Hybrider distance & présence : une nouvelle expérience de travail

Comment travaillerons-nous demain ? Avec le vaccin et les Fêtes de Noël, c’est l’un des sujets qui revient le plus dans l’actualité. À juste titre d’ailleurs : nombreux sont les articles qui démontrent, enquêtes d’opinion à l’appui, à quel point la crise que nous vivons a accéléré l’évolution de nos attentes au travail, vers davantage de sens, de flexibilité, de personnalisation, d’épanouissement personnel… Plus encore aujourd’hui, « l’expérience de travail » proposée aux collaborateurs est la clé pour les séduire, les engager, et donc renforcer la performance collective.

Encore s’agit-il de concevoir cette expérience de travail performante et différenciante, qui désormais doit nécessairement hybrider distance et présence tout en questionnant les lieux, les pratiques, les outils et les organisations de travail… Pour ce faire, nous avons deux certitudes :

  1. Il faut sortir de la vision « unitaire » (la DRH s’occupe du télétravail, la DSI des outils de collaboration digitaux, le service immobilier des espaces de travail…) pour passer dans une vision « holistique » et intégrée – raison pour laquelle chez onepoint, nous arrêtons de parler de « modes de travail » et préférons désormais la notion d’« expérience de travail ».
  2. L’expérience de travail proposée doit donc être absolument spécifique et sur-mesure : en la matière, accumuler les Learning expéditions ne suffit pas car le « copier-coller » des choix faits par d’autres entreprises n’est pas possible ! Pour avancer, une seule solution : se lancer dans une démarche de design participatif, qui fasse sens pour votre entreprise car elle a pour entrants : la compréhension de la culture, de l’ADN et des usages actuels et les ambitions stratégiques pour demain.

Si les réponses qui dessinent cette nouvelle expérience de travail doivent être spécifiques à chaque entreprise, les questions à se poser et leur enchaînement sont les mêmes.

Quelle ambition en matière de travail à distance ?

C’est la question dont la réponse détermine toutes les autres !

En matière de travail à distance, le « saut de génération » a eu lieu. D’abord contraints, nous en avons découvert les opportunités (équilibre pro/perso, spécialisation des temps…) et les risques (isolement, mercenarisation, perte des indices socio-émotionnels…). Nous avons pris en main de nouveaux outils de collaboration digitale et des légions de managers se sont décomplexés quant à ce mode de travail qui faisait encore souvent douter il y a moins de 200 jours. Les études sont là encore unanimes : le travail à distance s’est imposé en France, et pour de bon.

Chaque entreprise doit cependant en définir les modalités : à quel rythme, pour qui, avec quelle flexibilité ?

Pour les fonctions tertiaires, nous identifions 4 scénarios possibles – chaque entreprise devant choisir le sien afin de positionner son ambition en matière de travail à distance : 1) toléré de façon exceptionnelle (20% du temps), 2) régulier (50% du temps), 3) majoritaire (80% du temps) et enfin 4) permanent (le fameux « full remote »).

Ce positionnement se fait en fonction de la culture de chaque entreprise et de ses activités – bien sûr, des subtilités peuvent être introduites (pour des métiers ou des profils spécifiques, par exemple), souvent en lien avec les partenaires sociaux. Mais dans le fond, c’est bien l’arbitrage-clé, en fonction duquel chaque entreprise pourra ensuite choisir sa voie sur les dimensions suivantes.

LES AUTRES DIMENSIONS À EXPLORER

En fonction de l’ambition retenue en matière de travail à distance, des moyens de l’entreprise et de ses choix stratégiques, il faudra ensuite déterminer l’ambition :

Sur le « package » proposé aux télétravailleurs : quel aménagement de l’espace de travail à domicile, indemnisation ou non de la consommation électrique, possibilités d’accès à des tiers-lieux de travail, développement de la réactivité du support IT…

Sur les propositions faites aux non-télétravailleurs : le travail à distance ne pouvant pas être imposé en droit français (hors contexte de crise), quelles possibilités ouvertes à tous ceux qui pour des raisons diverses, ne souhaiteraient pas télétravailler… Et bien sûr dans les entreprises n’employant pas que des « travailleurs de la connaissance », quel discours (voire plus) prévoir pour tous ceux dont le métier ne leur permet pas de profiter des bénéfices du télétravail … Après tout, selon les dernières projections, le travail à distance structurel ne concernerait « que » 25% des Français ! *

Sur les bureaux : conservation d’un grand campus en banlieue, retour en centre-ville ou ouverture de nombreux microhubs, partage des positions de travail ou attribution nominative, stabilité ou augmentation du nombre d’espaces dédiés à la collaboration & aux échanges, développement de la biophilie & invitation de la nature au bureau, dispositifs de renforcement de la convivialité (murs d’équipe tactiles…)

Sur la mobilité : en fonction de la localisation du site et du degré “d’inventivité” possible dans les solutions de mobilité proposées (de l’encouragement du covoiturage ou à l’équipement en vélos électriques, au “forfait mobilité” remplaçant les voitures de fonction), combien de places de parking prévoir…

Sur la restauration : quel avenir pour le restaurant d’entreprise classique, face à une baisse de la fréquentation & au développement d’offres alternatives, à la fois sur site et à distance (portée par de nouveaux concurrents comme Frichti ou Deliveroo) ? Comment capitaliser sur les temps de mobilité et de restauration pour en faire des vecteurs d’échanges & de sérendipité (avec des déjeuners ou des cafés tournants, par exemple)…

Sur les pratiques & la culture de collaboration : quels outils pour quels usages, quels critères pour décider si un temps collectif est réalisable à distance ou en physique : comment développer la base de connaissances et la culture de l’écrit nécessaire pour un travail à distance généralisé, comment protéger nos cerveaux contre l’infobésité et les ravages du polychronisme, comment recréer un « lieu de ralliement virtuel », véritable pendant digital du bureau…

Sur l’organisation du temps : face à la « réunionite » générée par le télétravail (+60% de réunions selon 2 000 télétravailleurs interrogés en juin 2020 par Opinionway **), quelles possibilités de « déconnexion » pour se concentrer, quelles plages horaires obligatoires de disponibilité, comment faciliter la déconnexion en fin de journée… Sujet sur lequel se cristallisera bien souvent le dialogue social au sein de l’entreprise !

Sur les nouvelles activités ou postes à créer dans l’entreprise : pourquoi pas un coach en gestion du temps ou en facilitation de temps collectifs, pour les préparer et les fluidifier, ou encore le e-community manager en charge de maintenir le lien malgré la distance…

Sur les nouveaux modes d’organisation à inventer pour retirer tous les bénéfices de cette nouvelle expérience de travail : des équipes plus responsabilisées dans la prise de décision, voire auto-organisées, le développement de l’auto-positionnement du temps de travail pour les métiers aux horaires fixes…

La liste des questions à se poser peut donner le vertige.

Pour y répondre, notre recommandation : associer, impliquer, faire participer, bref : « construire avec », d’abord parce que les décisions prises avec l’avis du terrain seront plus pertinentes, ensuite parce que leur appropriation en sera d’autant facilitée (merci l’effet Ikéa : on s’approprie beaucoup plus facilement quelque chose qu’on a contribué à créer).

Et pourtant, ce n’est que le début !

Bravo, vous avez apporté vos réponses aux questions ci-dessus et avez conçu une « expérience de travail » cohérente & pertinente ! Il n’y a “plus” qu’à lui donner vie… nous mettons des guillemets, car c’est en fait là que les choses sérieuses commencent.

Réaménagements et déménagements, dotation en équipements informatiques, négociation avec les partenaires sociaux, déploiement de nouveaux logiciels… Les chantiers sont nombreux. Mettons-les ici de côté : ce n’est pas qu’ils sont anecdotiques, loin de là (ce sont des enjeux cruciaux, qu’il faudra gérer et dont chacun mériterait son propre article) … mais bien parce qu’il y a une chose qui l’est encore plus : la culture de travail !

En effet, déployer une nouvelle expérience de travail est avant tout une transformation culturelle : de la posture managériale aux réflexes les plus quotidiens, c’est tout le référentiel commun de « comment on travaille seul et ensemble », parfois figé depuis des années voire des décennies, qui est remis en question.

Une transformation d’une telle ampleur nécessite de colossaux efforts d’accompagnement qui ne suffiront d’ailleurs pas : si l’on regarde les choses en face, il y aura sûrement une faible proportion de gens qui ne pourront pas monter à bord. Ceux-là devront rejoindre d’autres organisations dont les pratiques de travail leur correspondront mieux.

Et si pour couronner le tout, si vous avez sélectionné le scénario 2 ou 3 à la première question et que vous vous orientez donc vers une expérience de travail hybridant travail sur site & travail à distance, l’enjeu n’est plus seulement de la déployer : la faire vivre dans la durée sera aussi un défi ! Paradoxalement peut-être, faire co-exister distance et présence de façon structurelle est plus difficile que de choisir un côté ou l’autre.

Un exemple concret peut mesurer cette complexité supplémentaire : organiser une réunion dans le scénario 1 (tout le monde est sur site) ou le 4 (tout le monde est à distance) sera plus facile que dans un mode hybride où la moitié des participants sera dans la même salle sur site et l’autre moitié répartie chez soi.

Au quotidien, une expérience de travail hybride démultiplie les possibilités et nécessite beaucoup de discipline individuelle & collective, ainsi qu’une parfaite exemplarité managériale.

Ces efforts en valent la peine, si l’on considère la capacité à attirer, engager, faire collaborer efficacement et à fidéliser les meilleurs talents ; après tout, ce sont elles & eux qui feront la performance de demain.

*What’s next for remote work: An analysis of 2,000 tasks, 800 jobs, and nine countries

**Télétravail : les salariés le plébiscitent mais veulent plus de garde-fous

Pour approfondir le sujet découvrez l’article : Futur du travail : comment (ré)engager les travailleurs de terrain ?

Auteur : Alexandre Kelagopian

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