La Transition Ecologique comme levier d’attractivité des talents

RSE, écologie, zéro carbone, transition écologique, sobriété… presque comme un nouveau slogan, nous entendons ces mots scandés partout autour de nous par les politiques, les citoyens, les jeunes ou les moins jeunes… et les entreprises s’en emparent pour leur marque employeur comme gage d’engagement afin de fidéliser et attirer leurs talents. Pour autant, ce changement attendu par nos collaborateurs est-il un effet de mode ou reflète-t-il une exigence profonde ?

La transition écologique et la contraction énergétique sont des thèmes plus que jamais d’actualité comme nous le rappellent régulièrement les scientifiques du GIEC et les réalités physiques. Dans cet article, nous tentons d’explorer les impacts des enjeux climatiques sur les aspirations professionnelles des collaborateurs et l’évolution associée des leviers RH. L’entreprise doit-elle répondre à une “simple” quête de sens de ses collaborateurs, ou doit-elle prendre ses responsabilités en tant qu’acteur clé de cette transformation, sous peine de perdre ses premières ressources : les hommes et les femmes qui la composent ?

Une prise de conscience par tous

La prise de conscience du sujet climatique est unanime. En 2022, seuls 8% des Français(1) affirmaient “nous ne vivons pas de changement climatique” et 7% disaient “ne pas savoir”. Et si les jeunes sont davantage touchés par l’éco-anxiété (une angoisse liée aux crises environnementales, avec 77% d’entre eux qui disent trouver le futur effrayant (2), cette prise de conscience n’est plus liée à l’âge. L’engagement personnel des Français pour agir contre le changement climatique s’accélère (avec le tri des déchets, les économies d’énergies, la consommation responsable…), poussant naturellement les portes de l’entreprise. Selon l’ADEME, 78% souhaitent voir la société se transformer (1).

Très récemment, nous avons entendu des jeunes diplômés d’écoles prestigieuses (AgroParisTech, HEC, ESSEC…) appeler leurs camarades à déserter les entreprises qui ne s’engagent pas sur le sujet climatique (et par engagement, ils distinguent le greenwashing de vraies mesures). Pour 55% des collaborateurs, l’engagement social ou environnemental d’une entreprise est un critère plus important que le salaire, quels que soient l’âge, la profession ou le domaine d’activité. Pour les plus jeunes, cette proportion passe à 76% (3). De plus, les Français sont 47% (4) à vouloir changer d’entreprise pour répondre à leur quête de sens (dans laquelle l’aspect environnemental n’est pas le seul à entrer en compte, même s’il reste important).

Ce virage s’observe à l’échelle de l’Europe : employés, collaborateurs, indépendants, prestataires ou fonctionnaires questionnent alignent leurs attentes vis-à-vis de leurs employeurs. Et ce virage pourrait s’avérer plus profond qu’on ne l’imagine, puisque 97% des jeunes diplômés souhaitent trouver un travail utile à la société (5), 59% voudraient travailler au service des enjeux environnementaux (6) ; enfin, parmi les étudiants ingénieurs ou en classes préparatoires, près de 60% souhaiteraient que l’ensemble des métiers intègre la cause environnementale à leur quotidien (7).

Le contexte européen actuel et une crise économique pourraient venir contrebalancer cette observation, en reléguant les aspirations climatiques au second plan, mais un retour en arrière paraît peu probable au regard des chiffres… L’engagement environnemental d’une entreprise apparaît bien comme un levier fondamental d’attractivité des talents.

Un marché du travail en pleine évolution

Pour répondre aux enjeux et aux demandes des talents, le marché du travail est en pleine évolution avec notamment l’émergence de nouveaux emplois, comme les emplois verts et verdissants, pour lesquels l’Observatoire National des Emplois et Métiers de l’Economie Verte en donne les définitions suivantes :

  • Les métiers verts sont : « les métiers existants ou nouveaux, dont la finalité et les compétences mises en œuvre contribuent à mesurer, prévenir, maîtriser, corriger les impacts négatifs et les dommages sur l’environnement ».
  • Les métiers verdissants sont : « les métiers dont la finalité n’est pas environnementale, mais qui intègrent de nouvelles briques de compétences pour prendre en compte de façon significative et quantifiable la dimension environnementale dans le geste métier ».

En 2020, Pôle Emploi recensait 14% des demandeurs d’emploi (soit près de 850 000 personnes) à la recherche de métiers “verts” ou “verdissants”, majoritairement des hommes (84%) et des profils jeunes. Toujours en 2020, 17,5% des offres publiées sur Pôle Emploi concernaient ce type de métiers, soit une hausse de plus de 10% par rapport à 2019 (8). De même, depuis 2016 sur LinkedIn, la part des emplois verts ou verdissants a augmenté de plus de 60%.

Face à cette prise de conscience croissante, il apparaît logique que les demandes et les besoins suivent la même tendance, par nécessité, dans les entreprises. Le Cahier de Tendances 2023 de Parlons RH le résume d’ailleurs très bien : “L’entreprise, manifestement, sera responsable ou ne sera plus.”. 82% des collaborateurs dont l’entreprise a une fonction RSE identifiée s’y voient encore travailler dans 3 ans contre 68% dans le cas contraire (9). Au regard du coût du turnover pour une entreprise (en recrutement, formation, perte de productivité du collaborateur et du manager… ) il apparaît clairement que le développement des emplois et des responsabilités, “verts” constitue un enjeu stratégique.

Autre signe qui ne trompe pas : la multiplication de nouvelles structures ou initiatives pour conseiller les collaborateurs qui souhaitent se diriger vers des emplois plus verts : La Fresque de l’Emploi Durable, Ticket for Change, Birdeo, Jobs that make sense… Leur promesse, permettre aux Femmes et Hommes qui souhaitent rejoindre une entreprise ou y rester, de concilier leurs aspirations sociétales et leur métier au quotidien.

Transition écologique et business : réconciliation ou abandon ?

Invité du Medef en septembre 2022, Aurélien Barrau avait interpellé les dirigeants d’entreprise sur l’urgence écologique. L’astrophysicien et écologiste a directement rappelé les enjeux dont il est question et les responsabilités qui incombent aux chefs d’entreprise en ce qui concerne l’environnement : « Tant que vous nommerez « croissance », le fait de raser un espace gorgé de vie pour le remplacer par un espace commercial, fut-il neutre en carbone, nous n’aurons pas commencé à réfléchir sérieusement. » Et pour conclure, il a été applaudi à la fin de son discours…

Quel que soit le secteur, les entreprises ont à questionner leur positionnement, les métiers qu’elles souhaitent faire évoluer ou développer, les transformations qu’elles devront mener en lien avec les enjeux climatiques. Les postes et les responsabilités associés à ces chantiers constitue(ro)nt un pôle d’attractivité interne et externe pour des talents. La bonne nouvelle est que toutes les fonctions dans l’Entreprise sont concernées, une difficulté à anticiper est l’antinomie ou le caractère très éloigné entre certaines fonctions et l’enjeu climatique auquel répondre.

Chez onepoint, nous avons décidé de mettre en place la RESET scorecard. Le métier du conseil est, de prime abord, peu carboné comparé à d’autres secteurs d’activité. Pourtant, nos missions et nos recommandations ne sont pas neutres pour le climat. Nous avons donc décidé de mesurer leurs impacts sur cinq critères : Responsabilité, Environnementale, Sociale, Economique et Technologique. Chaque critère est évalué par neuf questions pour comprendre l’impact de notre mission sur la décarbonation, la diversité, ou encore le cycle de vie et l’éthique du numérique. C’est un premier pas vers l’action, en questionnant nos positionnements et nos recommandations, en comprenant leurs limites pour mieux connaître les opportunités qu’elles présentent.

Un deuxième pas a été de faire évoluer certains de nos métiers vers des contenus, des projets et des enjeux climatiques quelles que soient les compétences de départ de nos collaborateurs : Conseil, Projet, Innovation, Data, IA, IT… pour nos besoins internes mais aussi pour accompagner nos clients. Un collectif croissant de près de 150 talents alimente désormais cette évolution.

Nous croyons à la méthode des petits pas. Un changement progressif permet une meilleure adaptation des collaborateurs, des entreprises et des clients. La première étape nécessite de comprendre leurs aspirations qui aujourd’hui apparaissent comme un monde plus sobre et durable. Tous les acteurs de l’emploi observent bien que l’attrait d’un alignement entre enjeux climatiques et vie professionnelle s’intensifie sensiblement. Profitons-en pour adapter nos métiers, pour développer l’engagement et la motivation de nos collaborateurs (donc notre productivité !), pour attirer de nouveaux talents !

Cependant, cette première étape ne suffira pas et il sera temps de passer à celle d’après : entamer une réflexion solide pour savoir comment nous allons gérer cette transition énergétique, qui s’accompagnera nécessairement d’une contraction énergétique. Dans ce contexte, il nous faudra déterminer les contours de notre société, agriculture, transports, aménagement du territoire, activités manufacturières, indicateurs de succès, système fiscal et contrat social… et là, nous aurons besoin de tous nos talents pour dessiner ce nouveau monde.

Sources

  • (1) ADEME, enquête CREDOC, 2022
  • (2) University of bath, étude « Young People’s Voices on Climate Anxiety, government betrayal and moral injury: a global phenomenon », septembre 2021
  • (3) Korn Ferry, étude sur l’engagement des employés, 2018
  • (4) Robert Half, enquête “Ce que veulent les candidats”, mars 2022
  • (5) France Université, étude “Mutations sociétales & nouvelles compétences : quels impacts sur les organisations ?”, 2019
  • (6) Programme des Nations Unies pour le Développement (PNUD), Vote Populaire pour le Climat, 2021
  • (7) Réseau Etudiant pour une Société Ecologique et Solidaire (RESES), Consultation Nationale Etudiante, 2020
  • (8) Observatoire National des Emplois et Métiers de l’Economie Verte (ONEMEV), enquête 2022
  • (9) MEDEF, 3e baromètre de la perception de la RSE en entreprise, 2021

Découvrez la RESET Scorecard de onepoint : un outil pour évaluer et améliorer l’empreinte positive de nos interventions

Auteur : Philippine Videlaine

Consultant People Experience