Pourquoi les meilleurs Tech Lead sont « des râleurs » ?

Dans le développement logiciel, le Tech Lead joue un rôle central pour faire progresser le projet et l’équipe vers l’excellence. Sa propension à râler constitue toutefois un moteur indispensable pour remplir ce rôle. Découvrez donc ce qui détermine cette force de caractère qui met de l’huile dans l’engrenage des projets de développement.

 

Dans le monde du développement logiciel, s’il y a un profil qui est considéré comme râleur, c’est bien le Tech Lead. Son rôle central autour de tous les aspects techniques d’un projet l’amène souvent à se plaindre. Que ce soit auprès des équipes qu’il encadre ou des autres intervenants autour du projet, il a toujours un commentaire à faire.

En fait, cette attitude vise à faire progresser le projet et les membres de son équipe vers l’excellence. Être à jour, assurer la qualité du projet, répondre aux besoins du client, faire monter en compétence les jeunes talents : ce rôle aux multiples facettes peut entraîner une charge mentale qui mine peu à peu sa motivation, son engagement et ses relations avec le reste de l’équipe projet.

Le Tech Lead, grâce à son expertise et sa passion pour son métier, se retrouve souvent en confrontation avec ses clients, son employeur et ses collègues. Il n’entre pas dans le cadre vertueux du travailleur engagé : il cherche toujours la meilleure solution ou l’approche la plus pertinente pour résoudre une problématique, même si cela va à l’encontre des valeurs et des habitudes de l’entreprise. Cette audace, contre toute attente, apporte une réelle valeur ajoutée à l’entreprise[1][2].

En tant que Tech Lead, il est parfois difficile d’absorber l’ensemble de ses responsabilités et incompréhensions. Quelques petites astuces et habitudes peuvent toutefois nous permettre d’évoluer plus sereinement et efficacement dans ce métier passionnant et plein de rebondissements.

Ainsi, chaque nouveau problème devient un défi que nous relevons avec plaisir, tout en râlant toujours un peu.

Le Tech Lead, râleur chronique

Être Tech Lead est un objectif convoité par de nombreux développeurs, à juste titre. Ce métier passionnant offre une diversité de possibilités et de responsabilités incroyables.

Toutefois, selon moi, il est souvent associé à un tempérament pas toujours bien perçu. En effet, au regard de l’équipe technique, le métier ou les managers, les Tech Lead jouissent d’une réputation d’infatigables râleurs.

Et je suis très bien placé pour le savoir.

Je suis Tech Lead.

Quand les recommandations des Tech Leads sont ignorées

Récemment, un développeur rencontrait des difficultés pour effectuer les bons raccordements nécessaires à ses tests unitaires. (Par chance, nous avions réussi à mettre en place ces derniers.)

Après avoir examiné son code, j’ai réalisé qu’il y avait un problème de conception qui entravait la rédaction de ses tests. J’ai donc engagé une discussion avec lui pour comprendre ce qui n’allait pas.

Le chef de projet, entendant notre conversation, m’a lancé : « Pourquoi râles-tu cette fois-ci ? ». Bien que j’apprécie ce chef de projet, il a une fois de plus opté pour une solution de bricolage plutôt que de revoir le code.

J’ai donc « râlé ».

D’une part, on attend des Tech Leads qu’ils interviennent sur les projets pour garantir la sécurité des aspects techniques, mais leurs recommandations ne sont pas toujours prises en compte. Malgré cela, on compte sur eux pour résoudre les problèmes, peu importe leur complexité.

Coup de gueule : bataille contre l’incompatibilité et la négligence

Nous avons récemment repris un projet d’un client historique qui utilise un vieux framework interne. Je n’ai pas beaucoup de temps pour ce projet, mais je les ai quand même avertis qu’il faudrait envisager de se détacher de ce framework.

Évidemment, cela n’a pas été fait et, bien sûr, il y a des incompatibilités avec le reste du système d’information. On me demande donc de résoudre un problème (une sombre histoire de bibliothèque qui ne supporte pas l’envoi de requêtes GET avec un corps).

Après deux ou trois escalades, et donc, quelques dizaines de mails (et le temps perdu qui va avec), il a fallu que je trouve une solution bancale pour que cela fonctionne. J’ai donc perdu 2 jours à mettre en place un correctif sur une bibliothèque qui n’est plus maintenue. Donc oui, j’ai râlé.

Quand le Tech Lead se heurte à un dysfonctionnement imprévu

Ce matin, à peine revenu d’un jour férié, j’ai été contacté par un développeur qui se trouvait seul et faisait face à un dysfonctionnement de sa plateforme de recette. Et pour ne rien arranger, il avait une démo importante prévue dans un délai très serré. Le problème était lié à un projet, un contexte et une technologie que je ne connaissais pas.

Après deux heures à chercher l’aiguille dans le foin, j’ai finalement découvert que les disques des machines virtuelles étaient totalement saturés. Et la raison qu’on me prétexta était que « la gestion des plateformes coûtait trop cher ».

Malheureusement dans ces cas là, sans documentation ni informations précises sur le contexte, il était impossible de libérer suffisamment d’espace sur les disques. J’ai donc pris la décision de faire un compte-rendu et d’attendre la réunion de lundi pour trouver une solution.

Dans ce genre de situations, il est inévitable que ma frustration s’exprime. Alors, ils m’entendront râler.

Des tempéraments bien trempés mais indispensables

En dépit de leur nature soupe au lait, malgré ces défis, les équipes continuent de solliciter les Tech Lead pour de nombreux sujets. Pourquoi ? Tout simplement parce qu’ils sont souvent les seuls à pouvoir résoudre les problèmes techniques complexes, et qu’ils ont une compréhension approfondie du fonctionnement des systèmes.

Les rôles du Tech Lead

Afin de répondre à ces questions, il faut reprendre, dans les grandes lignes, les rôles du Tech Lead. Généralement, on devient Tech Lead après quelques années d’expérience, de bonnes compétences techniques et une posture de sachant.

Le Tech Lead : un responsable garant de la solution technique

Au même titre que le chef de projet qui doit s’assurer que le projet se déroule bien, le Tech Lead est garant de la solution technique qui va être mise en place et de son fonctionnement.

En effet, il a la charge de garantir la qualité, la robustesse, la résilience et la facilité de maintenance de la solution technique mise en place. Pour y parvenir, il doit s’assurer que tous les éléments développés par l’équipe technique respectent les normes en vigueur et fonctionnent parfaitement.

Une grande partie de son travail consiste donc à exercer une critique constructive sur les réalisations de l’équipe. C’est une pression supplémentaire sur ses épaules.

Le Tech Lead : un mentor pour les développeurs

Afin de garantir que les projets soient réalisés correctement et répondent aux attentes, le Tech Lead a également pour responsabilité de former ses équipes.

Pour cela, il doit leurs enseigner les bonnes pratiques de développement et le bon usage des outils, et ce, tout au long du projet. Cette tâche nécessite du temps, une bonne dose de patience et une supervision attentive du processus de développement.

Cependant, former l’équipe est une tâche délicate, car cela exige du Tech Lead de développer les compétences de tous les membres, sans exception.

Le Tech Lead doit maintenir une attention continue sur les productions de l’équipe pour évaluer leur acceptabilité. Par conséquent, il doit ajuster sa stratégie de formation en fonction de ces objectifs.

Le Tech Lead : un vulgarisateur humble

Le Tech Lead ne doit pas seulement maîtriser les aspects techniques du projet, il doit également être capable de les vulgariser pour les parties prenantes qui n’ont pas la même expertise que lui, qu’il s’agisse du client, des managers ou des équipes métier. Que ce soit pour le client, les managers ou les équipes métier, il doit en effet être en mesure d’expliquer clairement les concepts techniques.

Cette compétence est plus ou moins difficile à acquérir et demande parfois un effort assez important. En effet, en plus de former les équipes de réalisation, il doit aussi être mesure de s’adresser à des néophytes.

Par exemple, expliquer le fonctionnement d’un site web à client demande une patience non négligeable.

Le Tech Lead : maillon indispensable des échanges techniques

En raison de ces responsabilités évoquées, le Tech Lead occupe naturellement une position centrale dans les discussions techniques.

A l’instar d’un Product Owner, il doit être capable de comprendre les besoins et les exigences du client, puis de transmettre ces informations aux équipes techniques, qu’il s’agisse du développement ou de l’infrastructure.

Ces tâches s’accompagnent également du contrôle de la réalisation du projet et de la remontée des informations à ses managers.

Evidemment, chaque projet, chaque client, chaque équipe, chaque époque, est unique. Par conséquent, le Tech Lead doit s’adapter constamment à ces contextes variés.

Les « problèmes » du Tech Lead

Le Tech Lead est un poste polyvalent qui exige des savoir-faire à la fois techniques et relationnels. Cependant, cette accumulation de responsabilité peut devenir problématique pour plusieurs raisons.

Le temps : ennemi numéro un du Tech Lead

En raison de ses multiples responsabilités, le Tech Lead est souvent soumis à la pression du temps ou à l’impression d’en manquer.

Cette situation est due à la nécessité de gérer de nombreux sujets en parallèle, avec des urgences qui ne sont pas toujours fondées.

Les interruptions fréquentes compliquent la concentration sur des tâches importantes, générant ainsi une impression d’urgence permanente. Cette situation peut engendrer de l’irritabilité et du stress, au point où le Tech Lead ne peut ne plus être en mesure d’aider efficacement ses collègues.

Bien que l’organisation puisse constituer une solution partielle, la nécessité d’aider les autres peut également causer ces retards. En somme, le temps est un ennemi redoutable pour le Tech Lead.

Alors oui, on râle.

Le Tech Lead : contraint d’avoir réponse à tout

Il est également du ressort du Tech Lead de garantir la solution technique. Il ne peut en effet en aucun cas se soustraire à cette responsabilité. Il est considéré comme celui qui détient la solution.

Ainsi, lorsque survient une question ou une problématique technique, le tech lead se doit de fournir une réponse, même s’il ne la maîtrise pas complètement la situation.
Par conséquent, dire « Je n’ai pas de solution, demandez à quelqu’un d’autre » n’est donc pas une réponse acceptable pour un Tech Lead.

Il y a environ un an, dans le cadre d’un projet de développement web, j’ai décidé d’utiliser le même langage pour un traitement par lot. J’ai utilisé une librairie de multithreading que je connaissais très peu.

Problème, nous avons été confrontés à la présence de nombreux processus fantômes sur les machines virtuelles. Entendez par-là, des processus qui continuer de s’exécuter en arrière-plan, alors qu’ils ne devaient plus être actifs.

Cela peut peuvent le bon déroulement des opérations et impacter les performances globales du système. Dans mon cas, cela a nécessité une analyse approfondie de la librairie pour identifier la source du problème. Plusieurs jours ont été nécessaires pour découvrir que j’avais commis une erreur de configuration.

Mais personne à part moi, dans notre équipe, chez le client ou chez l’hébergeur, n’avait les compétences pour déboguer ça dans un temps acceptable.

Le dilemme de la liberté et de la stabilité

Dans la même veine, le Tech Lead, doit faire preuve de pragmatisme pour pouvoir intervenir en cas de problèmes survenant pendant la phase de développement ou d’exécution.

Cela nécessite d’avoir une vision globale de la solution et de connaitre la réalisation de la solution suffisamment bien pour savoir où et comment chercher la solution.

Ce pragmatisme oblige le Tech Lead à trouver un équilibre délicat entre laisser la liberté de conception et réalisation de la solution aux équipes tout en imposant une certaine façon de faire pour garantir la qualité et la stabilité de la solution.

Le Tech Lead : responsable perfectionniste des fondations

De la délégation et aux ajustements 

Souvent, il arrive que le Tech Lead exerce un rôle d’architecte. Dans ce cas, il est chargé de poser les premières briques techniques, que ce soit à travers des schémas ou des éléments concrets tels que l’infrastructure technique. C’est ce qu’il aime le plus. On part d’une page blanche, on se met à l’état de l’art. On expérimente de nouvelles techniques un peu fun. Bref, on se fait plaisir.

Cependant, une fois son travail terminé, le Tech Lead doit accorder sa confiance à l’équipe de réalisation composée de développeurs, de chefs de projets et d’experts en opérations (ops). Et c’est à ce stade que les choses peuvent se gâter !

Le Tech Lead constate que sa création dénaturée et que les lignes directrices ont été ignorées. Par conséquent, d’importants ajustements seront nécessaires pour répondre aux évolutions du projet.

Alors, le Tech Lead râle.

Toutefois, ces frictions sont inévitables. C’est pourquoi le Tech Lead peut exprimer sa frustration lorsque des modifications sont demandées ou lorsque les développeurs prennent des libertés avec ses directives.

Maintenir des standards élevés avec des équipes moins expérimentées

Le Tech Lead est reconnu pour sa rigueur et ses compétences, qui lui ont permis d’atteindre ce poste. Cependant, son niveau d’exigence peut parfois constituer un réel défi lorsqu’il encadre des équipes moins expérimentées.

En effet, il a tendance à vouloir appliquer les mêmes standards de qualité qu’il maîtrise, mais qui peut s’avérer difficile à atteindre pour les autres membres de l’équipe. Ces derniers sont souvent composés de profil plus jeunes et moins expérimentés. Ils n’ont donc pas l’expérience nécessaire pour atteindre le niveau d’excellence qu’il recherche.

Le Tech Lead a également tendance à idéaliser les principes de développement, en pensant que l’application d’un certain pattern permettra une réalisation rapide et propre. Il peut alors oublier que leur mise en pratique peut être complexe et nécessiter des ajustements.

Il peut même parfois se montrer plus exigeant envers les autres qu’envers lui-même, ce qui peut créer des situations stressantes pour tout le monde.

Quelques outils pour aider le Tech Lead

Savoir dire non : un outil indispensable du Tech Lead

En tant que responsable de l’équipe de réalisation, le Tech Lead occupe une position de première ligne dans le suivi de tous les aspects de la solution.

Fort de son expérience et de sa connaissance de la conception de la solution, il est en mesure d’émettre un avis critique sur les demandes du client. Ce qui n’est pas le cas d’un développeur qui pourrait passer à côté de points sensibles.

C’est pourquoi il doit avoir le courage de dire « NON », de remettre en question la pertinence des demandes du client ou de remettre en cause la méthode choisie.

Cette position peut le mettre en opposition avec les autres intervenants. Le Tech Lead doit en effet parfois s’opposer à l’avis des autres, même lorsque tout semble cohérent et que les équipes de réalisation peuvent avancer sans problème. Cette posture peut parfois être mal comprise, donnant l’impression que le Tech Lead est un « méchant » aux yeux du client et de l’équipe de gestion.

Savoir convaincre et persuader

Le Tech Lead doit faire face à un défi de taille convaincre les clients ou les développeurs que la simple fonctionnalité d’un produit ne suffit pas. En effet, il doit s’assurer que la solution mise en place soit maintenable, à jour, testable et performante sur le long terme. Cette tâche demande du temps et des compétences supplémentaires qui vont bien au-delà de la simple fonctionnalité.

Avant de suggérer au Tech Lead de ne rien changer en se contentant de dire « ça marche bien comme ça », il est primordial de se préparer à argumenter. En réalité, la qualité d’un produit ne se résume pas uniquement à sa fonctionnalité de base, mais repose sur de nombreux autres critères essentiels.

Être curieux, mais conscient de la réalité

Le Tech Lead assume également la responsabilité de la veille technologique afin de maintenir ses compétences et connaissances à jour.

Cependant, dans un domaine en constante évolution, les avancées techniques surpassent souvent la vitesse de développement des solutions. Les piles technologiques, par exemple, sont souvent obsolètes au moment où le produit est mis en production, ce qui suscite à la fois l’enthousiasme et la frustration du Tech Lead.

Il aime l’innovation, mais déteste intervenir sur des projets qui ne sont pas à l’état de l’art. Mais cela ne l’empêche pas de rester attentif à l’actualité technologique, même s’il ne peut pas immédiatement appliquer les nouvelles pratiques.

Faire grandir les talents

Les Tech Lead se retrouvent souvent confrontés à des situations qui ne relèvent pas véritablement de leur rôle, et cela peut être assez frustrant.

En effet, même s’ils sont là pour accompagner les développeurs dans leur montée en compétence, ils ne devraient pas avoir à gérer des comportements immatures ou des excuses peu convaincantes du type « je n’ai pas envie de le faire » ou « ce n’est pas ma faute ».

En tant que professionnels, notre travail est rémunéré et doit être effectué, sans discussion. Les Tech Lead pourraient donc consacrer leur temps à des tâches bien plus importantes que de résoudre ce genre de problèmes. Toutefois, le Tech Lead doit savoir ronger son frein et contenir sa frustration.

Ils doivent cependant savoir recadrer les membres de leur équipe sans les décourager, les conseiller sans les infantiliser, et prendre en compte leur personnalité et leur niveau d’autonomie. Bien que cela demande des efforts, cela peut s’avérer payant à long terme.

Pourquoi les Tech Lead ne changent-ils pas de poste s’ils sont si mécontents ?

En dépit des défis constants qu’ils doivent relever, la majorité d’entre eux nourrissent une véritable passion pour la technologie et tirent une fierté légitime de leur travail.

Ils sont également conscients de l’impact positif qu’ils ont sur leur entreprise et de leur capacité à résoudre des problèmes complexes avec brio.

En fin de compte, occuper le poste de Tech Lead peut s’avérer exigeant, mais il s’agit d’un rôle indispensable pour assurer le succès de l’entreprise. Les Tech Lead doivent jongler habilement entre la résolution de problèmes techniques pointus, entre la satisfaction des attentes des équipes et des responsables, tout en préservant intacte leur passion pour la technologie.

Une autre approche pour moins râler ?

Témoignage de Philippe Morisseau, Architecte Cloud Solution

Valoriser les talents

« La force d’une équipe réside dans la diversité des caractères de ses membres. Certains sont curieux, d’autres méthodiques, rêveurs, sensibles, introvertis, et bien d’autres encore.

En tant que tech-lead, ma mission est de valoriser leurs talents et d’utiliser ces traits de caractère à bon escient. Inspiré par mon plus grand mentor, Luc Dages, j’adopte alors une approche qui consiste à observer attentivement les individus au démarrage des projets, en identifiant leurs forces et leurs faiblesses.

Ensuite, je répartis les responsabilités en accord avec leur personnalité. Ce n’est pas toujours facile. Il faut généralement plusieurs semaines pour que l’équipe fonctionne à son plein potentiel. Cependant, une fois ce stade atteint, le tech-lead peut compter sur chaque membre de l’équipe. »

Leadership collectif : s’inspirer du football pour favoriser l’implication et la responsabilité individuelle

« Ainsi, les membres de l’équipe se sentent impliqués car ils ont une responsabilité individuelle. Le système n’est plus hiérarchique mais collectif.

Je fais souvent une analogie avec une équipe de football, où le tech-lead joue le rôle du capitaine. Le capitaine de l’équipe partage une vision et fait le relais avec le coach (le sélectionneur). Et ça s’arrête là. Les autres joueurs ont également leurs responsabilités.

Ces derniers doivent apporter leurs doivent apporter leurs compétences, tant techniques que relationnelles, pour atteindre la victoire collective. »

On entend mieux les râleurs

« Bien sûr, je me plains parfois aussi, car mon système n’est pas parfait. Mais maintenant, je râle lorsque je constate que le collectif qui m’est confié ne correspond pas aux enjeux (souvent un problème de compétences relationnelles).
Je râle aussi beaucoup contre moi-même, mais ça c’est parce que je suis un taré/exigeant envers moi-même. »

Râler : la marque de fabrique du Tech Lead

On ne va pas se mentir, le Tech Lead a une propension certaine à râler. Cela fait partie des raisons pour lesquelles il exerce cette fonction. Si l’on considère ses compétences et son rôle d’inspecteur des travaux finis, il est logique qu’il trouve matière à critiquer.

Râler : une « certaine satisfaction »

Bien qu’il ait différentes façons de donner des retours ou des conseils, le Tech Lead préfère souvent commencer par se plaindre avant d’adopter une communication constructive.

En réalité, il sait que se plaindre ne fera pas avancer les choses, mais cela lui procure une certaine satisfaction.

En réalité, il sait que se plaindre ne résout rien, mais cela lui procure une certaine satisfaction.

D’une certaine manière, c’est un moyen pour lui de maintenir sa supériorité technique en soulignant que les choses devraient être mieux faites : « Ce n’est pas normal qu’on en soit encore à faire ça alors que je pourrais faire mieux ! « .

Râler, le plaisir coupable du Tech Lead

Peut-être que ça le rassure ? C’est le petit plaisir coupable du Tech Lead ? Peut-être que cela l’aide à dédramatiser une situation ?

Quoi qu’il en soit, cela lui fait du bien, et il en apprécie l’effet. Alors, pourquoi continue-t-il à exercer ce métier malgré son agacement apparent ? On l’aime pour ça.

C’est aussi ce qu’on attend de lui. Ce côté « râleur » du Tech Lead est devenu une espèce de marque de fabrique, un trait de caractère, qui a pris une teinte caricaturale avec le temps. Et comme toute caricature, cela apporte une touche comique qui facilite la transmission des messages.

Un aspect humain et accepté

Il suffit de comparer un audit papier, purement factuel, à une revue en direct avec un Tech Lead qui passe son temps à râler en disant « ce n’est pas comme ça qu’il faut faire », ponctué de soupirs et de gestes d’exaspération. Pour les plus juniors, cela peut être stressant, mais avec le temps, on s’y habitue voire on en rit.

Ce côté râleur apporte une touche humaine, voir caricaturale, qu’un audit froid n’a pas. La « pilule » passe mieux.

Au-delà des apparences, lorsqu’il s’agit de repérer de futurs Tech Lead potentiels, on constate souvent que ce sont ceux qui râle le plus qui attirent l’attention, tout simplement parce qu’ils se font le plus entendre.

Râler, une démarche de valorisation du Tech Lead

Principe du tech lead ego-tripper [3] : pour accéder au poste de Tech Lead, il faut se mettre en avant et il faut être assez solide sur ces connaissances. Sans cette mise en valeur, il sera difficile d’être repéré et reconnu.

Ainsi, le Tech Lead doit avoir un minimum d’ego pour s’affirmer et éviter de se laisser marcher sur les pieds.

En exprimant son mécontentement face aux résultats qui ne répondent pas à ses attentes (et en suggérant comment il aurait fait les choses), il démontre également sa volonté de se positionner comme le meilleur.

Ressources supplémentaires
« A bad mood may help your brain with everyday tasks », uwaterloo.ca, JULY 10, 2018.

[1] Annie Kahn, « En entreprise, les râleurs sont meilleurs », lemonde.fr, 22 avril 2013.

[2] Mark Murphy, « Job Performance Not A Predictor Of Employee Engagement », shopify.com, 2013.

[3] Ego Trip : L’expression anglaise « ego trip » désigne une attitude ou un comportement où une personne se met en avant pour mettre en valeur son ego et sa propre importance. Cela peut se traduire par une volonté de se faire remarquer, de se vanter de ses réalisations ou de se positionner comme supérieur aux autres. Le nom est ego-tripper.

Auteur : Yann Schepens

Tech Lead