégration est également fortement dépendante de la structure juridique du réseau concerné. Une chaine de magasins intégrés aura par exemple complètement la main sur l’ordonnancement des conversions de points vente, alors qu’au sein d’une coopérative d’indépendants le planning devra prendre en compte les intérêts et contraintes des adhérents. Précisons également que dans le cas d’un rachat par une coopérative, tous les magasins ne trouvent pas forcément et directement preneurs auprès des adhérents du réseau. Ces magasins (qui ne sont en général pas ceux identifiés comme ayant le plus fort potentiel de croissance) peuvent alors être gérés temporairement en « portage » par le groupement, ce qui représente un risque qui mérite un suivi et une attention particulière.
Concernant la transformation physique (phase potentielle de travaux) des points de vente, nous rencontrons 2 grands modèles / stratégies d’intégration (selon le timing des 1ères conversions vs la signature du deal et les délais pour obtenir les autorisations de travaux… et selon la stratégie de lissage des investissements) : big bang (avec réalisation des travaux pendant la période de fermeture, en même temps que le changement d’enseigne et d’offre…) vs changement d’enseigne et d’offre dans un 1er temps, puis travaux dans un 2d temps (alors souvent réalisés par zones, hors horaires d’ouverture et/ou magasin ouvert).
Le témoignage de notre expert, Christophe BIROULET, Partner Retail chez Onepoint :
« Sur les stratégies d’harmonisation et de rationalisation des SI, il est important, au-delà de définir une cible, d’adapter une trajectoire, composée à partir d’une matrice enjeux/accessibilité et compatible avec le niveau de maturité des sociétés concernées. Cette cible et cette trajectoire doivent être partagées afin de s’assurer de l’alignement de l’ensemble des acteurs concernés ».
Comment favoriser l’industrialisation et l’optimisation des coûts de conversion de chaque magasin ?
Réussir l’intégration en masse de nouveaux magasins au sein d’un réseau nécessite de définir un « kit de conversion » qui permettra aux équipes de s’appuyer sur une démarche « industrialisée », des documents et des processus standardisés, afin d’optimiser le planning de transformation de chaque magasin, d’en optimiser les coûts et de sécuriser au mieux l’ensemble des risques pré identifiés. Avoir une « boîte à outils » pour opérer les conversions de manière industrialisée permettra aux acteurs de se focaliser sur les tâches à valeur ajoutée, la gestion du changement et le traitement des aléas.
Un kit méthodologique pour industrialiser les conversions…
- Planning : rétroplanning intégrant les dimensions Travaux (démarche de copropriété, validation des plans, autorisations de travaux, validation des investissements, planning des travaux permettant de limiter au maximum la perte de chiffre d’affaires pendant les perturbations et/ou la période de fermeture totale pour travaux…), Logistique et Marchandises (plan d’actions pour écouler les stocks / arrêter les commandes sur l’assortiment en fin de vie, inventaire, planning d’implantation de la nouvelle offre, bascule tarifaire, plan de bascule sur les nouveaux cadenciers / commandes de réassorts, récupération des historiques de vente et adaptation de prévisions de vente pour le réappro automatique…), IT & Digital (diagnostic, plan de migration IT, plan de convergence digital et omnicanal, reprise de la base clients et bascule du systèmes de fidélité, plan de formation…), RH (réunions d’information, diagnostic organisation et compétences, plan de recrutement, signature des contrats / avenants, bascule de la paie, plan de formation…), Communication (CE, Mairie, préparation de la communication d’ ouverture…)
 - Pilotage : instances de pilotage, rôles et responsabilités (sur chaque étape du planning), outils de pilotage (check list, tableaux de bord) …
 - Ressources Humaines : grille de people review, plans de mobilisation, parcours de formation…
 - Projet commercial : brief commercial, fiches assortiments (MDD/MN), compte d’exploitation prévisionnel…
 - Matériel & Travaux : plans types, charte concept (avec définition des « incontournables » et des « adaptables »), fiche d’investissements, liste de matériel, check list pour les visites techniques, supports d’appel d’offres…
 - IT & Digital : fiche de diagnostic matériel et réseau, planning type de migration IT & Digital, fiche de commande de matériel, supports de formation aux outils IT et digitaux…
 - Marchandises : kit de gestion des stocks, méthodologie de bascule des flux logistiques (vider/remplir le magasin, basculer les assortiments et les tarifs) …
 - Communication : supports de communication interne et externe (à destination des fournisseurs, de la presse…)
 - Marketing : bascule des systèmes de fidélité, kit de communication d’ouverture (pour optimiser l’impact commercial de la réouverture et du changement de concept, expliquer la nouvelle proposition de valeur…)
 - … ces thématiques du « kit de conversion » sont autant des chantiers à adresser / structurer, qui au-delà de la vue magasin devront être complétés par les chantiers à mener pour anticiper et répondre aux impacts sur chacune des fonctions supports corporate.
 
… et sécuriser les risques pré identifiés :
- Risques consommateurs : perturbation ou fermeture de la surface de vente (travaux), perception du « nouveau concept » …
 - Risques humains : charge des ressources critiques, coordination des fonctions supports, mobilisation des acteurs…
 - Risques financiers : non-respect des budgets d’investissements (matériel et travaux) et/ou des coûts de transformation (décote sur stocks, formation…)
 - Risques processus : non-respect du concept, non-respect des délais
 
Notons que pour favoriser l’efficience du « kit de conversion », il conviendra d’en structurer / formaliser les outils afin d’en faciliter l’appropriation (des points d’entrée par thèmes et par acteurs, des outils « simples » à comprendre et à utiliser, un type de support facilitant la diffusion et la mise à jour régulière du contenu…) et de couvrir les différents besoins et contraintes d’accessibilité des différents niveaux d’intervenants (des points d’entrée par types d’intervenants : magasins / structures intermédiaires type « région » / équipes support / coordination globale du projet…). Il conviendra également de trouver le juste équilibre entre industrialisation de la démarche et autonomie nécessaire à l’appropriation du projet par les acteurs et la prise en compte des spécificités (culturelles et managériales… et par typologie de points de vente : nous recommandons par conséquent un « tronc commun » et des déclinaisons spécifiques du kit par typologies de magasins / concepts).
La préexistence, au sein de l’enseigne opérant l’intégration, d’un kit d’ouverture de magasin avec des processus déjà formalisés et outillés (même s’il devra être adapté / complété au cas d’une conversion) est alors bien évidemment un facteur clef de succès et d’accélération notoire.
Le témoignage de notre expert, Laurent LEMAIRE, Leader Filière Alimentaire & Retail chez Onepoint :
« L’ensemble des retailers disposent d’une expérience éprouvée dans le ralliement et l’intégration de nouveaux magasins, ces opérations faisant partie de la « vie courante » d’un réseau. Dans le cadre de large deal impliquant un ralliement massif de points de vente, l’enjeu clé consiste à planifier, coordonner, industrialiser l’ensemble des moyens techniques, humains, technologiques, à tous les niveaux de l’entreprise. Il s’agit de synchroniser au mieux toutes les opérations à mener, d’optimiser les temps de bascule, de mobiliser toutes les équipes, de communiquer, d’accompagner les équipes terrain permettant de répondre aux enjeux d’une transformation « sans-couture », tant au niveau interne qu’externe ».
Comment anticiper les impacts RH et préparer l’accompagnement du changement ?
Les impacts RH et le change management se doivent d’être appréhendées par magasin mais également au niveau des équipes temporaires d’accompagnement à mettre en place, ainsi qu’en termes d’impacts pérennes sur les structures supports.
Redimensionner l’organisation cible par magasin et former les nouveaux collaborateurs
Le (re)dimensionnement de l’organisation de chaque magasin passe par une analyse des besoins futurs. Ils sont principalement impactés, en termes quantitatifs, par l’évolution attendue des volumes d’activité… et en termes qualitatifs, par les potentiels nouveaux métiers et services proposés dans le cadre du nouveau concept. Il conviendra ensuite d’identifier la capacité à couvrir ces besoins via la reprise des équipes actuelles, suite à un diagnostic de l’organisation et de ses compétences (people review). Restera alors à construire le plan d’évolution des effectifs (départs/arrivées) à mettre en œuvre pour combler les écarts.
Mais au-delà de l’anticipation des besoins, le facteur clef de succès d’une conversion réussie réside quasi systématiquement dans la qualité de l’accompagnement des besoins de formation (aux nouvelles procédures et aux nouveaux outils) et au plan de mobilisation qu’il convient de mettre en place afin de donner du sens au changement et de mobiliser les équipes autour du nouveau projet commercial. La structuration de ce plan de formation et de mobilisation est primordiale dans la réussite d’une reprise de magasin (embarquement anticipé des responsables de magasin qui joueront ensuite un rôle primordial, film de présentation du concept, anticipation des besoins de formations dans les magasins écoles et les sessions de formation internes, mise en place de managers relais/référents, modules de e-learning, gamification et évènements de team building…). Au-delà des formations sur les compétences métiers, il conviendra de ne pas négliger l’accompagnement des évolutions culturelles pour sécuriser la bonne intégration et l’épanouissement des nouvelles ressources. Ce risque lié au changement culturel est particulièrement important lorsque la situation implique de basculer, dans un sens comme dans l’autre, des magasins d’un mode de fonctionnement intégré à un mode de fonctionnement coopératif.
L’analyse devra être complétée par une étude d’impact social, concernant notamment les différences d’avantages sociaux entre les enseignes. Là encore le cas peut être plus particulièrement sensible lorsqu’il s’agit de passer d’une organisation intégrée à une coopérative d’indépendants. Les discussions avec les syndicats concernant le traitement des écarts sociaux (durée de conservation des avantages…) peuvent alors faire peser un risque sur la vitesse d’avancement des conversions… et les risques en termes de (dé)mobilisation des équipes et d’image sont à mettre sous contrôle.
Mettre en place un dispositif d’accompagnement et piloter le plan de charge
Il existe 2 grands choix d’organisation pour accompagner un plan d’intégration : construire une organisation basée sur l’organisation existante ou mettre en place une équipe « mobile » dédiée aux conversions de magasins. Dans les faits, le choix se porte finalement le plus souvent sur une organisation hybride entre ces 2 options.
Quelle que soit l’option retenue, il est nécessaire de bien anticiper les besoins d’accompagnement, les charges associées et leurs impacts sur les modes de fonctionnement existants, en particulier les charges de run des fonctions supports pour sécuriser la bonne tenue du « business as usual » sur le parc de magasins actuel, en parallèle du plan d’intégration des nouveaux magasins. Au-delà de l’anticipation et du pilotage des charges, le facteur clef de succès réside le plus souvent dans le bon découpage des périmètres / rôles et responsabilités entre équipes terrain, fonctions supports et équipes de pilotage.
Par ailleurs nos retours d’expérience nous amènent à ajouter 2 points de vigilance :
- Sécuriser la disponibilité (respect du planning de mise à disposition des ressources internes « détachées » sur le projet) et la formation des équipes de déploiement (à la méthodologie et aux outils du « kit de conversion »)
 - Prendre en compte la montée en charge (courbe d’apprentissage des équipes et volumétrie des sites déployés) dans les plannings de conversions
 
Identifier les impacts pérennes sur les fonctions supports et l’ensemble des leviers de massification
En cas d’intégration en masse de nouveaux magasins dans un réseau de distribution, l’ensemble des fonctions supports vont être impactées sur leurs volumes récurrents d’activité (au-delà des charges ponctuelles liées à la phase d’intégration). Elles devront donc être redimensionnées pour absorber les volumes d’activité additionnels liés aux nouveaux magasins, ce qui entrainera une hausse en valeur absolue de la masse salariale du siège. Mais les économies d’échelle alors réalisées devront permettre de baisser le coût relatif de ces fonctions supports (% de la masse salariale vs CA global en augmentation de l’enseigne…) et par conséquent d’améliorer la rentabilité. Au-delà de l’apport des résultats additionnels de chaque nouveau magasin et des gains de massification à l’achats que nous évoquions dans la partie business case, c’est bien l’une des dimensions d’optimisation globale complémentaire qui sera intégrée dans la rentabilité globale de l’opération.
Mais au-delà de l’optimisation des fonctions supports du siège, d’autres axes d’optimisation du business case ayant des impacts en termes organisationnels doivent être étudiés. Ils concernent par exemple les optimisations envisageables et/ou réorganisations nécessaires liées au nouveau maillage du territoire, plus dense, qui sera obtenu suite à l’intégration des nouveaux magasins :
- Ce nouveau maillage doit-il conduire à revoir le rattachement des magasins par entrepôts / plateformes d’approvisionnement ? Permet-il d’envisager une optimisation du schéma directeur supply chain ?
 - Ce nouveau maillage doit-il conduire à revoir le rattachement des magasins par « structure géographique intermédiaire » (type « régions ») ? Un redécoupage régional des magasins et un redimensionnement des équipes de DR doit-il être anticipé ?
 
Notons qu’en fonction des cas, les impacts RH d’un plan d’intégration pourront aussi bien conduire à de forts besoins de recrutement (à structurer autour d’une approche de type GPEC, à accompagner par des plans de recrutement, à couvrir par des plans de mobilité interne…) qu’à des plans sociaux (qu’il conviendra également de structurer autour d’une approche de type GPEC… et d’adresser au travers d’une stratégie sociale à discuter / valider avec les IRP, pouvant aller jusqu’à la mise en place d’un PSE).
Le témoignage de notre expert, Serge ASSAYAG, Partner People Experience chez Onepoint :
« La stratégie donne le cap, l’exécution rassure et la culture engage. Face à cette transformation sectorielle, il s’agit de ne pas passer à côté de ce qui fait la force des réseaux : les femmes et les hommes. Leur engagement est conditionné à une alchimie entre rationnel et émotionnel. L’approche analytique permet de simplifier les organisations, dimensionner les équipes afin de garantir l’adéquation besoins/ressources, et d’optimiser le modèle opérationnel, en termes de compétences, afin d’assurer la pérennité des savoir-faire et d’offrir des trajectoires enthousiasmantes. L’analyse de charge, les plans de formation, les dispositifs d’incentive sont adaptés et déployés. Mais passer d’un mode intégré à un mode coopératif, rejoindre un nouveau réseau, concilier culture entrepreneuriale et convergence corporate nécessitent d’aller chercher la flamme au fond de chacun. Il s’agit d’insuffler une nouvelle ère. Pour cela, trois leviers sont à activer en parallèle : (i) communiquer sans cesse sur ses intentions, veiller à donner du sens qui concrétisera une raison d’être du projet, (ii) mobiliser les managers qui sont en première ligne et doivent incarner le changement, (iii) coconstruire cette étape avec les équipes afin d’éviter de leur donner la sensation que tout change mais rien ne change. J’ai la conviction que la meilleure manière de réussir est d’adresser ces éléments dans une approche globale visant à réenchanter l’expérience collaborateurs, en mettant en cohérence, tel un architecte, tous les leviers d’une expérience réussie : modèle opérationnel, politique RH, environnement de travail, modalités d’apprentissage, modèles de leadership, et les outils et systèmes. A l’image des clients qui viendront consommer dans une enseigne pour ce qu’elle offre et ce qu’elle renvoie, les collaborateurs, dans une symétrie d’attentions devront s’approprier les codes de la nouvelle enseigne. L’amour du maillot, en quelque sorte. Et ça ne se décrète pas, ça se bâtit ».
Au regard du nombre de chantiers à mettre en œuvre et d’intervenants à coordonner, il est nécessaire de mettre en place des outils de pilotage et de structurer la gouvernance du plan d’intégration.
Les outils et instances de pilotage devront non seulement permettre de sécuriser le respect des pré requis à chaque conversion, des plannings et des budgets, mais également de prendre des décisions réactives sur la gestion des aléas et l’allocation des ressources pendant les conversions. Enfin, elles devront perdurer pour suivre la bonne atteinte des résultats anticipés ou piloter la mise en œuvre de plans d’ajustements (que ce soit en termes de méthodologie ou de décisions stratégiques de (re)positionnement commercial) au regard des résultats et retours d’expériences des premiers magasins intégrés.
Le témoignage de notre expert, Nicolas RICHARD, Partner Deal & Finance chez Onepoint :
« L’identification des leviers de création de valeur mais surtout l’atteinte des objectifs financiers sont souvent incomplets lors des premières phases des programmes de post merger integration. Les acteurs sont prioritairement concentrés sur la bonne intégration commerciale des nouveaux magasins au sein du réseau. Nous accompagnons donc également nos clients sur des « temps 2 » pour piloter les ambitions de création de valeur revisitées. Nous travaillons tout particulièrement à l’implication des équipes managériales et donc à une meilleure appropriation des objectifs. Il y a fort à parier que dans les nombreux programmes d’intégration actuellement en cours dans le Retail, les business plan initialement prévus ne se traduiront pas pleinement dans leur exécution et nécessiteront des plans d’actions complémentaires ».
Article rédigé par Vincent VICART, Leader Retail chez Onepoint. Vincent intervient depuis 24 ans sur le pilotage de programmes de transformation dans le Retail. Parmi ses expériences, il est notamment intervenu sur le pilotage d’un programme de changement d’enseigne de plus de 300 magasins en GSA, sur différents deals et projets de post merger integration en GSB et sur l’optimisation des processus et rétroplanning d’ouverture des nouveaux magasins pour des enseignes de GSS.
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Vincent Vicart
Leader Retail